Les vaincus de Versailles se vengent à Barcelone, où la France tombe les armes à la main
L’Allemagne a remporté la finale de la toute nouvelle Ligue des nations Longines de saut d’obstacles, cet après-midi à Barcelone. Elle a devancé les Pays-Bas, la Suède, l’Irlande et le Brésil, quatre équipes qui, comme elle, avaient failli aux Jeux olympiques de Paris 2024. Quant à la France, médaillée de bronze dans son merveilleux parc de Versailles, elle a littéralement mordu la poussière, Kevin Staut ayant été éliminé en seconde manche après une séparation de corps d’avec Beau de Laubry.
“Trois centimètres, cela n’a l’air de rien, mais cela change beaucoup de choses. Avec des obstacles hissés au-delà d’1,60m, la parabole de saut de la plupart des chevaux se modifie, ce qui peut alors transformer un double de verticaux tel que celui que nous avions aujourd’hui. En l’occurrence, même si ce n’était nécessairement l’effet escompté, en rehaussant les barres de trois centimètres entre la première et la seconde manche, c’est comme si nous avions raccourci de vingt centimètres la distance entre les deux éléments de cette combinaison.” Ces mots ont été prononcés en conférence de presse par Santiago Varela Ullastres, le chef de piste du CSIO 5* de Barcelone, qui a excellé cet été aux Jeux olympiques de Paris 2024, en binôme avec Grégory Bodo, et en bien d’autres occasions. Cette analyse d’expert permet de mieux comprendre comment un parcours, en apparence accessible, à en juger par les quinze sans-faute réussis au premier acte, s’est transfiguré en défi des plus corsés pour nombre des vingt-sept couples rappelés sur la piste olympique du Real Club de Polo de Barcelone pour la manche décisive de la toute première finale de la Ligue des nations Longines, cet après-midi en Espagne.
Compte tenu des efforts fournis en première manche, mais aussi de la programmation de cet événement en toute fin de saison extérieure, était-il nécessaire de rehausser de trois centimètres les deux verticaux du double placé en 7, ainsi que l’étroit vertical 11, qui concluait la ligne contenant le triple oxer-vertical-oxer? Les Allemands, vainqueurs de cette finale comme de la dernière de l’ancienne série Longines des Coupes des nations, l’an passé, n’ont évidemment rien trouvé à y redire. Les nations plutôt équipées de chevaux réputés moins puissants, comme la France, les États-Unis et le Brésil, auraient sûrement voté pour un statu quo si la question leur avait été posée. Il y a toutefois encore eu six sans-faute, prouvant que ce parcours musclé n’était pas infranchissable. Assumant courageusement son choix, Santiago Varela a eu raison de rappeler que “les fautes sont surtout survenues sur des verticaux et premiers plans d’oxers, et n’ont donné à voir aucune mauvaise image. Seuls les cavaliers ont souffert, ce qui est juste s’agissant d’une telle épreuve.” Au-delà des points de vue des uns des autres, dans le cadre d’un débat légitime, on retiendra surtout que trois centimètres de plus ou de moins ici ou là, cela peut tout changer; et que l’office de chef de piste est toujours plus ardu qu’on ne le pense.
Les bleus y ont cru jusqu’au bout
C’est donc la Mannschaft qui s’est imposée aujourd’hui avec un score final de douze points, remportant sur le fil un bras de fer haletant avec les Pays-Bas, battus d’une faute. Quant à la Suède, pénalisée de vingt points, elle a gagné le match pour la troisième place, qui l’a opposé à l’Irlande, déclarée quatrième en raison d’un cumul de chronomètres plus long que celui des Scandinaves, au Brésil, cinquième avec vingt-quatre points, et… à la France, qui a tout perdu lorsque Kevin Staut a été déculassé de Beau de Laubry en raison d’une divergence de vues des deux athlètes à l’abord du fameux double de verticaux qui a causé des misères à tant de cavaliers. Figurent aux cinq premières places rien de moins que cinq prétendantes déçues au podium collectif des Jeux de Paris. C’est dire l’esprit revanchard qui animait bien des cavaliers aujourd’hui. Les États-Unis et l’Espagne (invitée en qualité de nation hôte du CSIO), qui n’ont pas présenté tous leurs meilleurs couples, pour des raisons diverses et variées, ne se sont pas quittés d’une semelle, bouclant la première manche avec douze points, puis la seconde avec seize de plus. Pour trente centièmes de seconde, l’Oncle Sam a devancé l’équipe ibérique, qui semble avoir son public, plus nombreux et enthousiaste qu’hier et vendredi. Quant à la Suisse, elle a évité le bonnet d’âne grâce à l’élimination de la France, mais elle n’a surtout jamais semblé en mesure de jouer les premiers rôles dans cette épreuve.
Les Bleus, eux, ont cru – si ce n’est à la victoire – à un podium jusqu’au bout. En première manche, cet espoir a été entretenu par les sans-faute convaincants de Julien Épaillard et Kevin Staut avec Donatello d’Auge et Beau. La palanque du vertical 9, juge de paix de ce premier acte, a privé de sans-faute Olivier Perreau et Dorai d’Aiguilly*GL events, excellents sur le reste du tracé. Quant à Olivier Robert, entré en lice avec Iglesias DV après le début de coliques dont I Amelusina 51 R, partenaire de Simon Delestre, a été victime hier matin, il a également renversé cette palanque puis l’oxer 10c. Henk Nooren, qui a très probablement vécu sa dernière grande épreuve à la tête de l’équipe de France, a logiquement choisi d’envoyer au second acte les trois premiers couples nommés. À ce stade, avant la mésaventure de Kevin et Beau, Julien et Donatello ont fauché les deux éléments du double, alors qu’Olivier et Dorai ont concédé une petite faute sur l’oxer 5 et une seconde sur le vertical 11 rehaussé. Le quintette tricolore espérait mieux qu’une neuvième place, gratifiée de 28.000 euros, soit 17,5 fois moins que les 490.000 euros encaissés par l’Allemagne, mais la médaille de Versailles, même en bronze, vaut tous les euros sonnants et trébuchants du monde.
United Touch S, Beauville, Legacy et Tornado VS crèvent l’écran
Dans une telle épreuve, les doubles sans-faute ont rapporté gros: aux équipes bien sûr, mais aussi aux cavaliers, récompensés en points au classement mondial ainsi qu’en argent, avec une prime individuelle de 50.000 euros. Les heureux élus sont l’Allemand Richard Vogel et United Touch S, auteurs de prestations stratosphériques qui estomperont la déception versaillaise, le Néerlandais Maikel van der Vleuten et Beauville, qui ont livré deux leçons d’équitation d’une facilité déconcertante en apparence, à l’égal de celle offerte au monde par l’Irlandais Daniel Coyle et Legacy, jument performante sur tous les terrains et quelles que soient les conditions, et enfin l’Espagnol Armando Trapote et son impétueux et génial Tornado VS, dans un style certes bien moins académique que les autres, mais qui a eu la vertu d’offrir au public espagnol une raison d’exulter. Pendant un instant au moins, le sport aura mis de côté les dissensions régnant malheureusement au sein de la fédération espagnole depuis le CSIO 5* de La Baule.
Ainsi s’est donc achevée la saison extérieure, tout du moins en Europe, ainsi que l’édition inaugurale de la Ligue des nations Longines. L’an prochain, elle devrait à nouveau ne comporter que quatre qualificatives (Abou Dabi, Ocala, Saint-Gall et Rotterdam), en espérant que le ciel soit plus clément avec les organisateurs de l’Officiel de Suisse, sommés de mener une nouvelle réfection de leur terrain en herbe… situé dans une cuvette.
“Notre performance doit beaucoup au travail de ma groom”, Richard Vogel
Christian Kukuk : “Je n’ai pas assez bien monté ma seconde manche”
André Thieme : “Mes quatre points étaient finalement un bon résultat”
“Je tire un grand coup de chapeau à mes cavaliers, à nos chevaux et à nos grooms”, Otto Becker
“Trois centimètres, cela n’a l’air de rien, mais cela change beaucoup de choses”, Santiago Varela
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