Dans la filière équine, le marché de l’emploi demeure dynamique

Quels métiers recrutent dans la filière équine? Quelles sont les attentes des employeurs? Quelles cartes les futurs professionnels peuvent-ils ajouter à leur jeu pour répondre idéalement à la demande? GRANDPRIX a pris la température du marché de l’emploi dans le monde du cheval, en s’appuyant sur les chiffres disponibles de 2023.



Grâce au travail minutieux de son Observatoire des métiers, de l’emploi et des formations de la filière équine (OMEFFE), l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE) publie chaque année un état des lieux du marché du travail dans la filière équine. À partir d’un certain nombre d’offres d’emploi traitées par Équi-ressources, la plateforme dédiée qui conseille et accompagne gratuitement les professionnels et futurs professionnels de la filière, l’IFCE répond ainsi à un certain nombre de questions: sur trente-huit métiers référencés, quels sont ceux générant le plus d’offres? Les plus en tension? Quelles sont les conditions proposées par les employeurs? Quels sont les profils recherchés? GRANDPRIX a, d’une part, analysé les données fournies par cet état des lieux à la lumière des chiffres réactualisés pour 2023, et d’autre part interrogé Charlène Lourd, ingénieure de projets et de développement au sein de l’IFCE, qui s’intéresse à l’adéquation entre la formation et l’emploi, ainsi qu’à la construction des carrières professionnelles.

Comment évolue le marché du travail dans la filière?

Les années passant, force est de constater que le marché du travail semble retrouver son niveau d’avant la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19. Le nombre d’offres d’emploi publiées en 2023 est en baisse: 2.859 en 2023, contre 3.278 en 2022. En effet, après la crise sanitaire, en 2021 et 22, le nombre d’offres, notamment de postes d’enseignant ou d’animateur, avait augmenté pour répondre à une demande accrue de pratique d’une équitation de loisir, comme l’atteste la hausse du nombre de licenciés auprès de la Fédération française d’équitation depuis 2021.

Quels sont les métiers en tension?

On parle de métier en tension pour désigner des métiers pour lesquels il y a davantage d’offres que de demandes d’emploi, autrement dit de personnes qui postulent à ces offres. Cette tension peut être identifiée en volume, c’est-à-dire qu’il y a en nombre plus d’entreprises qui recherchent du personnel sur un métier précis que de personnes disponibles pour y travailler. On peut aussi observer une tension sur le niveau de compétences attendues. Dans ce cas, les employeurs reçoivent des candidats et candidatures, mais le profil des personnes ne correspond pas à leurs attentes (niveau de formation, expérience, savoir-faire, savoir-être…). D’un point de vue statistique, on peut dire que la filière équine ne connaît pas de réelle tension. En revanche, sur le plan de l’adéquation entre le profil des candidats et les attentes des structures employeuses, on observe de plus en plus d’écart.

Les métiers les plus concernés par ce phénomène sont ceux de l’enseignement: enseignant d’équitation, animateur d’équitation. Cela peut s’expliquer du fait de l’augmentation du nombre de licenciés d’équitation et de la très forte rotation sur ces métiers. Le profil d’enseignant d’équitation est donc très recherché – c’est le deuxième métier le plus recherché sur Équi-ressources. Les centres équestres recrutent mais attention, il s’agit de métiers réglementés pour lesquels il est obligatoire d’être diplômé. Les formations du ministère chargés des Sports (BP JEPS, DE JEPS, DES JEPS) et de la Fédération française d’équitation (AE, ATE) ou encore de la CPNE-EE (CQP EAE) préparent ainsi toutes les personnes intéressées par la transmission à devenir des pédagogues. Parmi les autres métiers qui recrutent le plus, mais sans pour autant connaître une aussi grande tension, mentionnons ceux de palefrenier-soigneur, cavalier d’entraînement, cavalier soigneur et agent d’entretien des espaces verts.



Comment les employeurs parviennent-ils à constituer leurs équipes?

Les employeurs ne semblent pas ressentir d’infléchissement quant aux difficultés de recrutement. Certaines entreprises, n’étant pas parvenues à recruter par le passé, auraient diminué leur activité. D’autres ont recours à de la main d’œuvre non salariée (prestataires de services), notamment pour les activités liées à l’enseignement, l’animation ou l’entretien des structures (palefrenier-soigneur, agent d’entretien des espaces verts).

On observe de plus en plus des profils de cavaliers amateurs souhaitant devenir professionnels et suivre des études supérieures afin d’obtenir une Licence professionnelle. Ceux-ci désirent travailler auprès des chevaux comme cavaliers ou instructeurs, mais n’envisagent pas de le faire toute leur vie. C’est pourquoi ils s’assurent un bagage afin de pouvoir œuvrer par la suite de manière indirecte pour la filière, à des postes de chargé de communication, par exemple. Le métier de community manager, indispensable aujourd’hui pour se faire connaître, fidéliser une clientèle et développer des produits et services, est de plus en plus en vogue et exercé sous statut de travailleur indépendant le plus souvent car un poste de salarié à temps plein ne s’avère généralement pas utile ou supportable pour les entreprises du secteur, qui sont généralement des TPE. 

La véritable évolution concerne la maréchalerie, où le pareur est de plus en plus dissocié du maréchal-ferrant, alors que ce dernier est par définition le professionnel en charge de l’entretien des sabots par le parage, voire la pose de fers. Alors que les attentes autour du pied nu sont de plus en plus importantes, la formation en maréchalerie est en cours d’évolution.   

Que dire de l’évolution des métiers autour de la santé et du bien-être, dont celui de vétérinaire?

Dans certaines régions, les structures équestres connaissent des difficultés à répondre aux besoins des propriétaires d’équidés, car elles sont parfois éloignées les unes des autres, ce qui induit de longs temps de trajet pour les professionnels de santé. Cette contrainte rend les activités moins rentables et démotive une grande partie des futurs professionnels. Le Conseil national de l’ordre des vétérinaires (CNOV) veille au bon équilibre entre le nombre de nouveaux diplômés et les besoins en vétérinaires par espèce animale. Néanmoins, lors de la saison de reproduction, on observe que les vétérinaires sont fortement mobilisés et on ressent un manque à ce niveau, d’autant que tous les praticiens équins n’assurent pas le suivi gynécologique des juments. On sait aussi que les vétérinaires équins sont ceux qui exercent le moins longtemps, en comparaison avec ceux traitant les autres espèces animales, ce qui engendre un important turnover à combler. 



Quels autres messages souhaitez-vous faire passer?

Suivre une formation agricole peut s’avérer judicieux, d’autant plus si l’on nourrit le projet de s’installer en tant qu’exploitant. Le ministère de l’Agriculture est le premier certificateur de notre filière équine. La palette de formations est large et diversifiée. Les formations agricoles sont majoritairement proposées en alternance entre école et entreprise, ce qui correspond aux élèves qui ne se retrouvent pas dans un système scolaire classique. Par ailleurs, on observe fréquemment des élèves attirés par le cheval qui, en formation agricole, découvrent d’autres modèles d’exploitation agricole (bovine, porcine, céréalière, etc.) et changent d’orientation tout en restant dans la voie agricole.   

Je conseillerais aussi d’inviter les talents de demain à ne pas négliger l’apprentissage des langues étrangères, et notamment de l’anglais. La filière s’internationalise, ne serait-ce que par la commercialisation des chevaux et l’investissement dans des structures françaises par des étrangers. Par ailleurs, parler anglais offre davantage d’opportunités d’emploi. De nombreux pays, à l’instar de la Chine ou des Émirats arabes unis, pour n’en citer que deux, recherchent en effet l’excellence à la française, et recrutent donc des candidats français et/ou formés en France. Plus que l’expertise, c’est un marqueur de réussite pour une structure équestre de bénéficier de professionnels français.

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