“Un cheval qui a confiance en son partenaire humain est sans limite”, Benjamin Aillaud (1/2)

Accompagné de Fez, Fruto, Famoso et Fiasco, initiés à la discipline il y a deux ans seulement, Benjamin Aillaud a écrit l’une des plus belles pages de l’histoire de l’attelage tricolore à quatre chevaux en terminant deuxième de l’étape de la Coupe du monde de Lyon. Pilier des Bleus depuis des années, le Tarn-et-Garonnais de quarante-huit ans revient sur cette performance et l’histoire qui le lie à ses chevaux, dont il a décidé de faire ses meilleurs partenaires de compétition alors qu’ils avaient déjà douze ans. Homme aux multiples casquettes, le meneur soutenu par la Laiterie de Montaigu détaille également sa vision de la formation des équidés et évoque son arrivée sur les rectangles de dressage au niveau Pro Élite.  



Le 3 novembre, vous avez terminé deuxième de l’étape de la Coupe du monde d’attelage du CHI Longines d’Equita Lyon avec vos chevaux Fez, Fruto, Famoso et Fiasco. Quel est votre sentiment quant à cette superbe performance? 

J’avais identifié la Coupe du monde de Lyon comme un objectif depuis le début de l’année. J’ai donc fait en sorte de préparer mes chevaux au mieux pour cette échéance, et cela a, semble-t-il, fonctionné, puisqu’ils ont livré une très belle performance. Pendant le concours, tout s’est déroulé de manière très simple, sans que nous ne rencontrions aucune difficulté. Nous avons réussi un parcours fluide, où mes chevaux, mon équipe et moi étions dans le confort. En menant un peu plus agressivement, j’aurais peut-être pu gagner l’épreuve, mais je ne peux qu’être satisfait de l’effort produit par mes chevaux.

Globalement, comment avez-vous vécu ce concours lyonnais, pour lequel vous avez reçu une invitation à l’instar d’Anthony Hordé?

Equita Lyon est un événement incroyable pour les sportifs, mais aussi pour le monde du cheval en général ! La simplicité de l’équipe organisatrice et l’humanité dont regorge ce concours sont fantastiques, alors que ces valeurs se perdent parfois dans les très grands événements. À Lyon, chacun nous accueille de façon bienveillante, et le public est toujours au rendez-vous!  Cette année encore, j’ai passé un très bon week-end avec toute l’équipe de la Laiterie de Montaigu (dont il fait partie avec Philippe Rozier, Camille Condé-Ferreira, Julien Gonin et Yoann Di Stefano, ndlr). Nous avons l’habitude de nous suivre les uns les autres et de nous donner des conseils, donc ce genre d’événements ne fait que renforcer notre relation.

Justement, comment est née votre collaboration avec la Laiterie de Montaigu (LM), dont la directrice générale, Caroline di Stefano, est également meneuse?

Étant meneuse depuis des années, Caroline a eu l’idée de sponsoriser l’étape de la Coupe du monde d’attelage qui se déroule à Lyon. À ce moment-là, en 2022, mes chevaux actuels effectuaient leurs premiers pas sur le circuit indoor. De par la vision ouverte du monde équestre et de l’accompagnement des chevaux de haut niveau que nous partageons avec Caroline, il est devenu évident, pour elle comme pour moi, que nous devions construire un projet ensemble. Celui-ci n’est pas basé uniquement sur la performance, mais aussi sur la construction d’une relation pérenne autour du cheval et de l’entreprise. L’aventure avec la Laiterie de Montaigu est donc à la fois sportive et humaine. D’ailleurs, à Lyon, certains cadres et clients de l’entreprise étaient également présents, donc nous avons pu partager ces moments avec eux.



“Nous avons conduit un travail spécifique pour préparer les chevaux à disputer une Coupe du monde”

Début septembre, vous avez terminé dix-neuvième des championnats du monde de votre catégorie à Szilvásvárad, en Hongrie. Comment analysez-vous ce résultat a posteriori

Je suis globalement satisfait de ma performance réalisée là-bas, mais j’ai connu un petit souci qui nous a fait chuter au classement. Alors que nous franchissions un obstacle de marathon, l’un de mes chevaux de timon (placé à l’arrière, proche de la voiture, ndlr) a passé son pied dans le trait reliant la voiture à l’un de mes chevaux de volée (qui forment la paire d’équidés située à l’avant, ndlr), donc nous avons dû nous arrêter. Cette mésaventure, qui n’est même pas due à une erreur de pilotage, nous a coûté presque dix places. Autrement, je n’ai rien à redire quant à la prestation de mes chevaux lors de ces Mondiaux. Ils se sont très bien comportés lors de l’épreuve de maniabilité et ont déroulé une des meilleures reprises de dressage de leur saison.

Après cette échéance hongroise, avez-vous suivi une préparation spécifique en vue de votre participation à la Coupe du monde de Lyon?

Comme les championnats du monde ont eu lieu en septembre, mes chevaux étaient encore assez affûtés physiquement avant de se rendre à Lyon. En revanche, nous avons conduit un travail spécifique pour les préparer au fait de disputer une Coupe du monde, car ce type d’épreuves (mêlant obstacles de marathon et de maniabilité, le tout à franchir à très vive allure, ndlr) est assez particulier et très intense. Pour que tout se passe bien, c’est-à-dire que les chevaux aient le niveau d’écoute adéquat, ils doivent non seulement être en forme physiquement, mais aussi vraiment sereins face à l’ambiance très animée.



“Tout est réalisable dès lors que l’on travaille dans le sens des chevaux et pour eux”

Quel bilan tirez-vous de votre saison 2024, qui vous a également vu décrocher le titre de champion de France Élite en mai dernier, à Saumur, où vous avez terminé à la troisième place par équipes dans le CAIO 4*? 

Sans notre raté aux championnats du monde, ma saison aurait été quasi parfaite. D’ailleurs, si l’on m’avait dit en début d’année que je signerais de telles performances, j’aurais tout de suite signé  pour cela (rires)! Je suis très impressionné par le comportement de Fez, Fruto, Famoso et Fiasco, car ils ne sont familiarisées à l’attelage que depuis deux ans. Ces performances sont aussi le résultat d’un travail d’équipe. Hélène, ma groom et copilote en compétition, s’occupe de mes chevaux au quotidien et me restitue beaucoup d’informations les concernant avant que je ne les entraîne ou que j’entre en piste avec eux. Mon épouse, Magalie, qui était à l’arrière de notre voiture à Lyon, est également une personne clé dans la préparation de mes chevaux. Pratiquer l’attelage à quatre chevaux à haut niveau nécessite de construire une équipe humaine cohérente, autant techniquement, moralement que mentalement, et de former des chevaux qui sont capables d’occuper toutes les places devant la voiture. Avant que je les consacre aux compétitions d’attelage, mes quatre chevaux ont connu une première carrière en spectacle, donc ils sont très polyvalents, et cela leur est bénéfique aujourd’hui. En effet, je suis persuadé que plus on maîtrise son corps pour réaliser différents types de mouvements, et plus on peut s’en servir sans l’abîmer. Par ailleurs, j’essaye de toujours les mettre en situation de réussite, car plus ils le sont, et plus ils sont motivés. Or, je considère que les chevaux doivent se sentir bien mentalement afin que l’on puisse les aider à se construire un physique adéquat pour ce que l’on attend d’eux. C’est une spirale positive centrée sur leur mental.

Comment avez-vous rencontré Fez, Fruto, Famoso et Fiasco?  

Ils faisaient partie d’un lot de dix poulains de deux et trois ans que j’ai achetés dans un élevage au Portugal. Une fois qu’ils ont été en âge de travailler, nous avons construit un grand spectacle en liberté où ils étaient associés à d’autres chevaux. Ensuite, petit à petit, nous leur avons appris les bases de l’équitation, et ils savent même piaffer, passager et changer de pied avec un cavalier en selle. Ma femme et mon fils ont participé à de nombreux spectacles avec eux, et ils savent s’adapter à toutes les situations. Pour autant, l’attelage est très récent pour eux. D’ailleurs, beaucoup de gens ne comprenaient pas pourquoi j’avais décidé de former des chevaux de douze ans (ils en ont quatorze aujourd’hui, ndlr) dans l’idée d’en faire mes meilleurs partenaires de compétition, mais cela m’intéressait de montrer que c’était possible. L’idée de penser qu’ils sont vieux à cet âge est une sorte de déformation. Dans certaines disciplines, les chevaux continuent à concourir à dix-sept ou dix-huit ans. Dans d’autres, ils sont mis à la retraite à six ans parce qu’ils n’ont pas été respectés dans leur corps. Tout est réalisable dès lors que l’on travaille dans le sens des chevaux et pour eux. En variant ce qu’on leur apprend, on arrive à des choses formidables.



“Je respire cheval, je parle cheval et je dors cheval”

Comment envisagez-vous la formation de vos jeunes chevaux?

Ma volonté est de former mes chevaux de manière polyvalente, et de créer une relation stable, riche et complète avec eux. Ils s’adonnent donc à la fois au travail à pied, en liberté, à la gymnastique aux longues rênes et au dressage monté, ainsi qu’à des exercices sur les barres. À mon sens, la construction du cheval passe par différents types de mouvements. En vivant de multiples situations, on apprend à les connaître et à créer une relation. Nous devons leur donner la possibilité de nous rencontrer au travers d’énergies, de positions et d’environnements différents. Plus on apprend à se connaître, et plus on a de réponses pour gérer des situations variées. Un cheval qui a confiance en son partenaire humain est sans limite. Mon objectif est donc de trouver les meilleures manières de leur transmettre les bases et de les faire progresser dans le plaisir. L’apprentissage devrait toujours être un jeu, et non une souffrance. C’est très français de penser que la formation d’un cheval doit être associée à la dureté, alors que dans de nombreux pays, la formation du cheval passe par l’éveil, la créativité et la douceur.

En parallèle de votre carrière en attelage, vous avez présenté Dinky Boy, un hongre de onze ans, dans le Grand Prix Pro Élite de dressage de Saint-Médard, fin septembre. Pourquoi vous êtes-vous tourné vers cette discipline? Avez-vous des objectifs particuliers avec lui?  

Cela fait quelques mois que j’éduque Dinky Boy au dressage. Il y a vingt-cinq ans, je vivais au Luxembourg, et j’y montais des chevaux destinés à cette discipline ainsi qu’au saut d’obstacles. À ce moment-là, le dressage qui était proposé en concours était, à mon sens, trop dur pour les chevaux. Cela ne correspondait pas à ma vision de l’équitation, donc j’ai décidé de ne plus m’engager en compétition et me suis tourné vers l’attelage. Depuis, le dressage a évolué. Maintenant, la plupart des cavaliers qui gagnent ont une équitation presque irréprochable et respectent leur cheval. En voyant tout cela, j’ai pris la décision de former à nouveau des partenaires, et c’est comme cela que j’en suis arrivé à lancer Dinky Boy en Grand Prix.

Comptez-vous donc concourir plus régulièrement dans cette discipline?en parallèle de votre carrière de meneur? 

Tout à fait. Je respire cheval, je parle cheval et je dors cheval, comme beaucoup de cavaliers de haut niveau. Mes journées sont très variées, et avoir la possibilité de pratiquer de nombreuses disciplines est fantastique! Nous apprenons tous les jours, et je compte prendre part à un nouveau Grand Prix avec Dinky Boy tout bientôt.

La deuxième partie est à retrouver ici.



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