“Le bien-être devrait être le fondement des sports équestres à haut niveau”, Benjamin Aillaud (2/2)

Récent deuxième de l’étape de la Coupe du monde d’attelage de Lyon, Benjamin Aillaud s’adonne à la pratique de nombreuses activités avec les chevaux. Animé par l’envie de transmettre ses compétences et son expérience, le Tarn-et-Garonnais, soutenu par la Laiterie de Montaigu, a récemment lancé sa plateforme de formations en ligne, via laquelle il entend permettre au plus grand nombre de pratiquer diverses disciplines équestres en respectant l’intégrité physique et mentale de leurs partenaires équins. Très attaché à ce que le cheval et son bien-être restent le cœur des sports équestres, a fortiori à haut niveau, le quadragénaire dresse le bilan de son mandat de vice-président du comité technique d’attelage de la Fédération équestre internationale (FEI), non sans évoquer ses objectifs pour 2025.



La première partie de cet entretien est disponible ici 

Récemment, vous avez créé une plateforme proposant des formations équestres en ligne, disponibles en français et en anglais. En quoi consiste ce nouveau projet? 

Depuis longtemps, j’ai envie de partager avec le plus grand nombre les conseils que j’aurais aimé que l’on me donne lorsque je me suis lancé dans le monde équestre. C’est l’idée de cette plateforme, qui s’adresse aux amoureux des chevaux de tous les niveaux. Mon projet avec les chevaux a toujours été bâti autour de la pédagogie, et en lançant cette plateforme, mon souhait est de mettre à disposition toutes les informations que j’ai récoltées pendant des années. En souscrivant à un abonnement abordable, les personnes intéressées par ma démarche peuvent visionner à volonté des vidéos dans lesquelles je leur donne des conseils pour mener leur aventure avec leur cheval en lui apprenant à réaliser une multitude de choses, dans différentes disciplines, tout en respectant son intégrité physique et mentale. Tout est vraiment basé sur la pluridisciplinarité, si bien que l’ensemble des exercices et techniques d’apprentissage que j’aborde sont complémentaires. 

La transmission et le partage d’expériences sont des choses primordiales pour vous, n’est-ce pas? 

Oui! J’ai toujours eu la volonté d’expliquer aux autres ce que je vivais avec mes chevaux; cela m’est même fondamental. J’ai beaucoup échangé avec des personnes étrangères au monde équestre sur ce que cet animal, que nous avons utilisé pour des tâches diverses et variées pendant des centaines d’années, peut apporter à l’homme. À travers l’équitation, je pense que nous pouvons réapprendre ce qui fait la différence entre une relation fonctionnelle ou non. Je me suis aussi intéressé à la pédagogie et aux manières d’expliquer comment faire usage de certaines techniques, car si je donne une consigne, chaque personne va la suivre à sa propre façon. Le plus important n’est donc pas la technique transmise, mais bien la philosophie dans laquelle elle va être employée.  

“Toute notre famille vit autour, avec et pour les chevaux” 

Au sein de vos écuries, vous travaillez avec votre épouse, Magalie. Comment se déroule votre collaboration? Et dans quelle mesure vos enfants sont-ils également impliqués dans le monde équestre? 

Magalie a déjà participé à deux championnats du monde d’attelage à un cheval (à Pau, en 2020, ainsi qu’au Pin-au-Haras, en 2022, ndlr) et m’a accompagné lors de nombreux spectacles à l’étranger, si bien que nous avons l’expérience des déplacements ensemble. Au quotidien, nous sommes complémentaires sur bien des points. Elle s’occupe de l’organisation de l’écurie, donne des cours aux cavaliers qui nous rejoignent généralement pour quelques jours, et entraîne les chevaux aussi bien à pied qu’en selle. Nous partageons plein de moments à cheval! Quant à mes enfants, Ewen (âgée de douze ans, ndlr) a récemment participé à ses premiers championnats d’Europe Enfants d’attelage à un cheval (avec Heatherton Chipmunk, elle a terminé quatorzième de ces Européens tenus à Flyinge, en Suède, en juillet dernier, ndlr). Nuno (qui a seize ans, ndlr), lui, dispose déjà d’une certaine expérience en attelage et en spectacle en liberté. Pour l’heure, il s’intéresse beaucoup au handball, mais il reste mordu de cheval. Toute notre famille vit autour, avec et pour les chevaux, au travers des projets que nous construisons avec eux. Nous prenons le temps de partager, chercher et comprendre ensemble pour évoluer, ce que je trouve très enrichissant. 

“Si l’on défend les chevaux et le sport, on ne peut pas se tromper” 

Votre pratique de multiples disciplines équestres vous donne une approche globale du monde du cheval, au sein duquel l’importance accordée au bien-être des équidés est grandissante. L’attelage a-t-il encore des progrès à faire en la matière?? 

L’attelage a beaucoup évolué ces dernières années, mais doit encore faire de nombreux progrès. Pour moi, on ne devrait avoir de cesse de se questionner quant au bien-être des chevaux, qui doivent toujours être au centre de nos préoccupations. Si l’on pratique l’équitation sans se soucier de la volonté et du mental de son partenaire équin, on est automatiquement hors course, car toute la magie réside dans la relation que l’on crée avec lui. Pour que cela fonctionne, il faut qu’il soit heureux, participatif et consentant. Tout ne peut pas être parfait, mais je crois que la plupart des gens essayent vraiment de faire de leur mieux pour leur cheval. Il faut poursuivre sur cette voie et, bien sûr, s’atteler à éliminer du monde équestres les comportements qui ne vont pas dans le sens du bien-être du cheval. C’est ainsi que l’équitation continuera à évoluer positivement. Nous devons dépasser le stade où le cheval travaille pour nous, et en arriver à une dimension où il le fait avec nous. Il ne doit plus nous rendre service, mais jouer avec nous. Enfin, la performance à haut niveau ne doit pas être opposée au bien-être, au contraire: le bien-être du cheval devrait être le fondement des sports équestres à haut niveau.  

Vous venez d’achever votre mandat quadriennal de vice-président du comité technique d’attelage de la Fédération équestre internationale (FEI). Quel bilan tirez-vous de cette expérience? 

Ces quatre années m’ont apporté une chose essentielle: une vision encore lus large du monde du cheval. De mon premier à mon dernier jour au sein du comité, mon objectif a été de remettre l’intégrité physique et morale du cheval au centre de notre histoire, mais aussi de considérer davantage l’éthique sportive. Si l’on défend les chevaux et le sport, on ne peut pas se tromper. Durant ce mandat, je n’étais pas là pour faire de la politique, mais pour faire avancer le sport, ce qui implique d’identifier les problèmes quand il y en a, et de s’attacher à les régler. Nous avons levé des sujets qui ont créé des tremblements de terre, mais au moins, ils nous ont permis de faire progresser la discipline. Beaucoup de progrès sont encore à venir, mais nous sommes sur la bonne voie. Il nous faut continuer à ouvrir notre système de pensée pour que le cheval reste toujours au centre du sport. 

“Si j’identifie une nouvelle bataille dans laquelle j’ai envie de m’investir, je n’hésiterai pas” 

Entendez-vous réitérer une telle expérience à l’avenir? 

Pour l’heure, je ressens le besoin d’opérer une pause loin des systèmes politiques et des combats de ce genre, car j’y ai investi beaucoup d’énergie pendant quatre ans. J’ai d’autres projets sportifs, pédagogiques, et même cinématographiques en tête, auxquels je veux me consacrer pleinement. En revanche, cela ne veut pas dire que je ferme la porte à toute nouvelle expérience au sein des instances dirigeantes du sport. Si j’identifie une nouvelle bataille dans laquelle j’ai envie de m’investir, je n’hésiterai pas une seconde!  

Sportivement, comment envisagez-vous la saison à venir? 

Côté l’attelage, je vais évidemment préparer les championnats d’Europe (qui auront lieu début septembre à Lähden, en Allemagne, ndlr). Pour ce faire, je devrais notamment participer aux CAIO 4* de Kronenberg (du 16 au 20 avril, ndlr), Lähden (du 28 mai au 1er juin, ndlr) et Aix-la-Chapelle (du 30 juin au 6 juillet, ndlr). Je souhaite aussi présenter le Grand Prix en dressage une fois par mois, en compétition nationale d’abord, et peut-être à l’étranger si nous progressons bien. En outre, je vais partager en intégralité sur ma plateforme, via des vidéos, toutes les étapes de la formation des cinq juments de cinq ans que je viens d’accueillir au sein de mes écuries. L’objectif est de créer une grande banque de données pour montrer aux gens de quelle manière on peut enseigner des choses à un cheval. 



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