“Ce que j’apprécie, c’est avoir une connexion avec un cheval et la développer”, Antoine Nowakowski
Il a été le cavalier de Quater Girl (Han, Quaterhall x Don Henrico), qui lui a permis de s’afficher sur le devant de la scène en l’accompagnant jusqu’aux Mondiaux de Herning en 2022. Antoine Nowakowski revient aujourd’hui avec un piquet de chevaux conséquent en compétitions nationales et internationales. Discret, le trentenaire a en effet participé aux championnats du monde des chevaux de cinq ans à Ermelo, et compte bien poursuivre sa progression. Il évoque son actualité avec sa relève et sa façon de vivre le dressage.
Cette année, vous avez essentiellement concouru en épreuves réservées aux Jeunes Chevaux, avec notamment une participation aux championnats du monde des cinq ans. Quel potentiel ont vos jeunes chevaux?
Le hasard fait que je me retrouve avec trois montures nées en 2019, et je crois que les trois peuvent aller loin. J’étais en piste à Ermelo en septembre avec Ein Sunnyboy (Han, Escolar x Sandro Hit), où Daenerys (Old, Vitalis x Fidertanz) était réserviste. Je crois aussi beaucoup en Ottawa (KWPN, Hometown x Ampère), un cheval particulièrement sensible. Il représente un véritable défi pour moi à cause de son caractère et, soit ça passe, soit ça casse, tandis que les deux autres se révèlent très fiables. En début d’année, lors de la première fois que Daenerys est sortie, elle s’est montrée très attentive à l’environnement. Par conséquent, les épreuves du Mans n’ont pas vraiment été simples ce week-end-là, mais elle s’est rodée en un concours. Elle a été très facile dès les compétitions suivantes. Je sais donc que j’ai sous ma selle deux vrais chevaux de sport, fiables, avec beaucoup de sang et d’énergie, mais ils n’ont pas la sensibilité extrême que peut avoir Ottawa. Je pense que Daenerys et Sunnyboy se montreront probablement plus faciles et fiables pour le haut niveau. Sunnyboy est tellement gentil qu’il passera absolument partout. En terme environnemental, il ne regarde absolument rien grâce à la grande confiance qu’il accorde à son cavalier. Réciproquement, je lui fais donc aussi confiance. Aujourd’hui, en fin de cinq ans, il est très grand. J’ai encore besoin de lui laisser un peu plus de temps pour sa croissance. Sa locomotion présente vraiment beaucoup de qualités, mais il va devoir encore se connecter, prendre plus de force pour s’épaissir et se muscler. Pour Daenerys, ce serait presque l’inverse. Elle est en effet beaucoup plus mature physiquement, plus solide, mais a besoin d’être beaucoup plus rassurée et encadrée. Mentalement, elle est en effet plus chaude et plus technique, ce qui est aussi un bon point ! Quant à Ottawa, il présente une locomotion déjà très remarquée et aura beaucoup de facilité à se rassembler, ce qui est donc intéressant, particulièrement pour l’objectif du Grand Prix, mais moins compatible avec les épreuves Jeunes Chevaux. La plus grande force des chevaux comme lui réside dans leur envie de donner au cavalier. Sans arrêt, ce type de cheval cherche à comprendre, à savoir ce que l’on attend de lui. Il pourrait aller jusqu’à des excès de panique pour faire plaisir et je ne veux pas risquer cela. Avec ce genre de cheval, il faut vraiment être très prudent pour ne pas les détruire mentalement : ils vivraient mal que l’on veuille aller un peu trop vite. De plus, étant donné que je suis propriétaire d’Ein Sunnyboy, Ottawa et de la moitié de Daenerys, je suis absolument libre de décider de tout ce qui les concerne. J’envisage d’ailleurs de garder les deux premiers et de commercialiser la dernière.
Comment s’organise le quotidien de vos chevaux?
Les sept jours de la semaine, ils commencent nécessairement leurs journées, en allant en prairie le matin. Ils y restent environ quatre heures l’hiver et cinq à six en été. Qu’il pleuve, neige ou vente ! J’aime qu’ils aient la possibilité de faire leur vie et garder leur côté “cheval”, c’est important ! C’est la vision que j’essaie de privilégier dans les écuries. En général, Leur travail, est programmé sur quatre séances par semaine, parfois cinq si nous préparons des concours ou qu’ils sont un peu plus compliqués. Nous incluons parfois une semaine ou deux de pause, lorsqu’ils vont bien, ou lorsque je ressens qu’ils en ont besoin. Malheureusement, nous sommes entourés de trois axes routiers importants et nous sortons peu en promenade, même si nous partons parfois en camion pour les emmener en forêt.
Quelle est pour vous la qualité obligatoire qu’un jeune cheval doit posséder pour envisager un avenir au Grand Tour?
Pour moi, il faut forcément qu’il ait envie de donner, de travailler avec et pour le cavalier. Il est primordial de créer ce lien. La différence pour avoir un excellent cheval de grand prix vient, à mes yeux, de ce désir du cheval.
“Je ne suis pas le seul Tricolore à vivre à l’étranger et à revenir de temps en temps!”
Comment vivez-vous votre éloignement géographique, vous qui êtes implanté en Belgique?
Mon chemin s’est dessiné ainsi. Je suis natif du Nord de la France, dont je suis parti pour le pays voisin afin de continuer à monter à cheval et mener mes études supérieures de front. J’ai adoré ce royaume et j’ai trouvé le moyen de m’y installer. Je pense rester en Belgique. Lorsque je me rends dans l’Hexagone, tout se passe bien avec les autres cavaliers français, qui m’accueillent avec beaucoup de sympathie. Même si nous nous voyons moins souvent, ils savent que je travaille tout autant qu’eux, dans la même éthique. D’ailleurs, je ne suis pas le seul tricolore à vivre à l’étranger et à revenir de temps en temps ! J’ai par exemple besoin de sept heures pour aller au Mans, mais je suis plus proche de certains autres grands rendez-vous comme Ermelo. De plus, je me sers volontiers du circuit de concours belges pour commencer à sortir mes chevaux, qui est tout à fait satisfaisant. Très souvent, les épreuves n’ont lieu que sur une journée, sauf les championnats bien sûr, et cela a logiquement des avantages comme des inconvénients. Sur ces programmes, les organisateurs des concours proposent les reprises préliminaires, puis, en deuxième partie de saison, ils basculent vers les reprises finales. Les deux sont rarement programmées une même journée. Pour moi, c’est vraiment pratique, car il m’arrive de ne partir qu’à la demi-journée, en allant au maximum à une heure et demie de route. Bien sûr, je ne suis pas convié aux stages de la Société huppique française (SHF), car, je profite du système belge et suis peu en France au quotidien. Pour être appelé à ces rassemblements, il faut participer un peu plus aux concours labellisés SHF, et, ne serait-ce qu’en 2024, j’en ai fait un seul et ne suis pas présent aux championnats de France. À mon sens, il est normal de ne pas donner cette chance à un cavalier aussi peu actif sur le circuit français jeunes chevaux. Ma participation au Mans a été motivée par l’idée de montrer à mes jeunes une organisation un peu plus importante, mais aussi par la volonté de pouvoir me présenter à Deauville aux sélections pour les Mondiaux d’Ermelo.
Ne craignez-vous pas un peu moins de visibilité compte-tenu de votre rare présence en France,?
Je suis en effet peu visible, même en Belgique d’ailleurs. Je suis discret, mais j’aime ce côté. Je sais que je peux améliorer ce paramètre, j’y travaille, mais je tiens aussi à garder ma vision personnelle et ma façon de développer mes chevaux.
De quels autres espoirs disposez-vous dans vos écuries?
London Girl (Han, Londontime x Donnerhall), une jument qui aura neuf ans en 2025 et qui m’appartient. En début d’année, nous avons couru avec satisfaction les Amateurs Élite du Mans. Je construis avec elle la route vers le Grand Prix, et nous l’approcherons dès 2025 en courant les épreuves Inter II, et en nous essayant aux Grands Prix en fin d’année si tout se passe bien. Elle est en effet quasiment prête.
Quel est votre rêve? Serait-ce de participer aux prochains Jeux olympiques de Los Angeles, en 2028 ?
J'aspire prioritairement continuer à vivre de ma passion. L’échéance quadriennale ne constitue pas en effet un rêve en soi dans mon univers. Je ne suis pas sûr que, tous les jours, cette ligne de mire me fasse vibrer. Au quotidien, ce qui me fascine c’est de “fabriquer” un cheval. Dans quatre ans, si je suis appelé à partir aux États-Unis, je vous raconterai mon parcours, et surtout celui du cheval qui m’accompagnera! (Rires) Ce que j’apprécie, c’est avoir une connexion avec un cheval et la développer. Ainsi, j’ai acheté Ottawa alors qu’il n’était pas encore monté, et j’ai cru en lui lorsque j’ai été sur son dos. C’est cela qui me fascine et que je souhaite avant tout poursuivre.
Que programmez-vous pour 2025?
Ma jument va donc idéalement s’orienter vers le Grand Prix. Quant à Sunnyboy et Daenerys, ils devraient continuer leurs routes sur les épreuves des six ans. Pour Ottawa, je l'emmènerai probablement en familiarisation. De toute façon, avec les changements de règlements qui semblent se mettre en place pour les sélections, je ne devrais pas pouvoir postuler au Mondial avec des jeunes chevaux de stud-book germaniques.
Finalement, que vous a apporté votre première participation à Ermelo?
Avant tout, j’ai engrangé beaucoup d’expérience. Il s’agit de très beaux championnats où il est possible de voir de très belles prestations. Cela permet aussi de se comparer un peu aux autres cavaliers, à leur état d’avancement dans le travail ce chevaux du même âge. Cela a été très formateur dans mon cas.