Tant attendue, qui plus est à Genève, la victoire n’en est que plus belle pour Harrie Smolders et Monaco
Harrie Smolders a remporté l’une des plus chouettes victoires de sa carrière, sinon la plus belle, cet après-midi à Genève. En selle sur Monaco, onze fois deuxième de Grands Prix de niveau 5*, le Néerlandais a enfin décroché la grande victoire qu’il méritait. Au terme d’un barrage à dix riche en rebondissements, ils ont devancé l’Italienne Giulia Martinengo Marquet et le Belge Gilles Thomas, deux et troisième sur Delta del’isle et Ermitage Kalone.
Harrie Smolders a troqué son maillot de Poulidor pour celui d’Anquetil, lira-t-on sûrement ce soir et demain dans les gazettes. Éternel second, Harrie Smolders goûte enfin à la lumière, entendra-t-on ici ou là. Sachons mesure garder et rendons justice aux faits et à la carrière du Néerlandais, qui fut numéro un mondial d’avril à décembre 2018. Depuis septembre 2008, Harrie Smolders a remporté plus de cent cinquante épreuves, dont douze Grands Prix à 1,60m, associé à Don VHP, Emerald van’t Ruytershof, Walnut de Muze, Regina Z, Une de l’Othain, Uricas van de Kattevennen et Zinius. Peu de cavaliers présentent un tel palmarès, conjugué à un tel talent et un tel engagement à monter ses chevaux avec précision et élégance. Il a aussi gagné neuf Coupes des nations, dont quatre avec Monaco. Avant aujourd’hui, le couple harmonieux et diablement régulier qu’il forme avec ce Holsteiner de quinze ans par Cassini II et une mère par Contender n’avait encore jamais triomphé dans une épreuve majeure individuelle. En revanche, il comptait pas moins de onze deuxièmes places en Grands Prix de niveau 5* (voir le tableau fourni par EquiRatings), dont celui de Genève en 2021, plus deux en finale de la Coupe du monde Longines (en 2022 et 23), une compétition dont Harrie fut aussi le dauphin avec Emerald en 2016. C’est donc la paire Smolders-Monaco que l’on pouvait qualifier d’éternelle deuxième… jusqu’à sa chevauchée fantastique de cet après-midi, qui restera dans les annales.
Tous les Majeurs Rolex de Genève sont mémorables, mais celui-ci le sera tout particulièrement et à plusieurs égards. D’une part, selon EquiRatings, jamais un Grand Prix n’avait réuni un plateau aussi dense et relevé depuis 2010, année à partir de laquelle les statisticiens irlandais ont passé au crible ces belles épreuves de saut d’obstacles. D’autre part, le parcours conçu par les excellents Gérard Lachat et Grégory Bodo a donné lieu à des fautes d’une flagrance fort inhabituelle, surtout s’agissant de stars comme l’Allemand Marcus Ehning, auteur de ce qu’il faut bien nommer une “georgette” sur l’oxer 6, avant d’abandonner avec l’excellent Coolio 42, le Brésilien Yuri Mansur, qui a salué le jury après une grosse faute sur le même obstacle avec Vitiki, passager rescapé d’un accident de la circulation la semaine dernière en Espagne, ou encore l’Autrichien Max Kühner, parti en “taxi” avec Elektric Blue P sur le second élément du double oxer-vertical sur bidets, placé en 5, tout près du fameux lac de Genève, où l’Irlandais Daniel Coyle et Legacy ont eux aussi lourdement péché. Cela étant, on a compté dix sans-faute sur quarante départs, plus un tour à un point, signé par l’Allemand Daniel Deusser, onzième sur Killer Queen VDM, dix tours à quatre points et huit abandons, et des fautes réparties de façon équilibrée sur tout le parcours, ce qui valide pleinement l’ouvrage du duo franco-suisse de chefs de piste.
Alors que Kevin Staut, éliminé jeudi soir avec Beau de Laubry et pénalisé de huit points vendredi après-midi sur Visconti du Telman, n’était pas parvenu à se qualifier, ses coéquipiers olympiques, médaillés de bronze aux Jeux de Paris 2024, ont connu des fortunes diverses. Ainsi, Julien Épaillard s’est classé treizième sur un Donatello d’Auge très bondissant, mais fautif sur le vertical 14 après un abord quelque peu lointain sur l’oxer 13. Battu uniquement – et de peu – sur le 7b, placé au milieu d’un épais triple oxer-vertical-oxer, Simon Delestre, deuxième à s’élancer, n’en a pas moins signé l’un de ses meilleurs parcours avec le bouillonnant et prodigieux Cayman Jolly Jumper, de retour à son meilleur niveau, ce dont se réjouit le Lorrain. Quant au Rhônalpin Olivier Perreau, dernier partant au tour initial, il a péché sur les oxers 5a et 12b, sortie du second double ouvert par un vertical.
Fabuleux Giulia Martinengo Marquet et Gilles Thomas
Comme l’an passé, les ouvreurs du barrage ont obtenu gain de cause, ce qui est assez rare, qui plus est lorsqu’une finale au chronomètre oppose dix paires d’une telle classe. Pour cela, Harrie Smolders et Monaco ont produit un parcours frappé du sceau de la perfection équestre, mêlant parfaites trajectoires de saut, tracé au cordeau et rythme idéal. Considérant à raison que l’équitation du Batave n’est pas saluée à sa juste valeur, Rodrigo Pessoa, quadruple vainqueur de ce Grand Prix, a bu du p’tit lait devant sa télé. Le chronomètre du couple était battable, par des as de la vitesse comme Julien Épaillard, Kent Farrington et McLain Ward, mais seul ce dernier était encore en lice. L’Américain, dernier à repartir, y est d’ailleurs parvenu, coupant la ligne d’arrivée un quart de seconde plus vite, mais son exceptionnel Ilex a légèrement tutoyé le vertical 17 lors du dernier effort à fournir en ce dimanche de gala. Le New-Yorkais a hérité de la quatrième place.
Entre ces deux prestations, le public de Palexpo, qui a accueilli 48.000 personnes en cinq jours, ce qui constitue un nouveau record d’affluence, ne s’est pas du tout, mais alors pas du tout ennuyé. Il a d’abord eu droit à un coup de théâtre lorsque le majestueux King Edward Ress, très – trop? – aérien au tour initial, a refusé de sauter l’oxer 3, reproduisant le pont Alexandre III pour les beaux yeux du public des JOP de Paris 2024. Comme dimanche dernier à La Corogne et comme vendredi soir lors de la finale du Top Ten Rolex IJRC, le Suédois Henrik von Eckermann, indéracinable numéro un mondial, a donc essuyé un refus de son crack au barrage après un demi-tour à main droite. Une seconde faute, sur le 7a, a relégué le couple au neuvième rang. Pour Lorenzo de Luca et le fringant Denver de Talma, tout allait pour le mieux jusqu’au même 7a, où l’alezan s’est arrêté tout net, éjectant par-dessus bord son capitaine italien, dixième. Quant à Grégory Wathelet, il a fauché l’oxer 3 avec le puissantissime Bond JamesBond de Hay, qui a ensuite sauté et renversé le chandelier droit du 5b, d’où une septième place finale.
Heureuse invitée à ce festin gargantuesque, Giulia Martinengo Marquet a signé le deuxième double sans-faute de cette épreuve avec le Selle Français Delta del’Isle, neveu de Quabri de l’Isle, vainqueur à Genève en 2016 avec le Brésilien Pedro Veniss. Son chrono fut certes deux secondes moins rapide que celui du lauréat, mais l’Italienne aurait signé des deux mains pour un tel résultat, elle qui se considérait comme une intruse sur la liste de départ galactique de cet après-midi. Le 5b a privé de double clear round le Britannique Ben Maher, cinquième sur l’amazing Point Break. Crédités de la dernière prestation sans accroc, le timide Belge Gilles Thomas et le merveilleux Ermitage Kalone se sont classés troisièmes, soit un rang de mieux qu’en 2023. À ce rythme-là, la victoire leur est promise en 2026. On prend les paris?
La performance finale de Ward et Ilex ayant été mentionnée, il ne reste plus qu’à évoquer celle de Peder Fredricson, le cavalier d’acier dont le magazine GRANDPRIX a sondé l’âme en novembre et que ce veinard de Kamel Boudra a récemment rencontré chez lui, en Suède, pour un Riders Club à ne sécher sous aucun prétexte – rendez-vous le 20 décembre sur GRANDPRIX.tv. Parti avec de nobles intentions, le maître suédois a dû essuyer une coquette dérobade de son fidèle vétéran olympique Catch me not S sur le pont Alexandre III. Sixième, le couple a peut-être sauté son dernier Grand Prix cet après-midi. Quoi qu’il en soit, le chevalier Peder n’aura aucun regret à nourrir. Et on peut parier qu’en grand homme de cheval, lui aussi s’est réjoui de la victoire de Harrie (Smolders), un ami qui vous veut toujours du bien, et qui a eu meilleur temps de profiter à fond de ce jour de rêve. Ce n’est pas tous les dimanches qu’on reçoit des prix des mains de glorieux sportifs comme Arnaud Boetsch, Jo-Wilfried Tsonga et Garbiñe Muguruza, qu’on gagne 400.000 euros et qu’on enchaîne les tours d’honneur devant des tribunes encore pleines. Harrie s’en souviendra, et il ne sera pas le seul…
Les résultats
Le parcours
Tous les parcours du CHI de Genève sont à revoir sur GRANDPRIX.tv.