À Versailles, Stéphane et Chaman ont brillé d’argent pour Thaïs
En sport comme dans beaucoup d’autres domaines, les photos les plus marquantes sont souvent celles traduisant une grande émotion. Si les Jeux olympiques de Paris en ont apporté leur compte, au moment de dresser le bilan de l’année 2024, un moment en particulier nous revient en tête: la sortie de piste de Stéphane Landois après sa reprise de dressage, le 27 juillet à Versailles. Ému aux larmes, le cavalier de Chaman Dumontceau*Ride For Thaïs, qui a décroché l’argent collectif trois jours plus tard, avait rendu hommage à la regrettée Thaïs Meheust en pointant le ciel de sa main droite, ce que Pierre Costabadie a su parfaitement immortaliser.
Sous la même pluie que celle ayant accompagné la cérémonie d’ouverture des JO la veille, Stéphane Landois, les yeux embués, regarde vers le ciel, qu’il pointe de sa main droite. Chaman Dumontceau*Ride For Thaïs sort de piste au petit trot après avoir accompli sa mission en concluant sa reprise olympique avec une belle moyenne de 76,6%. Derrière ce couple, on aperçoit les banderoles de Paris 2024, et les bois du parc du Roi Soleil. La composition de cette photo, qui a fait la couverture du numéro de septembre de GRANDPRIX et est à voir plus bas dans son entièreté, est simple, mais le cliché tire toute sa force symbolique du geste du Français, et d’une absence: celle de Thaïs Meheust. Grand espoir du complet tricolore, la jeune femme est décédée le 7 septembre 2019, à vingt-deux ans, des suites d’une chute survenue lors du cross du championnat de France des chevaux de sept ans avec Chaman Dumontceau. Ayant eu un “coup de cœur” pour ce gris lorsqu’il n’avait que cinq ans, comme l’avait expliqué sa mère, Corinne Meheust, à GRANDPRIX l’an passé, “Thaïs rêvait d’aller aux Jeux avec lui”. En prenant le départ à Versailles, Stéphane Landois a donc réalisé le rêve de la jeune femme trop tôt disparue.
Ayant pris part à la formation de Chaman lorsqu’il était jeune, le cavalier de l’Ouest de la France l’a récupéré en début d’année 2020, quelques mois après le drame fatal à Thaïs Meheust. “C’était une évidence que Stéphane récupère Chaman: parce qu’il était l’ami de Thaïs, parce qu’elle aimait son équitation, son sérieux et son respect des chevaux et qu’il l’avait déjà monté pendant ses jeunes années”, expliquait Corinne Meheust l’an passé. Petit à petit, le jeune trentenaire et le Selle Français ont progressé vers le plus haut niveau, vivant une première consécration avec leur doublé dans le CCIO 4*-S de Chatsworth, au printemps 2023. Trois mois plus tard, le duo était au départ de son premier grand championnat à l’occasion des championnats d’Europe du…Pin-au-Haras, là-même où l’ancienne cavalière de Chaman avait perdu la vie un peu moins de quatre ans plus tôt. Naturellement, l’émotion y avait déjà été palpable, particulièrement à la fin de l’échéance, que Stéphane Landois et le fils de Top Berlin du Temple avaient conclu à une belle sixième place individuelle et avec le bronze par équipes autour du cou.
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Mais aux Jeux olympiques, un palier a encore été franchi. Ému dès le premier jour de compétition, comme le montre notre photo de l’année, prise par Pierre Costabadie, Stéphane Landois a géré avec brio la pression inhérente à l’événement et au parcours de son cheval pour contribuer à la médaille d’argent de l’équipe de France. Ayant touché de très nombreux aficionados du complet et des sports équestres, l’histoire entourant Stéphane et Chaman, brillamment illustrée par le cliché ci-dessus, a largement dépassé cette sphère et trouvé son chemin jusque dans les médias généralistes. La participation du gris au plus grand des événements sportifs a aussi fait revenir la famille Meheust sur les terrains, pour assister à tout ou partie de la compétition. “Cela a été un peu compliqué au début, d’autant que nous avons retrouvé des personnes que nous n’avions plus vues depuis cinq ans… Ce fut un vrai cap à passer”, témoignait Marc-Henri Meheust, le père de Thaïs, dans le numéro 159 de GRANDPRIX. “Mais nous avons été très bien accueillis, et tout s’est bien déroulé. Je me suis retrouvé comme cinq ans en arrière, avec ma fille: les mêmes interrogations, les mêmes peurs, les mêmes joies… Je ne m’attendais pas à cela. Nous nous sommes nous-mêmes surpris à ressentir de telles émotions.” Des propos corroborés par son épouse: “Notre situation est très particulière, car nous avons vécu le rêve de notre fille par procuration. C’était déjà incroyable que Stéphane et Chaman soient sélectionnés, et tout ce qui s’est passé ensuite a été surréaliste… Nous avons vécu le championnat comme lorsque nous étions en concours avec Thaïs, et nous nous sommes pris au jeu du concours, du sport, des Jeux. Je n’aurais jamais pensé revibrer à nouveau à ce point pour une compétition.”
Allison Meheust, la sœur aînée de Thaïs, elle, n’avait jamais envisagé d’assister au concours complet olympique. “Quand j’ai compris que mes parents s’y rendraient, je me suis dit que j’irais les soutenir, et j’ai eu des places pour le cross et l’hippique”, expliquait-elle il y a quelques mois. “Cela faisait cinq ans que je n’avais pas remis les pieds sur un terrain de complet… Je suis rentrée dans le vif du sujet lorsque mon père m’a envoyé des photos de l’équipe et du staff, identiques à ceux qu’a connus Thaïs: c’est devenu réel et surréaliste. Honnêtement, le début des Jeux a été très difficile. Le dressage a été extrêmement fort, avec en plus des émotions contradictoires: d’un côté, de la fierté, de l’autre, une tristesse infinie, car j’aurais aimé vivre cela avec ma sœur. J’ai ressenti l’appréhension du cross et, en même temps, le sport m’a fait vibrer. J’ai été embarquée. Cela faisait longtemps que je n’avais pas ressenti de telles émotions. Et je reconnais avoir passé un moment incroyable. Ma sœur et moi évoquions souvent Paris 2024, et je suis convaincue qu’elle était avec nous. Je ne peux pas penser à elle et faire comme si cette histoire n’existait pas, mais il y a aussi un côté un peu magique, je ne sais pas l’expliquer. Je ne porte pas Chaman dans mon cœur, mais j’ai réussi à faire la paix avec lui.”
Après avoir accompli le rêve de leur fille cet été, les Meheust ont annoncé avant-hier avoir décidé de mettre un terme à leur aventure aux côtés de Chaman Dumontceau. “Nous avons ressenti la nécessité de refermer ce livre à la fois si douloureux, si fort, si extraordinaire et si paradoxal”, ont-ils écrit sur les réseaux sociaux.. “Chaman est vendu en Angleterre et évoluera sous la selle d’une jeune cavalière. Stéphane a été un cavalier exceptionnel, professionnel et respectueux. Il est entré dans la lumière en faisant briller toujours plus fort l’étoile de Thaïs. Nous lui en serons éternellement reconnaissants. Il va écrire sa propre histoire, celle d’un grand champion. Bonne route BB Chaman.”