L’année olympique 2024 a aussi été celle de passionnants colloques
Théâtre de superbes performances, les Jeux olympiques ont également constitué une excellente occasion de mettre sur pied toutes sortes d’événements mêlant sport et culture. Tout au long de l’année 2024, divers passionnants colloques et conférences sur le monde et les sports équestres ont été tenus dans plusieurs villes françaises. GRANDPRIX revient sur quatre d’entre eux, ayant abordé divers thèmes allant du bien-être des chevaux de sport à l’Histoire de l’équitation française, en passant par la mixité dans les disciplines équestres à haut niveau.
Une audience de cinq milliards de personnes et quatre cent douze milliards d’interactions générées sur les réseaux sociaux: tel est le bilan des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, selon les chiffres annoncés par le Comité international olympique (CIO) il y a quelques semaines. Ces données ne font que confirmer, s’il le fallait encore, le succès de l’événement quadriennal. Sa tenue au sein de la capitale française a donné un coup de fouet aux inscriptions dans les clubs sportifs de l’Hexagone à la rentrée de septembre, le nombre de licenciés ayant par exemple bondi de 20% en tennis de table, sport galvanisé par les succès des frères Lebrun et de Simon Gauzy, ou encore de 32% en triathlon, où Cassandre Beaugrand a décroché le Graal et Léo Bergère, le bronze olympique. Dès avant leur coup d’envoi, les JOP ont aussi constitué une occasion rêvée pour tisser des liens avec d’autres domaines de la société, tels que la culture. Ainsi, les expositions, documentaires, livres, dossiers, articles, conférences ou colloques mêlant sport et cinéma, sport et peinture ou sport et histoire, certains plus généralistes et d’autres plus spécialisés, ont semblé fleurir comme les crocus au printemps. Et les sports équestres n’ont pas dérogé à la règle! En cette toute fin d’année qui donne parfois l’opportunité d’ouvrir ses horizons, GRANDPRIX revient sur quatre colloques dont tous les échanges sont disponibles à la demande.
Cultures équestres et olympisme
Dès mars, Saumur, cité du cheval s’il en est, a accueilli l’édition 2024 du colloque “Le cheval et ses patrimoines”, qui avait pour thème “Cultures équestres et olympisme”. Tenu dans le cadre d’un partenariat entre l’Université d’Angers, sa Faculté de tourisme, culture et hospitalité ainsi que le ministère de la culture, l’événement avait pour but d’interroger “les enjeux culturels de l’équitation face à l’olympisme”. Dans une première session consacrée à “l’histoire et la valorisation culturelle des sports équestres olympiques”, Hélène Dubois, attachée de conservation du patrimoine au château-musée de Saumur a notamment présenté un exposé sur la place du “gymnaste à cheval dans les jeux antiques et modernes”.
Présidente du jury des épreuves équestres des Jeux paralympiques de Paris, Anne Prain s’est, quant à elle, adonnée à une présentation dédiée à “l’histoire du paralympisme équestre”. Dans un second temps, c’est la “culture mondialisée des sports équestres olympiques” qui a été interrogée, notamment via une analyse statistique de la représentation des différents pays aux JO, tandis que Katherine Daspher, maîtresse de conférences habilitée à diriger des recherches de l’Université de Leeds Backetts, au Royaume-Uni, a présenté un exposé quant à “la place des femmes aux JO équestres”. Le colloque a été conclu par deux tables rondes. La première, animée par Florence Mea, directrice générale adjointe d’lnstitut français du cheval et de l’équitation (IFCE), portait sur les “cultures équestres et le paralympisme”. Elle a fait intervenir Céline Gerny et Chiara Zenati, cavalières de l’équipe de France de para-dressage, mais aussi Nadèje Bourdon, écuyère au Cadre noir et coach dans cette discipline, Geoffray Podsiedlik, groom en épreuves para-équestres, ainsi que Zinnia Guittin, doctorante à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), l’IFCE et la Fédération française d’équitation (FFE), qui travaille sur les rapports entre hommes et femmes dans les compétitions de haut niveau, notamment dans les disciplines paralympiques. La seconde table ronde, intitulée “De l’articulation entre cultures équestres, bien-être et performance” et présentée par Guillaume Henry, auteur et éditeur spécialiste de la culture équestre française, a été le théâtre de discussions entre les écuyers du Cadre noir Arnaud Boiteau, médaillé d’or olympique en concours complet, et Pauline Basquin, actuelle meilleure dresseuse française, Charles Trolliet, ancien président du Comité de la Fédération suisse des sports équestres, João Pedro Rodrigues, écuyer en chef de l’École portugaise d’Art équestre, Laurent Bousquet, entraineur international de complet, Natacha Raynal, coordinatrice de la formation “Groom international” de l’IFCE, ainsi que Léa Lansade, Docteure en éthologie et chercheuse à l’IFCE. Le programme détaillé du colloque est disponible ici, et toutes les interventions sont à (re)voir sur cette chaîne YouTube
Les journées culturelles de la FFE
Les 11 et 12 avril, ensuite, la FFE a accueilli ses premières “Journées culturelles” en son parc fédéral de Lamotte-Beuvron. La première journée, consacrée à la découverte des usages du cheval, a débuté par l’intervention de Bruno David, qui s’est intéressé à l’Histoire du cheval, remontant au premier tiers de l’ère tertiaire, il y a 55 millions d’années, avec l’apparition de l’eohippus. Le généticien Ludovic Orlando a ensuite exposé l’évolution génétique du cheval domestique à travers le temps, connue notamment grâce aux recherches effectuées sur les sites Botaï – un peuple qui vivait au nord de l’actuel Kazakhstan au quatrième millénaire avant notre ère – et portant sur l’ADN retrouvé sur les ossements d’ancêtres de nos chevaux domestiques. Pascal Marry, président de la commission culture et patrimoine de la FFE, a présenté l’histoire des embouchures, étriers et éperons. Selon lui, il est très compliqué de savoir à quoi ressemblaient exactement les premiers modèles de ces équipements équestres. En revanche, selon les avancées actuelles de la recherche en linguistique diachronique, on sait que le mot “équitation” a été utilisé pour la première fois par Pline l’Ancien dans son encyclopédie de l’“Histoire naturelle”, publiée vers 77 apr. J.-C. Le terme “dressage”, lui, est apparu pour la première fois en français dans les écrits de P. A. Aubert, en 1830. Corinne Delhay, maîtresse de conférences émérite en linguistique, a également constaté que les termes liés à la recherche de la légèreté équestre n’ont pas changé depuis Xénophon, qui écrivait durant l’Antiquité que “nulle autre activité que l’équitation ne donnait l’impression à l’homme d’avoir des ailes”. Carole Ferret, ethnologue, a quant à elle proposé un exposé sur l’élevage des chevaux par deux peuples d’Asie intérieure, les Yakoutes – qui se nomment eux-mêmes Sakha – et les Kazakhs.
La matinée du 12 avril a été consacrée au bien-être animal, devenu une préoccupation phare dans nos sociétés occidentales. Fabien Carrié, maître de conférences en sciences politiques, a démontré que le cheval est à l’origine de la protection animale, la Société protectrice des animaux (SPA) et la loi Grammont, punissant la cruauté envers les animaux, ayant été mises en place suite aux mauvais traitements infligés aux chevaux par les cochers de fiacre. La médiation animale, qui se définit comme la mise en relation d’un animal avec un humain en souffrance ou en situation de handicap et entraîne une utilisation des chevaux en-dehors de l’équitation, a été présentée par le sociologue Jérôme Michalon. Le Professeur vétérinaire Jean-Luc Cadoré, lui, a réfléchi à la place donnée aujourd’hui au cheval dans la société et mis en garde contre les risques croissants d’anthropomorphisme, qui nuisent selon lui aux besoins fondamentaux de l’espèce. L’éthologue réputée Hélène Roche a partagé ses connaissances sur le cheval de Przewalski, découvert en 1881 par celui qui lui a donné son nom. Décimé par des campagnes de capture pour les zoos et les cirques à la Belle Époque, cette race a fait l’objet de campagnes de réintroduction en Mongolie, et en 2018, des découvertes archéologiques ont fait apparaître qu’elle avait en fait été élevée par les Botaï, devenant ainsi la première race équine domestiqué au monde… Toutes les interventions de ce colloque sont disponibles ici.
Versailles comme hôte de luxe
Enfin, quel meilleur lieu que la ville de Versailles elle-même, qui fut hôte de l’Académie équestre du Roi Soleil, pour accueillir des conférences équestres ? Pendant la tenue des épreuves olympiques, et plus précisément le 1er août, jour du Grand Prix Spécial de dressage, a eu lieu le bien-nommé colloque “Sports équestres : Jeux et enjeux”, co-organisé par la Bibliothèque mondiale du cheval et la Mission française pour la culture équestre. La journée a été ouverte par nul autre que le Président de la Fédération équestre internationale (FEI), Ingmar de Vos. Historienne et cheffe du département des archives du château de Versailles, Karine McGrath a fait la lumière sur les trois siècles d’histoire partagée entre l’édifice mondialement connu et le cheval, “omniprésent à la cour durant tout l’Ancien Régime”. Guillaume Henry, instructeur d’équitation, éditeur, écrivain et historien du cheval, s’est ensuite penché sur “l’équitation à Versailles du XVIIe à nos jours”, s’intéressant notamment à l’excellence symbolisée par l’École de Versailles vers la fin de l’Ancien régime, avant qu’Alain Francqueville ne s’adonne à une présentation concernant “le dressage aux Jeux olympiques, une évolution dont le général Decarpentry jeta les bases”. Plusieurs intervenants experts ont aussi livré leurs exposés sur “Pierre de Coubertin et le grand manège olympique”, “le lien entre les sports équestres et l’olympisme puis[ant] sa source dans la personnalité du baron Pierre de Coubertin, dont le projet consiste à former une chevalerie moderne”. Déjà présente au colloque de Saumur, en mars, Sylvine Pickel-Chevalier, Professeure des universités à la Faculté de tourisme, culture et hospitalité de l’Université d’Angers, a proposé son analyse de la mixité des sports équestres, en lien avec les objectifs d’égalité entre les genres du CIO. Enfin, Jean-Pierre Digard a délivré une présentation intitulée “L’équitation aux Jeux olympiques, entre humanisme et ‘animalisme’”, se proposant d’interroger la place des sports équestres dans notre société contemporaine, avant que Xavier Libbrecht, ancien rédacteur en chef de L’Eperon et chargé de projet de la Bibliothèque mondiale du cheval, ne conclue le colloque. L’ensemble de celui-ci est disponible ici.
Fin septembre, la préfecture des Yvelines a de nouveau été l’hôte de trois journées de rencontres internationales, organisées par l’établissement public du château de Versailles. Là, les diverses conférences données en l’auditorium du majestueux édifice n’ont pas vraiment eu trait aux sports équestres, mais bien plutôt à l’Histoire de l’équitation et de l’art en lien avec celle-ci. D’ailleurs, la première journée du colloque a accueilli des présentations entrant en résonnance avec l’exposition Cheval en Majesté, au cœur d’une civilisation, alors en cours à Versailles. Deux thèmes majeurs étaient au programme : “Cours et diplomatie” ainsi que “Le cheval, animal symbolique”, qui a notamment permis d’aborder la thématique du “romantisme de la puissance” dans La chevauchée des Walkyries de Richard Wagner. La deuxième journée intitulée “L’art équestre à Versailles, histoire et influence en Europe” était organisée autour de deux axes: “La place du cheval dans la société de Cour” et “Cultures équestres en Europe”, ce dernier ayant notamment donné lieu à un exposé sur “le rayonnement à l’étranger de l’équitation à la française aux XVIIe et XVIIIe siècles”, ainsi qu’à une table ronde animée par Karine Mc Grath et Alain Francqueville sur les Écoles d’art équestre européennes en 2024. La troisième et dernière journée avait pour thème la “Patrimonialisation et la transmission de la culture équestre”, et plus particulièrement “les écuries des Résidences royales européennes” ainsi que les “savoir-faire d’excellence” liés au cheval aujourd’hui. Là encore, l’ensemble du colloque est disponible à la demande ici, et le programme détaillé, là.