Trois nouvelles (parmi d’autres) dont on se serait bien passé en 2024…

En termes de réussite, l’année équestre 2024 restera dans les annales, notamment grâce aux Jeux olympiques de Paris, véritable tour de force en matière d’organisation et de sport. Pour autant, plusieurs malheureuses nouvelles sont venues rappeler s’il le fallait que les sports équestres ne sont pas exempts de défis. Incidents regrettables ou décisions controversées ont alimenté bien des débats, à commencer par celui, incontournable, sur le bien-être équin. Si certains cas soulèvent principalement des questions liées à l’application des règlements, d’autres épisodes laissent peu de place au doute et ternissent l’image des sports équestres. Ceux-ci invitent plus que jamais à la réflexion quant aux moyens de garantir des rapports sains entre athlètes humains et équins.



Charlotte Dujardin suspendue pour mauvais traitements

Coup de tonnerre dans le monde dressage: en juillet dernier, Charlotte Dujardin, icône britannique des sports équestres, annonce qu’elle ne participera pas aux Jeux olympiques de Paris. Sextuple médaillée olympique, dont deux fois en or individuel avec l’inoubliable Valegro, la cavalière, pourtant considérée comme l’une des favorites pour le podium à Versailles, a été suspendue à sa propre demande. Cette décision suit la diffusion d’une vidéo, dans laquelle elle apparaît commettant ce qu’elle a d’abord qualifié d’une “erreur de jugement”. Initialement publiée par des médias anglo-saxons, la séquence a rapidement fait le tour des réseaux sociaux, suscitant de vives réactions, pour ne pas dire un véritable tollé à l’égard de la championne, jusqu’alors réputée pour son équitation légère et harmonieuse. Ce coup de projecteur fut d’autant plus regrettable que l’indignation suscitée par ces images a dépassé les frontières de la communauté équestre, nuisant à l’image de la discipline à une période où les sports équestres sont en quête de respectabilité.
La vidéo, filmée il y a quatre ans selon la cavalière, est alors transmise à la Fédération équestre internationale (FEI), qui ouvre une enquête à quelques jours de l’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024. Dans un communiqué, la Britannique exprime ses regrets: “J’ai décidé de me retirer de toutes les compétitions – y compris les JO de Paris – durant ce processus. Ce qui s’est passé n’est pas du tout dans mes habitudes et ne reflète pas la manière dont j’entraîne mes chevaux ni mes élèves, mais je ne me cherche aucune excuse. J’ai profondément honte et j’aurais dû donner un meilleur exemple à ce moment précis.”
Après plus de quatre mois d’enquête, la FEI prononce sa sanction: un an de suspension, effectif à compter du 23 juillet. Restée silencieuse tout au long de la procédure, Charlotte Dujardin a réagi après l’annonce de la décision finale: “Comme l’a reconnu la FEI, mes agissements dans la vidéo ne reflètent pas qui je suis, et je ne peux que m’en excuser à nouveau. Je suis consciente de la responsabilité qu’implique ma position dans le sport et je tâcherai toujours de mieux faire à l’avenir.” Dans sa déclaration, l’amazone de trente-neuf ans révèle également une nouvelle plus personnelle: “Ce que je n’ai pas encore pu dire, c’est que je suis actuellement enceinte et que mon bébé devrait naître en février. C’était prévu bien avant les JO, et c’est un événement que mon partenaire Dean et moi attendions avec impatience depuis longtemps.” Charlotte Dujardin pourra reprendre la compétition le 23 juillet 2025. La FEI lui a également infligé une amende de 10 000 francs suisses, soit environ 10 733 euros.



James Smith suspecté d’avoir “barré” un cheval à Valence

En saut d’obstacles, un autre cavalier britannique a été à l’origine d’un incident mettant en lumière certaines défaillances liées au rôle des officiels et organisateurs sur les sites de compétition. Le vendredi 15 mars, une source anonyme diffuse plusieurs photos semblant montrer James Smith en train de s’adonner à une méthode d’entraînement hautement controversée sur un jeune cheval. Les images, capturées dans l’enceinte du CES Valencia entre deux concours du Spring Tour, montrent le cavalier franchissant un obstacle tandis qu’une personne — identifiée comme sa groom, Nicola Park — semble frapper les postérieurs de l’animal avec une barre en bois, entre le planer et la réception du saut. Pour rappel, cette technique dite du “barrage”, qui vise à exacerber le geste de saut du cheval, est strictement interdite par le règlement général de la FEI, ainsi que par celui de saut d’obstacles. Ces règles proscrivent toute forme de contact, manuel ou mécanique, avec les jambes de l’équidé lors du franchissement des obstacles.
Ces images accablantes provoquent une véritable onde de choc au sein de la sphère équestre, mettant en lumière le sujet tabou et pourtant majeur des méthodes d’entraînement employées par certains athlètes à l’abri des regards. Cet incident soulève plusieurs questions, la principale étant de savoir comment on a pu laisser un cavalier agir ainsi sur un terrain de concours. Cela pourrait s’expliquer par le fait que la scène ait eu lieu très tôt le matin ou tard le soir, entre deux compétitions, en l’absence de commissaires au paddock. “D’après ce que je crois savoir, ces photos auraient été prises à l’aube, le lundi de la dernière semaine (le 4 mars). Or, le lundi, il n’y a pas d’épreuve, donc aucun steward sur place. Le dimanche, dès la fin des épreuves, les fiches permettant de construire des obstacles sont rangées sous clé jusqu’à la réouverture des carrières au travail des chevaux, la semaine suivante, sous le contrôle obligatoire d’un commissaire. Il peut y avoir des montants et des barres, mais pas de fiche.”, explique alors François Lemonnier, membre du jury à Valence sur la période au cours de laquelle s’est déroulé l’incident. Si les CSI de Valence se terminent administrativement le dimanche et commencent le lundi, les chevaux doivent arriver dans les écuries le dimanche entre 8h et 18h. Il n’y a donc pas de rupture temporelle entre les événements, ce qui implique que les règles de la FEI doivent s’appliquer sans interruption et en présence de commissaires chargés de veiller à leur respect. “De toute façon, même les jours de compétition, il n’y a pas toujours de steward de l’aube au crépuscule sur tous les terrains de concours, donc on ne peut pas garantir l’application à 100% des règles et empêcher de nuire tous les esprits malfaisants”, confesse François Lemonnier, pointant là ce qui constitue peut-être l’une des principales failles permettant à ce type d’incident de se produire.
Le lendemain de la diffusion des photos, la Fédération équestre britannique (BEF) réagit en annonçant la suspension immédiate et temporaire de James Smith. Cette mesure conservatoire visait à interdire au cavalier “de concourir ou d’entraîner d’autres cavaliers et/ou chevaux dans tout concours international ou national jusqu’à nouvel ordre, le temps que les images et les circonstances de l’incident fassent l’objet d’une enquête.” British Showjumping, sa section chapeautant le saut d’obstacles, rend son verdict fin juillet, infligeant une suspension de trois mois au Britannique de trente et un ans, reconnu coupable d’avoir enfreint plusieurs points de son règlement (82.1, 82.11 et 82.13) relatifs à la conduite envers le public et les officiels. Cependant, aucune infraction n’a été retenue concernant une atteinte au bien-être équin ou la pratique d’entraînement en question. Le cavalier est réapparu en compétition dès la fin juin lors d’un CSI 2* disputé à Heras, en Espagne. Également pénalisé d’une amende de 1.000 livres (environ 1.205 €), James Smith écope d’une suspension avec sursis de douze mois qui ne deviendrait effective que s’il faisait l’objet d’une procédure disciplinaire de la part du British Showjumping ou de la FEI au cours de cette même période.



Morgan Barbançon Mestre privée d’une sélection olympique

Le 30 avril, L’Équipe révèle que Morgan Barbançon Mestre a été suspendue pour trois mois par l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). Cette sanction est liée à trois manquements à l’obligation pour les athlètes de haut niveau de communiquer leur localisation et de rester disponibles pour d’éventuels contrôles antidopage. La cavalière française de dressage fait alors appel de cette décision, risquant de compromettre sa participation aux JO de Paris. Avec Habana Libre A, la trentenaire a en effet toutes ses chances d’intégrer l’équipe de France à Versailles, mais la période de trois mois requise par l’AFLD l’empêche de prendre part aux derniers concours préparatoires et sélectifs. Ses avocats font valoir pour sa défense des dysfonctionnements réguliers du logiciel ADAMS, “l’empêchant de renseigner correctement ses données de localisation”. 
Le couperet tombe en juin: Morgan Barbançon Mestre n’a pas obtenu gain de cause en appel. Le Tribunal arbitral du sport (TAS) a non seulement confirmé, mais alourdi sa peine à dix-huit mois de suspension après révision. La dresseuse voit son rêve olympique s’effondrer pour de bon. Cette décision lui interdit également de “participer à quelque titre que ce soit à une compétition ou activité autorisée ou organisée par un signataire du Code mondial antidopage, un membre du signataire ou un club ou une autre organisation membre d’une organisation membre d’un signataire (sauf des programmes d’éducation ou de réhabilitation antidopage autorisés), à des compétitions autorisées ou organisées par une ligue professionnelle ou une organisation responsable de manifestations internationales ou nationales, et à une activité sportive d’élite ou de niveau national financée par un organisme gouvernemental”. La sanction prendra fin le 10 octobre 2025. D’ici là, la Française, déterminée à revenir en compétition, forme patiemment des chevaux chez elle. 



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