Luciana Lossio a créé la surprise en 2024
Avocate brillante et cavalière amateure passionnée, Luciana Lossio a déjoué tous les pronostics pour devenir la surprise de l'année 2024. À cinquante ans, la Brésilienne s’est révélée en remportant son premier Grand Prix 5* à Wellington, aux rênes de sa téméraire Lady Louise Jmen. En quelques mois seulement, elle a conquis les pistes internationales, accumulant classements et invitations aux plus grands concours européens, tout en jonglant avec sa carrière juridique et portant haut ses valeurs féministes. Alors qu’elle ambitionne une place dans l’équipe nationale brésilienne, la quinquagénaire incarne aujourd’hui un modèle de polyvalence et de succès, redéfinissant les frontières entre amateurisme et excellence. Retour sur une ascension passée sous les radars.
Dans la sphère équestre de haut niveau, rares sont les parcours aussi atypiques que celui de Luciana Lossio. Cette cavalière amateure brésilienne de cinquante ans, qui partage sa vie entre une brillante carrière d’avocate et une passion pour les sports équestres, a réussi à s’imposer comme l’une des figures marquantes de l’année 2024. Si son évolution est restée discrète jusqu’à cette année, c’est aux rênes de sa fidèle partenaire depuis trois ans, Lady Louise Jmen, que l’avocate s’est révélée.
Cavalière depuis toujours, elle décide à dix-neuf ans de quitter son Brésil natal pour partir vivre aux États-Unis dans le cadre de ses études et est donc contrainte de vendre son ex-partenaire équin. À son retour et sur les prérogatives de son père, elle ne reprend pas l’équitation. C’est donc le début d’une longue pause de quinze ans, qui lui permet de se concentrer sur son avenir professionnel. “J’ai arrêté l’équitation afin de me construire une vie qui me permettrait de le pratiquer dans les meilleures conditions”, confie la cavalière. C’est en 2011, qu’elle remet le pied à l’étrier. “Je ne peux plus imaginer ma vie sans les chevaux aujourd’hui”, affirme l’avocate. Bien qu’ayant débuté les compétitions internationales en 2015 avec Babouche, une jument alezane qui a concouru jusqu’en CSI 5*, Luciana Lossio a vu sa carrière sportive une nouvelle fois entrecoupée par une pause de six ans. Ce n’est qu’en 2021, aux rênes de Lady Louise Jmen, une jument brésilienne issue de l’élevage Jmen, qu’elle fait son retour sur les pistes. Initialement acquise pour le plaisir de concourir, elles ont très rapidement gravi les échelons, passant des épreuves à 1,20m au sommet des compétitions internationales.
Le tournant de sa carrière intervient en mars 2024, lorsqu’elle créé la sensation en remportant son premier Grand Prix 5* à Wellington. Face à des cavaliers chevronnés et avec une seule monture en compétition, elle démontre une régularité exemplaire tout au long du Winter Equestrian Festival. À la fin de la saison, sa jument Lady Louise Jmen se hisse au sommet du classement des chevaux par gains accumulés, et Luciana se classe deuxième des cavaliers de Grand Prix. “Ce succès n’est pas un simple coup de chance. J’ai bien travaillé et ma jument a été exceptionnelle toute la saison ”, soutient-elle. La complicité entre la Brésilienne et sa fille de Landario Jmen est l’une des clés de leur succès. À l’image de sa cavalière, la baie de quinze ans incarne l’esprit de détermination et de persévérance. “Lady Louise est courageuse, vive et toujours prête à relever les défis. Elle me donne une confiance incroyable, et avec elle, je me sens capable de tout”, décrit Luciana Lossio.
Un été sous les feux des projecteurs européens
Amarrée en Belgique, à quelques kilomètres du Sentower Park dans la ville de Maaseik, pour la saison estivale, la cavalière a pu notamment compter sur le soutien indéfectible de son ami Alexandre Gadelha, ancien cavalier d’Ilex (KWPN, Baltic VDL x Chin Chin), médaillé d’argent par équipes aux Jeux olympiques de Paris cet été avec l’Américain McLain Ward et considéré comme l’un des meilleurs chevaux de jumping actuel. “Les écuries Bonne Chance, gérées en partie par des Brésiliens, ont accepté de nous héberger pendant nos séjours en Europe. L’équipe est géniale, et ce sont des gens importants au Brésil, car ils investissent beaucoup dans le sport. D’ailleurs, c’est chez eux qu’a été formé Ilex. Vu les cracks que cette équipe trouve, autant se rapprocher d’elle !”, se réjouit la cavalière.
Depuis le grave accident de son entraîneur, la Brésilienne évolue en autonomie : “Je m’entraîne et me construis seule, mais j’échange beaucoup avec mon compagnon, qui est également un cavalier amateur. C’est important d’avoir un avis extérieur et des conseils.” Ainsi, la cavalière a prouvé qu’il n’y avait pas besoin de coach et d’un piquet de chevaux fournit pour atteindre les sommets. Après son triomphe à Wellington, Luciana Lossio est invitée sur les concours européens les plus prestigieux, à l’image du mythique CSIO 5* de La Baule, du CSI 4* de Chantilly Classic, où elle remporte notamment le Grand Prix de la ville, et du CSIO 5* de Hickstead, où elle termine au pied du podium lors du Grand Prix. “Participer à ces compétitions est une expérience incroyable, mais aussi un test pour prouver que je mérite ma place dans l’équipe nationale”, affirme-t-elle. Seulement voilà, malgré ses cinq podiums lors d’échéances de haut vol et une attention accrue de la Fédération brésilienne, la cavalière amateure doit encore faire ses preuves pour obtenir une place en équipe nationale face à une concurrence de taille.
Une double vie inspirante
Si certains doutent de la possibilité de concilier études et carrière sportive, Luciana Lossio a déjà prouvé le contraire. En parallèle de ses exploits équestres, la cavalière mène une brillante carrière d’avocate. Deux vies que la quinquagénaire mène de front. L’ancienne membre de la Cour supérieure électorale au Brésil a également été observatrice internationale lors de nombreuses élections, et continue de plaider pour l’égalité des sexes. “Je suis très féministe, et nous devons continuer à nous battre pour l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est aussi l’une des raisons qui me font aimer l’équitation, car c’est le seul sport olympique où chacun concourt à égalité”, explique la féministe qui se revendique comme telle et accorde une grande importance à ce sujet dans un pays qui souffre encore de beaucoup de stéréotypes sexistes et d’une misogynie ambiante. “Dans notre pays, les femmes représentent plus de la moitié de la population, soit 52% pour être exacte. Au parlement, seulement 19% sont membres, alors même qu’une loi pour la parité est entrée en vigueur pour atteindre les 30%. Quelque chose ne tourne pas rond !”, alerte-t-elle. Malgré les sollicitations de personnalités politiques majeures, telles que Jair Bolsonaro, président d’extrême-droite du Brésil entre 2019 et 2023, Luciana Lossio a toujours gardé sa ligne de conduite et a refusé l’offre. L’homme ne correspondant pas aux valeurs qu’elles souhaitent défendre. En revanche, elle s’est impliquée de manière significative dans la campagne de Dilma Rousseff, la première femme de l’histoire du Brésil à avoir été élue présidente. “À l’époque où l’équipe de Dilma Rousseff m’avait proposé de travailler à son service, celle de l’autre candidat principal, José Serra, m’avait soumis la même proposition, mais j’avais choisi celle de Dilma, car c’est une femme”, confie l’avocate.
Avec des objectifs clairs en tête, Luciana Lossio aspire à intégrer l’équipe brésilienne pour les grandes échéances internationales. Reste à voir jusqu’où cette cavalière, qui incarne la surprise de l’année 2024, portera les couleurs de son pays.