“Pour garder un cheval heureux et performant, variez les postures et intensités de travail”, Éric Louradour

“Un cheval en pleine santé, tant sur le plan physique que mental, est un partenaire épanoui et généreux. Souvent, les cavaliers oublient l’importance de varier les postures et les intensités dans le travail”, observe Éric Louradour. Dans sa première chronique de l’année 2025, le cavalier et entraîneur de renom livre quelques conseils valant en toute saison, et peut-être plus encore en hiver, où le travail s’avère souvent plus routinier.



Comme pour les humains, la disponibilité et la prévention des tensions musculaires passent par des exercices d’assouplissement et un entraînement diversifié. Faire travailler un cheval dans une seule posture ou via des exercices trop répétitifs peut entraîner des déséquilibres et douleurs, voire une lassitude mentale. Trois attitudes principales doivent être intégrées à l’entraînement pour favoriser le développement harmonieux du cheval.



L’attitude du rassembler

Cette posture est fondamentale pour le cheval. En engageant ses postérieurs sous lui et en abaissant ses hanches, il remonte son garrot, ce qui permet d’élever et de muscler son dos. Ainsi, le cheval porte mieux son cavalier. Ce mécanisme harmonieux conduit naturellement à une posture équilibrée et soutenue, où l’encolure se positionne en conséquence sans que l’on cherche à la relever artificiellement. Il est important de mettre l’accent sur les fondements du rassembler: engagement, abaissement des hanches, remontée du garrot; tout en précisant que l’encolure suit cette dynamique de manière naturelle, sans intervention forcée du cavalier. Imaginez un danseur qui, en contractant ses muscles centraux, adopte une posture élégante et puissante.

Cependant, demander le rassembler de manière trop précoce ou intense peut être comparable à exiger d’un humain qu’il réalise un grand écart sans préparation. Il est donc essentiel de l’introduire progressivement, en respectant le rythme et les capacités de l’animal. C’est pourquoi les vieux hommes de cheval préconisaient de seulement emmener en promenade les chevaux âgés de quatre ans et cinq ans afin qu’il se tendent, en allant vers le mors, ou de les laisser dans une attitude un petit peu plus horizontale.



L’extension d’encolure

Cet exercice permet au cheval d’étirer sa ligne du dessus, allongeant ses muscles dorsaux tels un élastique qui se tend. Cela favorise un étirement bénéfique, tout en sollicitant les muscles abdominaux qui se contractent pour soutenir l’ensemble. C’est un peu comme si le cheval effectuait un exercice de stretching, relâchant les tensions et améliorant sa souplesse.

Toutefois, il est important de noter que l’extension d’encolure ne renforce pas directement les muscles dorsaux, mais contribue à leur élasticité et à la remontée des abdominaux. De plus, pour un cheval de quatre ans, encore en apprentissage, cette posture doit être abordée avec prudence. Son équilibre naturel étant porté sur les épaules, et sa jeunesse le poussant à vouloir courir, le cavalier pourrait perdre à la fois le contrôle et la direction. Il est donc préférable de l’introduire progressivement, en veillant à ce que le cheval conserve son équilibre et sa réactivité aux aides. 

Un grand nombre de cavaliers font preuve de confusions concernant cette posture. Ils pensent que le cheval doit avoir le nez au sol, et ils montent souvent leurs chevaux avec trop de rythme, provoquant un abaissement du garrot, une perte d’équilibre sur les épaules et des jarrets qui restent loin derrière. Il importe, à l’inverse, que le cheval conserve une allure plus lente qui “verticalise” son équilibre, qu’il ne baisse pas trop sa nuque automatiquement, et surtout qu’il pointe le bout de son nez et son encolure vers l’avant.



L’attitude naturelle

Faire travailler le cheval dans une posture proche de sa position naturelle, avec un contact léger et constant, permet de maintenir sa décontraction et d’éviter le surmenage. Cela revient à permettre à un athlète de marcher entre des sprints, offrant une récupération active bénéfique. Cette attitude naturelle peut aussi être une excellente manière d’échauffer tranquillement son cheval, sans se montrer trop exigeant à son égard. Ainsi, il prend le temps de trouver son équilibre, bien réparti sur ses quatre membres, tout en restant relâché et disponible. Cela lui permet de commencer le travail en douceur, en respectant son rythme et en évitant toute tension inutile. Les chevaux connaissent mieux que nous les lois de l’équilibre. En travaillant dans cette posture, on leur offre l’opportunité d’explorer leurs propres sensations et de s’ajuster de manière autonome. En leur laissant cette liberté de mouvement, on renforce leur capacité à s’équilibrer naturellement et à engager leur arrière-main sans contrainte. Cela peut également être un excellent moment pour observer et écouter son cheval, afin de mieux comprendre ses besoins physiques et mentaux à l’instant présent. Enfin, cette posture peut être utilisée comme un outil précieux entre des exercices plus exigeants, offrant un moment de relâchement actif pour le cheval tout en maintenant son attention.



Au-delà des postures: l’importance de varier les intensités

La variation des intensités est tout aussi cruciale que celle des postures. Le cheval, comme l’humain, a besoin de moments de récupération pour assimiler les bienfaits du travail fourni. Alterner phases actives et moments de relâchement est essentiel pour éviter le surmenage musculaire et préserver son moral. Une routine trop rigide ou trop scolaire peut entraîner de l’ennui, réduisant sa motivation et sa générosité. Intégrer des exercices variés, des sorties en extérieur ou des séances plus ludiques contribue à maintenir son intérêt et sa joie au travail. Varier les postures et activités, c’est offrir au cheval les moyens de devenir un véritable athlète équilibré, performant et heureux. C’est aussi bâtir une relation de confiance et de respect mutuel. Chaque séance devient alors un moment enrichissant, qui renforce votre complicité et sa volonté de donner le meilleur de lui-même.



En conclusion

Prendre soin de son cheval, c’est avant tout respecter son rythme, ses besoins et ses limites. Il ne s’agit pas de chercher la perfection immédiate, mais de maintenir un travail progressif, réfléchi et adapté à son âge et son niveau. La vraie équitation va bien au-delà de la technique: elle est une rencontre entre deux êtres, où le respect et la patience dessinent une harmonie durable. Et si chaque cavalier se demandait: “Que puis-je faire aujourd’hui pour que mon cheval soit meilleur demain, sans jamais affecter son bien-être?”

Sportivement vôtre, Éric