Le vent souffle à La Corogne mais la Grande-Bretagne maintient le cap, tandis que les piliers tricolores résistent
Le deuxième acte des championnats d’Europe de La Corogne, qui s’est joué cet après-midi, a sans aucun doute livré plus de rebondissements que l’épreuve de Chasse d’hier, mais les leaders des classements provisoires n’ont pas pour autant changé, au contraire! Par équipes, les champions olympiques britanniques maintiennent le cap malgré quelques bourrasques, devant l’Allemagne, la Belgique, l’Irlande et la France, qui demeure en embuscade. Quant au peloton de tête individuel, qui a perdu l’Irlandais Daniel Coyle en cours de route, il reste quasiment inchangé avec l’Allemand Richard Vogel, le Britannique Donald Whitaker et le Normand Julien Épaillard.

Donald Whitaker et Millfield Colette.
© Sportfot
Entre la défection de Matthew Sampson, éliminé après deux gros refus de Médoc de Toxandria sur la sortie du triple (successifs à deux gros pédalages sur l’oxer du milieu) et les acrobaties de Donald Whitaker et Scott Brash, la Grande-Bretagne aurait pu perdre le leadership qu’elle avait obtenu hier à l’issue de l’épreuve d’ouverture des championnats d’Europe de La Corogne. Mais les champions olympiques de Paris ne se sont pas laissé démonter et tiennent visiblement à doubler leur titre en or! Parti en ouvreur de cette deuxième épreuve, support de la première manche de la finale par équipes, Ben Maher a signé un bon sans-faute avec Dallas Vegas Batilly, fautive à une reprise la veille. Donald Whitaker en a ensuite fait de même avec l’exceptionnelle et généreuse Millfield Colette (dont un portrait est à retrouver ici), qui, il faut le dire, a parfois sauvé quelques barres grâce à son talent indéniable. Précisons que ce sans-faute permet d’ailleurs au couple de conserver son score individuel intact et de pointer à la deuxième place provisoire.
Dernier à partir, Scott Brash a connu exactement un scénario sensiblement identique, accompagné de la charismatique Hello Folie de Nantuel, que la France peut se targuer d’avoir fait naître, l’alezane ayant vu le jour dans le Berry, chez Jacques Gouin. S’il semblait parfois un peu emmené par sa petite crack de dix ans, l’Écossais a déroulé un superbe parcours… jusqu’à la triple combinaison. Dans le virage précédant cette dernière, le cavalier a semblé perdre ses rênes et sa partenaire a bien failli repasser au trot, ne comprenant plus très bien la consigne… Mais, sans qu’on ne sache trop comment, la fille de Luidam a réussi à franchir les trois obstacles - un vertical à 1,53m, un oxer d’1,52m de haut sur 1,60m de large et un deuxième d’1,55m sur 1,30m – sans commettre la moindre faute (voir la vidéo en bas d’article)! “Je me suis senti un peu comme un amateur à ce moment-là… Je ne sais pas vraiment ce qu’il s’est passé… Je pense qu’elle a passé fort le dos, et il lui arrive parfois de m’arracher un peu les rênes”, a plus tard réagi le pilote, presque un peu sonné de la performance de sa crack. Une acrobatie qui a au moins eu le mérite de réveiller les quelques centaines de spectateurs, dont on oublierait presque la présence à en juger par les faibles applaudissements qui se dégagent des tribunes hier comme aujourd’hui… Espérons que l’alezane, désormais cinquième du classement individuel, ne soit pas trop entamée à cause de cet effort et en soit récompensée demain.
Richard Vogel et United Touch S livrent une démonstration

Richard Vogel et United Touch S.
© Benjamin Clark/FEI
Derrière la Grande-Bretagne, les drapeaux noir-jaune-rouge de l’Allemagne et de la Belgique restent bien plantés dans le podium provisoire. La première nation a d’ailleurs été la seule à enregistrer quatre scores vierges sur quatre! On louera notamment celui du maestro Marcus Ehning, qui est en train de prouver toute la qualité de Coolio 42 (lire sa réaction ici), et surtout celui de Richard Vogel, qui a livré une véritable démonstration avec United Touch S! Si l’on pouvait jadis parfois craindre que l’extravagant bai ne baisse de pied à force de répéter les efforts ou ne se retrouve piégé dans des distances bien trop courtes pour lui, il semble plus en forme que jamais. “Il a déjà à son actif deux ou trois championnats dans lesquels il n’est pas encore passé (il a fini huitième de la finale de la Coupe du monde Longines d’Omaha en 2023, cinquante-cinquième des Jeux olympiques de Paris, et sixième de la finale indoor de Bâle début avril, ndlr), mais j’ai l’impression que son heure de gloire pourrait venir cette semaine”, a d’ailleurs glissé Grégory Wathelet, consultant pour GRANDPRIX.info cette semaine.
La Belgique a elle récolté trois sans-faute, dont un du métronome Ermitage Kalone, piloté avec brio par le jeune Gilles Thomas, ainsi qu’un score de huit points après le passage de Pieter Devos et Casual DV. Et il faut bien dire que ce dernier couple a peut-être signé l’une des plus grosses surprises déceptives de la journée… Bourrée de qualités et d’une élégance à tomber par terre, la fille de Windows van het Costersveld comptait évidemment parmi les favorites pour le titre. Mais, comme à la finale indoor de Bâle, où les deux complices avaient bien démarré le premier jour avant de vivre un gros revers le lendemain, tout est allé de travers. Après un début de parcours sous une pression apparente, le milieu et la sortie du triple ont eu raison de leurs ambitions individuelles. Gageons qu’ils puissent apporter leur pierre à l’édifice demain si médaille collective il y a.
Grosse déception pour Pieter Devos et Casual DV.
La France reste en embuscade!

Kevin Staut et Visconti du Telman.
© Dirk Caremans/Hippo Foto
Cinquièmes derrière l’Irlande, très compétitive mais qui a montré quelques signes de fébrilité, les Bleus restent en embuscade. Même si plus d’une barre les séparent désormais du podium (ils totalisent 9,69 points contre 4,61 points pour la Belgique), rien n’est encore perdu pour eux. Et, quoi qu’il advienne, le spectacle rafraîchissant qu'ils offrent depuis la veille fait clairement plaisir à voir, d’autant qu’un véritable esprit d’équipe semble être né. Le show a commencé par le magnifique sans-faute de Kevin Staut, juché sur une Visconti du Telman aussi souveraine qu’à Bâle malgré une bonne touchette sur le vertical numéro 3 (lire sa réaction ici). Lançant formidablement l’équipe de France, le Normand, cavalier d’équipe par excellence, a ensuite filé entourer ses deux jeunes coéquipières Jeanne Sadran et Nina Mallevaey (en couverture du dernier numéro du magazine GRANDPRIX), qui poursuivent leur première participation à un grand championnat. Bien que les deux aient concédé une faute chacune, la première sur le vertical sur bidet numéro 9 après un petit moment de flottement et la seconde sur un insignifiant oxer en fin de parcours, elles n’ont pas à rougir de leurs prestations. Ni à s’inquiéter de la forme de leurs respectifs Dexter de Kerglenn et Nikka vd Bisschop, qui semblaient aussi à l’aise qu’hier! Les deux nouvelles stars de l’équipe de France ont pu compter sur Julien Épaillard pour ajouter un zéro à la fin. Semblant de plus en plus à l’aise dans son costume de leader des troupes, le partenaire de Donatello d’Auge a bouclé un score vierge “les doigts dans le nez”, a-t-on presque envie de dire.
Quant au réserviste Antoine Ermann, qui concoure en individuel, il a déroulé un somptueux sans-faute en début d’épreuve! Aux rênes d’un Floyd des Prés parfois un peu sur la retenue, le Bourguignon a offert une nouvelle leçon d’équitation à la française au public et a parfaitement négocié toutes les difficultés. De quoi redonner du baume au cœur à ce jeune homme de vingt-trois ans, un peu déçu après ses deux fautes de la veille. Il est trente-deuxième au classement provisoire.

Antoine Ermann et Floyd des Prés.
© Dirk Caremans/Hippo Foto
La débandade pour Martin Fuchs et Maikel van der Vleuten…

Martin Fuchs et Conner Jei.
© Dirk Caremans/Hippo Foto
Derrière la France, la Suisse et les Pays-Bas ont dû composer entre de belles prestations et de grosses désillusions. Les Helvètes ont pu se réjouir du sans-faute arraché par Nadja Peter Steiner et Mila ainsi que de la nouvelle démonstration impeccable de Steve Guerdat et Albfuhren’s Iashin Sitte, mais ont dû déchanter devant la contre-performance cuisante de Martin Fuchs… Ayant récemment alterné entre un forfait à bas bruit au CSIO 5* de La Baule début juin avec Leone Jei puis une victoire éclatante à Aix-la-Chapelle avec le gris, le Suisse a remangé du pain noir cet après-midi. Le cavalier de Conner Jei, qu’il avait déjà eu du mal à emmener jusqu'au paddock, le bai ayant montré de fortes défenses sur la piste reliant les boxes aux carrières d'échauffement, a accusé un lourd score de seize points. Le bai, qui dispute son premier grand championnat cette semaine, ne semblait pas à son aise sur le parcours de Santiago Varela. Un parcours particulier, d’ailleurs, pour lequel l’Espagnol a tenté de jouer avec le léger dénivelé de la piste en forme de dôme. “Le triple était construit dans la montée, et la ligne de la rivière-palanque à l’inverse, dans la descente”, a d’ailleurs témoigné Julien Épaillard à la sortie. “Même le parc d’obstacles est assez inhabituel, avec beaucoup de couleurs pastel et des éléments assez légers. C’est bien, ça change!”, a salué le Normand, qui a également, comme ses adversaires de la dernière rotation, dû dealer avec les variations de la lumière du coucher de soleil. Le champion Steve Guerdat, toujours prompt à porter la critique pour faire advenir un sport plus équitable, a d'ailleurs regretté l'horaire tardif de cette épreuve (débutée à 15h), qui a de fait engendré des conditions différentes en termes d'ombres et de lumière que l'on passait en début ou en fin d'épreuve.
Comme Martin Fuchs pour les Suisses, Maikel van der Vleuten a probablement meurtri le cœur des supporters néerlandais cet après-midi. Si les Oranje ont pu compter sur les sans-faute de Willem Greve sur Pretty Woman van't Paradijs puis Kim Emmen avec Imagine, ils ont dû digérer la contre-performance de Beauville NOP, triple médaillé de bronze en individuel en grands championnats. Comme à Bâle, où il n’avait pas été au-delà de la première épreuve, le bai a semblé en-dessous de la forme qu’on lui connaît, laissant pas moins de vingt points derrière lui, causés par trois barres à terre et une volte.
En individuel, Abdel Saïd et Janika Sprunger tirent leur épingle du jeu
Sélectionnés en solo pour ces Européens, Abdel Saïd et Janika Sprunger ont réussi à tirer leur épingle du jeu aujourd’hui. Partis en début d’épreuve aux rênes de leurs respectives Bonne Amie et Orélie, ils ont signé de très beaux sans-faute - comme l’immense majorité des autres engagés en individuel, si bien que l’on a craint un moment que le parcours soit trop abordable. Le premier, concourant sous les couleurs belges, est dixième au provisoire, tandis que la seconde, Suissesse, pointe à la seizième place, à deux rangs de la Suédoise Wilma Hellström, dont l’équipe a pris l’eau mais qui reste dans le coup avec Cicci BJN.
La réaction de Janika Sprunger