La FEI autorise le port du filet simple en CDI et durcit légèrement le règlement sur les éliminations
Engagée depuis plus d’un an dans une réflexion existentielle avec l’ensemble des parties prenantes du dressage, la Fédération équestre internationale (FEI) a fait adopter quelques modifications réglementaires importantes dans sa quête de modernité et de crédibilité lors de son assemblée générale. Vendredi à Hong Kong, les fédérations nationales ont notamment voté en faveur de l’autorisation du port du filet simple en Grand Prix dans les CDI de niveau 3*, après des années de débat sur cette question. Résolument volontariste en amont de ce sommet annuel, le Club des officiels de dressage avait soumis de nombreuses propositions, dont plusieurs ont été acceptées.
“Faut-il autoriser le port du filet simple en compétition sur le Grand Tour?” Cette question, cristallisant l’éternelle querelle entre conservateurs et réformistes dans le monde équestre, a été débattue dans toutes les sphères depuis des années, sinon des décennies. Plusieurs nations, dont la Grande-Bretagne, les Pays-Bas ou la Suède, autorisent depuis longtemps déjà leurs cavaliers à choisir entre filet et bride complète au plus haut niveau de compétition nationale, mais cette mesure n’avait jamais vraiment trouvé l’écho escompté auprès de la Fédération équestre internationale (FEI), et surtout de son comité technique de dressage. Avant l’assemblée générale de 2024, celui-ci avait soumis l’idée d’encourager “les organisateurs à inclure des épreuves dédiées aux athlètes souhaitant utiliser le filet en Grand Tour au niveau 3*.”
Alors qu’aucune compétition de ce genre n’a vraisemblablement vu le jour, la semaine dernière, il a été décidé de rendre la bride optionnelle dans toutes les épreuves internationales jusqu’au label 3* à compter du 1er janvier 2026. En toute logique, cette disposition s’applique également aux CDI réservés aux cavaliers de moins de vingt-cinq ans, où l’Intermédiaire II pouvait déjà être présentée en filet. “Considérant le niveau d’expertise requis pour utiliser la bride, le comité technique et le groupe de travail en charge d’établir un plan d’action stratégique pour la discipline ont conclu que le choix entre bride et filet simple devrait être laissé aux athlètes jusqu’en CDI(O)3*”, peut-on lire dans le document préparatoire à l’assemblée générale de la FEI. “Si le comité technique reste convaincu que l’usage de la bride complète au plus haut niveau n’est pas une problématique de bien-être, nous croyons aussi que cette proposition de modification réglementaire serait une étape importante pour récolter des données supplémentaires quant au choix du harnachement des points de vue des athlètes et des officiels.”
En adoptant cette disposition, soutenue par les fédérations australienne, britannique, danoise, néerlandaise, suédoise, allemande – pourtant longtemps peu encline à l’évolution sur ce sujet – et européenne ainsi que par le Club des cavaliers de dressage internationaux (IDRC), la FEI a quelque peu dérogé à ses propres règles. En effet, la révision annuelle du règlement de dressage n’étant prévue que l’an prochain, seules des modifications urgentes ou touchant au bien-être animal auraient dû être proposées au vote en 2025. La crise que traverse actuellement le dressage a sans doute motivé l’organisation à soumettre au vote cette proposition qu’elle avait refusée à plusieurs reprises, justement au motif qu’il ne s’agissait pas d’une modification urgente ou liée au bien-être.
Par ailleurs, les règles encadrant les éliminations ont été légèrement durcies. Actuellement, seules les “résistances” – ou défenses – montrées en piste sont éliminatoires si elles durent plus de vingt secondes ou si elles peuvent mettre en danger l’athlète, le cheval, les officiels ou le public. À compter du 1er janvier 2026, sur proposition du Club des officiels de dressage internationaux (IDOC), les résistances du même type survenant autour du rectangle deviendront elles aussi éliminatoires. De manière assez logique, la notion “d’assistance non autorisée” sera également étendue au moment où le couple se trouve sur la surface autour du rectangle. Par ailleurs, l’IDOC, soutenu en ce sens par les fédérations britannique, danoise et européenne (EEF) ainsi que par le Club des cavaliers internationaux de dressage (IDRC), a proposé que les traces de sang décelées “dans la région de la bouche des chevaux” deviennent éliminatoires, au même titre que celles émanant directement de la bouche, afin notamment d’éviter des problèmes d’interprétation.
Vers la publication des commentaires reçus en compétition?
Visiblement prompts à réformer la discipline afin d’en assurer l’avenir, les officiels avaient soumis de nombreuses propositions en amont de l’assemblée générale de la FEI. L’IDOC a notamment suggéré “d’inclure des mouvements où la souplesse des chevaux ainsi que leur capacité à se porter d’eux-mêmes pourraient être évalués – tels une extension du cadre ou une rupture du contact – dans les reprises de niveau Grand Tour. L’évaluation de ces figures mettrait davantage l’accent sur un entraînement correct des chevaux, fondé sur l’échelle de progression, et contribuerait ainsi à leur bien-être”. L’IDOC a obtenu l’assentiment du Danemark, de la Grande-Bretagne, de l’EEF, de l’IDRC et même de la FEI. Cependant, il a été décidé de différer l’implémentation de cette modification des protocoles. “Le comité technique de dressage est parfaitement en accord avec [la proposition de l’IDOC]”, lit-on dans le document préparatoire. “Un groupe de travail a été créé afin de réexaminer tous les textes et consulter les parties prenantes au sujet des éventuelles modifications. Cette mise à jour des reprises aura lieu dans le cadre de la mise en place du plan d’action stratégique pour le futur du dressage.”
Envisagée depuis les premières réunions organisées pour façonner le futur du dressage, la possibilité de rendre publics les commentaires des juges a été remise sur la table par les officiels, qui souhaitent tout de même accorder aux cavaliers la possibilité de refuser la publication des remarques qu’ils ont reçues. La fédération étasunienne, elle, préférerait que ces commentaires ne soient publiés qu’avec l’autorisation des athlètes. Son homologue britannique n’est pas en faveur d’accorder ce choix aux cavaliers. “Nous devons prêter attention aux potentielles conséquences inattendues d’une telle modification réglementaire”, pose-t-elle. “Si des cavaliers refusent la publication de leurs commentaires, ils pourraient faire l’objet d'accusations sans fondement, arguant qu’ils ont quelque chose à cacher. On peut aussi imaginer que les commentaires des juges soient sortis de leur contexte et utilisés pour critiquer les cavaliers [...]. En outre, le fait de rendre les protocoles accessibles à tous pourrait conduire les juges à lisser leurs notes (déjà publiques la plupart du temps, ndlr) et leurs commentaires [...], ce qui n’aiderait pas les cavaliers à progresser. Nous recommandons donc qu’une consultation exhaustive ait lieu avant toute prise de décision et en amont de la révision complète du règlement prévue en 2026. Si la proposition venait à être adoptée, nous recommandons que l’accent soit mis, dans la formation des juges, sur l’utilisation d’une terminologie appropriée, et que des traductions précises soient fournies aux officiels.”
Quant à la fédération suisse, elle interroge les parties prenantes sur la pertinence d’envisager des approches différentes en fonction des niveaux de compétition, par exemple en commençant par rendre accessibles les commentaires reçus lors des championnats, où les juges sont très expérimentés. “En théorie, le comité technique de dressage soutient cette proposition [de l’IDOC], en ce qu’elle pourrait améliorer la transparence et la compréhension du sport”, répond la FEI. “Il suggère une consultation avec l’IDRC et le Club des entraîneurs internationaux de dressage (IDTC). À l’issue de ce processus, un projet-pilote pourrait être mis sur pied lors d’événements sélectionnés au préalable. Le comité pense que les athlètes devraient pouvoir choisir s’ils veulent rendre publics les commentaires ayant trait à leurs performances.”
Les chevaux pourront toujours débuter au niveau Grand Prix à huit ans
Après que plusieurs organisateurs, à l’instar de ceux du CHI-W de Göteborg ou du CHI-W de Bâle, hôte de la dernière finale de la Coupe du monde, ont choisi de filmer la détente de leur concours, voire de diffuser les images en direct, la FEI a officialisé cette possibilité, soulignant toutefois que la caméra devra rester statique et ajoutant que les cavaliers devraient idéalement être prévenus à l’avance afin de ne pas gêner le travail des couples. Plusieurs propositions déjà mentionnées par le groupe de travail spécial lors du Forum des sports de Lausanne, en avril, se sont retrouvées sur le document préparatoire de l’assemblée générale sans toutefois être soumises au vote. Il en va ainsi de la demande émise par les fédérations allemande, autrichienne et européenne, appuyées par l’IDRC, d’ajouter une note d’ensemble à la fin des protocoles. Depuis 2019, il n’en existe plus qu’une sanctionnant l’impression générale, contre quatre auparavant. Comme à chaque fois que réapparaît une telle proposition, la FEI a renvoyé vers les travaux du groupe de travail sur le jugement réalisés en 2018 et l’étude de l’université de Nottingham fournie à l’époque, qui avait conclu que les notes d’ensemble exacerbaient la charge cognitive des juges. En revanche, l’organisation a accepté de renommer la note d’impression générale en note d’harmonie, “incluant l’harmonie, la coopération, la légèreté, l’efficacité, la sensibilité aux aides ainsi que le respect de l’échelle de progression”, ce dernier aspect étant celui que plusieurs parties prenantes souhaiteraient voir évalué par une note dédiée.
Appuyée par l’EEF, la fédération autrichienne aurait voulu rendre obligatoire l’utilisation d’un protège-gourmette sur celle du mors de bride, et faire ajouter au règlement un article disposant qu’une “gourmette correctement ajustée doit entrer en action lorsque le mors de bride forme un angle de 45° avec la verticale, et pas plus”. Elle a rejoint en cela une proposition de l’IDOC, souhaitant que “l’angle de la branche soit limité à 45° lorsqu’elle entre en rotation vers l’arrière”. Aucune de ces deux mesures n’a été soutenue par le comité technique de dressage, même si la FEI a indiqué que la proposition autrichienne serait discutée l’an prochain dans le cadre de la révision complète du règlement. Enfin, la fédération polonaise aurait souhaité rendre les CDI de labels 2* et supérieurs inaccessibles aux chevaux de moins de neuf ans, tandis que son homologue britannique s’est prononcée en faveur de l’instauration de cet âge minimal pour les épreuves de niveau Grand Prix. Pour rappel, la seule monture à avoir pris part aux Jeux olympiques de Paris 2024 à huit ans n’est autre que l’exubérante Maxima Bella, présentée par Sandra Sysojeva, qui représente… la Pologne! Compte tenu du très faible nombre – les statistiques avaient été présentées à Lausanne au printemps dernier – de chevaux ayant effectivement effectué leurs débuts en Grand Prix international à huit ans ces dernières années, la FEI ne juge pas nécessaire de modifier l’âge minimal pour prétendre à ces compétitions: “À la place, il est proposé de s’intéresser au nombre de compétitions autorisées par mois ou par an pour les chevaux de huit ans évoluant en Grand Prix dans le cadre du processus de révision complète du règlement en 2026”. Logique, quand on sait que Maxima Bella avait disputé pas moins de vingt-deux (!) épreuves internationales de niveau Grand Tour l’an dernier, contre seulement quatre pour Zonik Plus, qui a le même âge qu’elle et a été sacré double champion d’Europe l’été dernier à Crozet.
À l’instar de la session dédiée à la discipline au Forum des sports, les décisions prises lors de l’assemblée générale de Hong Kong, de même que toutes les propositions soumises par les diverses parties prenantes, montrent que celles-ci partagent la volonté de faire évoluer le dressage et le faire sortir de la crise qu’il connaît. Pour en arriver là, d’autres mesures devront sûrement être adoptées. Quant aux acteurs emblématiques de la discipline, ils doivent plus que jamais faire preuve d’exemplarité.

