Éric Palmer, pionnier des techniques modernes de reproduction, s’est éteint
Éric Palmer est décédé le 4 novembre à l’âge de soixante-dix-huit ans, des suites de complications hémorragiques et infectieuses. Issu d’une famille de scientifiques, cet homme obsédé par la recherche appliquée laisse un immense héritage dans le domaine de la reproduction équine. Avant-gardiste, anticonformiste, pionnier quasiment envouté par la soif de faire avancer la recherche, Éric Palmer était l’éminence grise et “LA” pierre angulaire des techniques modernes de reproduction. C’est par lui et avec lui, en bonne intelligence avec la vénérable institution des Haras nationaux, dont il était un “officier”, que tout a commencé.
L’histoire se souviendra qu’Éric Palmer, né de parents médecins gynécologues parisiens, mêlant le sang hollandais au sang suédois, avait hérité de sérieux gènes familiaux entièrement tournés vers la science et l’élevage. Son père, précurseur en matière de cœlioscopie, lui avait mis dans les mains un des tous premiers échographes et lui avait lancé sous forme de défi: “Vois ce que tu peux faire avec ça!”, rapporte le Dr Ivan Palmer, fils d’Éric. Il n’en fallait pas plus pour stimuler encore davantage le jeune homme, qui construisit avec détermination son parcours d’ingénieur agronome, entamé dans l’excellence à l’École nationale supérieure de Grignon puis aux Eaux et Forêts et dans d’autres grands corps de l’État. “L’État, c’était important pour lui”, commente Ivan, qui salue “une forte personnalité, un homme de convictions”, qui ne détestait pas bousculer (scientifiquement) ses interlocuteurs, polémiquer un peu et déranger parfois, mais toujours pour faire avancer la connaissance.
Son expertise avait servi le bien commun dès 1972 quand Henri Blanc, directeur des Haras nationaux de 1962 à 1983, le détacha auprès de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA, devenu INRAE) à Nouzilly, dans l’Indre-et-Loire. Éric Palmer créa d’abord une cellule de recherche embryonnaire avec peu de moyens, avant de structurer une véritable unité scientifique de dimension internationale tournée vers la physiologie de la jument reproductrice, l’étude des cycles ovariens, leur synchronisation, etc. “Il s’est investi sans demi-mesure. Mon père n’était pas du genre à survoler ses sujets. Il était un jusqu’au-boutiste”, souligne son fils. En mars 1979, Éric Palmer réalisa la toute première écographie sur une jument. Puis, après des travaux sur l’amélioration de la fertilité des reproductrices, le scientifique concentra ses recherches sur la congélation de spermatozoïdes, en utilisant d’abord des étalons de race lourde en Bretagne. Il réalisa ensuite la première fécondation in vitro équine. Il travailla également à la mise au point de la technique d’insémination artificielle (IA). Le chapitre suivant s’ouvra avec un premier transfert d’embryon. La communauté scientifique était mobilisée sur le sujet. Éric Palmer fut à la manœuvre, exposant ses résultats aux équipes internationales, notamment américaines.
“Un parcours scientifique tourné vers la maîtrise de toutes les étapes de la reproduction”, Arnaud Évain
Éric Palmer ne fut pas qu’un théoricien, loin s’en faut.
© Collection privée
L’année 1984 marqua un tournant quand Éric Palmer, Pierre Julienne et Arnaud Évain fondèrent la société Equitechnic au haras des Cruchettes, au Ménil-Vicomte, dans l’Orne. Aujourd’hui localisée à Notre-Dame-d’Estrées, dans le Calvados, Equitechnic reste l’un des principaux opérateurs en matière de congélation, de mise en place et de commercialisation de semence d’étalons de sport, Pierre Julienne s’étant spécialisé dans les Trotteurs au haras des Cruchettes, qu’il céda en 2011. “Éric était le scientifique et la tête chercheuse d’Equitechnic”, résume ce dernier “Moi, j’étais l’entrepreneur et Arnaud, le meilleur commercial. Éric était un moteur, mon mentor, une source d’inspiration et un bourreau de travail. Il voyait juste, il voyait loin. Il a apporté bien plus que sa science, il a inspiré ma carrière et ma façon d’analyser.” Très ému par la disparition de son ami, Pierre Julienne était à son chevet le 4 novembre lorsqu’il a fermé les yeux pour la dernière fois à Sonchamp, dans les Yvelines, où il s’était replié dans un beau corps de ferme en pierre sur cinq hectares avec quelques poulinières.
L’année 2001 renvoie à la création de la société Cryozootech, fondée par Éric Palmer avec le soutien du Génopole, bioclusterd’Évry-Courcouronnes à l’activité fléchée vers le soutien aux biotechnologies. “Cryozootech était en quelque sorte un prolongement de sa démarche scientifique”, selon Ivan Palmer. “Un parcours scientifique tourné vers la maîtrise de toutes les étapes de la reproduction”, résume Arnaud Évain. Plutôt controversée, la technique du clonage ne s’est pas imposée naturellement. Le sujet a même longtemps enflammé le monde de l’élevage. En avril 2005, le journal “Le Monde” titra “Des scientifiques ont cloné un cheval”. La réplique génétique du hongre Pierraz, double champion d’endurance (1994-1996), naquit le 25 février 2001 d’une collaboration entre Cryozootech et le laboratoire italien LTR-CIZ, sis à Crémone. D’autres clones suivirent, dont E.T Cryozootech, copie du champion E.T FRH de l’Autrichien Hugo Simon, Paris-Texas, calque du Quidam de Revel d’Hervé Godignon, ou encore ceux d’Air Jordan, de la championne de dressage Poetin ou de la génialissime Ratina Z. En 2012, le haras Zangersheide, dont découle le stud-book, fut d’ailleurs le premier à lancer en compétition un clone sous l’impulsion de son iconoclaste de fondateur, Léon Melchior. “La technique du clonage est fiable”, assurait Éric Palmer.
Au sein des Haras nationaux, à l’INRAE comme dans ses entreprises Equitechnic et Cryozootech, Éric Palmer apporta une contribution significative au progrès scientifique dans le domaine de la reproduction équine. Il fut aussi un cavalier émérite en région Centre et au-delà, participant avec assiduité et combativité à de très nombreux Grand Prix à 1,30m et 1,35m avec les solides Pop II, Kif V et Léonidas. Sa cravache, quasi systématiquement emboitée dans ses bottes, lui conférait une attitude singulière qu’il aimait cultiver. Signalons également que Jean-Bernard Palmer, son frère, fut l’un des pionniers de l’étalonnage privé avec Huit de Cœur et Erioso.
Gardant en mémoire un puits de science généreux et soucieux de transmettre son savoir, GRANDPRIX adresse ses plus sincères condoléances à la famille et aux proches du défunt, ainsi qu’à toutes les personnes qui ont appris un peu, beaucoup et passionnément à son contact.
Ici en 1981 à Fontainebleau, Éric Palmer fut aussi un cavalier assidu et passionné de saut d’obstacles.
© Collection privée

