Karim Laghouag livre ses clés pour une bonne séance de stretching
Souvent perçu comme une simple mise en jambes, le stretching est bien plus que cela. Étirements, assouplissements et exercices de décontraction améliorent souplesse, coordination et récupération, tout en renforçant la relation entre le cheval et son cavalier. À la fois outil de prévention et de détente, il s’impose également comme un allié indispensable de la récupération après l’effort. Karim Laghouag, pilier de l’équipe de France de concours complet, livre ses conseils en la matière.
On appelle stretching les exercices d’étirement et d’assouplissement. Leur objectif n’est pas de muscler, mais de détendre, décontracter et assouplir les muscles afin de les préparer à l’effort ou de favoriser la récupération. Chez l’homme comme chez le cheval, leurs bienfaits sont nombreux. Au quotidien, cette activité physique permet d’allonger les fibres musculaires, et donc de diminuer les résistances passives (raideurs des tissus et articulations) et d’améliorer la coordination. Il développe souplesse et élasticité, indispensables pour accroître l’amplitude et la puissance des mouvements. Il réduit aussi les risques de blessure, car un corps détendu se protège mieux. Enfin, il équilibre les tensions, évitant les compensations qui surchargent certains muscles, et contribue ainsi à leur bonne santé.
Après un effort physique, les étirements optimisent la récupération musculaire. En effet, ils stimulent également la circulation sanguine, favorisant ainsi l’élimination de l’acide lactique accumulé et limitant les courbatures. Grâce à la libération d’endorphines, que l’on surnomme aussi les hormones du bonheur, car elles agissent comme des analgésiques naturels et induisent une sensation de bien-être, les étirements engendrent également un effet positif sur le système nerveux et aident à prévenir fatigue excessive et malaises liés à l’effort.
Chez le cheval, plus spécifiquement, le stretching pratiqué en amont permet de tendre sa ligne du dessus et d’améliorer son fonctionnement global. “Le stretching apprend à travailler dans le bon sens, c’est-à- dire dans le relâchement et la décontraction”, analyse Karim Laghouag, pilier de l’équipe de France de concours complet, à laquelle il fit notamment honneur aux Jeux olympiques de Paris 2024 en contribuant à l’obtention de l’argent collectif. “Sans cela, l’encolure se rétrécit, le dos se creuse. Un dos étiré et souple devient disponible, plus apte à se muscler et à renforcer abdominaux et arrière-main. Jean-Luc Force (entraîneur privé du complétiste depuis 2011 et sélectionneur national depuis moins d’un an, ayant succédé à Thierry Touzaint, ndlr) compare le cheval à un nageur en crawl : il va chercher loin devant, dans la fluidité et la coordination.” En fin de séance, les exercices facilitent la récupération. “Le stretching est une pratique complète: il peut constituer une séance à part entière, être utilisé lors de la détente ou entre deux exercices difficiles, ou encore rassurer un cheval nerveux en concours, car il comprend que cela lui fait du bien donc peut l’aider parfois à relâcher la pression.”
Évidemment, pour être efficaces, les exercices doivent être réalisés correctement, avec un programme équilibré (latéral et longitudinal) et dans une attitude juste: dos tendu, encolure longue, rythme lent mais sans perte d’engagement des postérieurs. “L’attitude est primordiale: on attend un cheval rond, étiré dans son encolure, sans se déséquilibrer sur les épaules”, décrit le multi-médaillé français. “L’encolure n’a pas besoin d’être forcément basse, mais allongée, pour étirer le dos.” Surtout, “stretching ne signifie pas laxisme. Il faut malgré tout obtenir une légère transpiration afin de drainer l’organisme.”
Zoom sur la récupération
“Faire une bonne séance de stretching, c’est comme devenir le kinésithérapeute de son cheval mais sur son dos!”, sourit Karim Laghouag, s’adonnant à une nouvelle métaphore. “Elle doit se dérouler dans la lenteur, mais avec dynamisme et souplesse. On doit caresser les muscles, avoir l’impression qu’ils deviennent moelleux sous la main.” Après un effort intense ou un rendez-vous sportif, la récupération doit être progressive. “Le jour J, juste après le travail, je trotte quelques minutes pour faire redescendre le rythme cardiaque, puis je marche longuement. Cette phase de trot sert de transition pour que le corps retrouve son état normal en douceur et avec fluidité; c’est aussi pour la mémoire du corps.”
Par ailleurs, l’erreur fréquente est souvent d’accorder une journée de repos complet dès le retour de concours. “Pour ma part, je ne préconise pas de journée totalement off, car un cheval a besoin de bouger et une sortie au paddock ne suffit pas. Si pause il y a, elle doit intervenir à J+2. À J+1, je conseille du stretching, et le lendemain, une balade au pas d’au moins trente minutes, en main ou en selle. Je précise que si le cheval est agité pendant le stretching, ce n’est pas forcément lié à un excès d’énergie: il peut souffrir de courbatures. Dans ce cas, on adapte et on progresse plus doucement.”
Quelques exercices pratiques
© Léa Royer/écurie Karim Laghouag
1. Sur un cercle de 20m, incurver le cheval comme s’il travaillait sur un cercle de 10m pour un étirement latéral marqué. À pratiquer surtout au pas et au trot, un peu au galop.
2. En ligne droite, sans incurvation, déplacer successivement épaules et hanches, puis effectuer un demi-tour sur les hanches. Recommencer à l’autre main, uniquement au pas.
3. Sur un grand cercle de 20m, enchaîner transitions galop-trot-galop, cinq à six cercles de chaque côté, pour améliorer équilibre et coordination.
Après l’effort, on peut également proposer une longue marche en main, un passage au marcheur ou un trotting léger avec dénivelés. “En descente, vous pouvez demander davantage d’amplitude pour que le cheval cherche son équilibre, puis mobiliser les épaules”, explique Karim Laghouag. “En montée, mettez-vous en équilibre, laissez l’encolure s’allonger, marquez des arrêts, repartez ou reculez de quelques pas. Dans les deux cas, variez régulièrement les allures.”
La longe est une autre alternative intéressante. “Encore une fois, tout dépend du cheval. S’il explose en longe, c’est contre-productif. Mais s’il possède un dos fragile ou qu’il est trop chaud sous la selle, la longe lui fera davantage de bien qu’une séance montée. En longe, je privilégie le travail en caveçon et dos nu, et travaille sur un grand cercle. Je demande beaucoup de transitions dans une attitude allongée. Les longues rênes sont formidables également pour ce type d’exercices.”
Le travail du cavalier ne s’arrête pas là!
Afin d’offrir une bonne récupération à sa monture, les soins sont tout aussi importants que le travail. Douche des membres ou du corps entier, guêtres réfrigérantes, massages, application d’argile sur les zones sensibles (tendons, jarrets, dos, croupe, cervicales, épaules), sans oublier réhydratation et alimentation adaptée (mash, par exemple), sont autant d’outils qui permettront au cheval de mieux encaisser les efforts. “Ma groom (Coraline Radigue, ndlr) est spécialisée dans les massages avec bandes élastiques (aussi appelés le taping sportif) et mes chevaux en raffolent! Ces moments renforcent également le lien avec eux.”
Bien que certains raillent souvent l’équitation en prétendant qu’il ne s’agit pas d’un sport à part entière, le cavalier est, lui aussi, bel et bien un athlète. Cela signifie qu’il doit de même s’échauffer avant une séance et récupérer après un effort. “Après un gros effort, je prends une douche chaude puis j’étire doucement chaque partie de mon corps par des mouvements longs, lents et amples. Je suis à l’écoute afin de repérer une potentielle gêne quelque part. Si je sens que cela tire à un endroit, je cesse l’effort mais reste dans mon mouvement. Avant de me mettre en selle, je procède systématiquement à une mini séance de trois minutes de préparation physique; je sautille pour activer le cardio et élever légèrement ma température corporelle, puis j’effectue un réveil musculaire en répétant des rotations et des mouvements latéraux. Cela me permet d’être plus stable à cheval et de mieux gérer mes déséquilibres. Cette attention portée à soi-même se reflète dans la relation avec l’animal: s’écouter pour mieux l’écouter.”
Le champion conclut: “Quelles que soient nos intentions, rien ne remplace le bon sens et l’observation. Nous travaillons avec du vivant: il faut savoir s’adapter. Ce qui paraît idéal sur le papier ne l’est pas toujours en pratique. Chaque jour, à tout niveau, nous avons une responsabilité envers notre cheval: il devient ce que nous faisons de lui.” En privilégiant harmonie et justesse plutôt que l’obsession du résultat, on permet à l’équidé de donner le meilleur de lui-même, dans la durée. Comme le dit l’adage: “Qui veut aller loin ménage sa monture.” Et le stretching post-compétition fait pleinement partie de ce ménagement.

