“Avec Rodolphe Scherer, nous recherchons la qualité avant la quantité”, Mathieu Lemoine

Depuis le mois de mai, Mathieu Lemoine est installé au haras des Presnes d’Aude et Rodolphe Scherer, en Vendée. Montant quelques jeunes chevaux, le champion olympique par équipes de 2016 y seconde surtout le propriétaire des lieux dans son activité d’entraîneur de l’équipe nationale qatarienne de concours complet. Il explique comment est née cette collaboration et en dit plus sur le collectif qatarien et ses objectifs, non sans évoquer également ses ambitions sportives personnelles. 



Mathieu Lemoine est ici en selle sur Kador Vendéen, en qui il fonde de grands espoirs

Mathieu Lemoine est ici en selle sur Kador Vendéen, en qui il fonde de grands espoirs

© Collection privée

En mai dernier, vous avez rejoint le haras des Presnes d’Aude et Rodolphe Scherer. Comment est née cette collaboration?

Je suis arrivé au haras des Presnes le 1er mai dernier pour devenir en quelque sorte l’adjoint de Rodolphe. En effet, en plus de sa fonction de coach de cross de l’équipe d’Allemagne de complet, il exerce désormais celle d’entraîneur national de l’équipe nationale de concours complet qatarienne, dont les membres sont installés au haras. Lorsqu’il est en déplacement, je prends donc le relais au près d’eux. Avant d’intégrer la structure des Scherer, j’avais acheté une propriété près du Mans avec Gwenaëlle Le Breton, qui me soutenait en me confiant des chevaux depuis près de quinze ans. Malheureusement, cette nouvelle forme de collaboration n’a pas fonctionné, et j’ai quitté cette écurie en 2024. Pendant un temps, je n’avais plus d’outil de travail, donc j’ai dû rendre la plupart des chevaux que j’avais sous ma selle, alors que mon piquet était très intéressant. J’ai donné des cours, travaillé avec des chevaux de course chez Armand Lefeuvre, animé des stages et monté à droite à gauche quand l’occasion se présentait, avant de saisir cette opportunité chez Rodolphe.

Comment se compose actuellement l’équipe du Qatar et quels sont ses objectifs?

L’équipe est constituée de quatre cavaliers présents au haras, où ils disposent d’une dizaine de chevaux, auxquels viennent de s’ajouter quatre nouvelles recrues. L’idée est que chacun ait au moins trois montures, dont une de bon niveau. Il ne s’agit pas forcément de cracks, mais certains de leurs chevaux de tête ont déjà concouru en CCI 3*, voire en 4*. Les championnats asiatiques, programmés début décembre, sont leur prochain grand rendez-vous. Les tests hippique et de dressage y seront de niveau 3*, tandis qu’ils affronteront un cross 2*. Pour y participer, il faut donc obtenir des minimas d’éligibilité en CCI 2*-L. À un peu plus long terme, nous travaillons en vue des Jeux asiatiques de 2026, qui auront lieu au Japon, mais aussi et surtout avec la perspective des Jeux asiatiques de Doha, en 2030. Le Qatar est aussi candidat à l’organisation des Jeux olympiques d’été 2036, ce qui insuffle un élan considérable à toute l’équipe. Aux côtés de Rodolphe, nous travaillons à construire un vrai projet collectif sur la durée



Ici au premier plan, Mathieu Lemoine entraîne les Qatariens aux côtés de Rodolphe Scherer

Ici au premier plan, Mathieu Lemoine entraîne les Qatariens aux côtés de Rodolphe Scherer

© Collection privée

À quoi ressemble votre quotidien au haras des Presnes?

Comme je l’expliquais, une bonne partie de mon temps est consacrée à entraîner les cavaliers qatariens. Cela représente un vrai défi, d’autant que tout se fait en anglais, mais j’aime cette dimension pédagogique: expliquer les choses oblige à mieux les comprendre soi-même. En outre, ils progressent vite: après deux concours, ils ont pu prendre part à des épreuves 1*, et après trois ou quatre, ils ont atteint les 2*. C’est très motivant, car cela nous montre que notre système semble leur donner une belle dynamique. De mon côté, je monte aussi leurs chevaux pour les faire évoluer. Ils sont bons, mais encore en formation, donc il s’agit de trouver les bons réglages pour pouvoir transmettre les clés techniques. 

J’entraîne aussi deux jeunes chevaux nés de la championne de Rodolphe, Makara de Montiège (SF, Be Bop III x Hospodar, qui a accompagné le cavalier aux JEM de Normandie en 2014 notamment, ndlr): Miss Mak des Presnes une fille de Diarado âgée de trois ans et possédant un look remarquable, ainsi que Kador Vendéen, un fils de Contendro de cinq ans que j’adore. Il a tout pour lui: de l’énergie, du caractère, les trois tests dans le sang et un vrai potentiel pour le haut niveau. Beaucoup d’observateurs partagent ce sentiment. Rodolphe me pousse et continue à me faire progresser, tout en me laissant une liberté dans mon travail. Il fait intervenir des spécialistes pour les Qatariens et j’en profite aussi. Franchement, aujourd’hui, j’ai tout ce que je souhaite: du temps, de bons chevaux, une superbe structure et un environnement motivant. Nous avons trouvé un bon équilibre.

Nourrissez-vous des objectifs sportifs à plus ou moins long terme?

Ma collaboration avec les Scherer avance pas à pas. J’ai retrouvé ma place avec les jeunes chevaux, pris mes marques auprès des cavaliers qataris, et je peux donc maintenant viser plus haut sportivement. Je manque encore de chevaux pour revenir à haut niveau, même si je pense déjà au Mondial du Lion avec Kador. Avec Rodolphe, nous recherchons la qualité avant la quantité. Je crois profondément en la nécessité de travailler sur la durée pour bâtir une vraie relation avec un cheval. Si des propriétaires partageant notre vision souhaitent nous confier des chevaux déjà plus aguerris, je suis évidemment ouvert. Ce serait un bon moyen pour moi de revenir plus vite à haut niveau. D’ailleurs, ce serait bénéfique pour tout le monde: pour moi, pour Rodolphe, qui est très motivé à l’idée de me voir reprendre le chemin des grosses épreuves, pour les Qatariens, et pour la dynamique générale du haras.



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