Les champions olympiques Valegro et Uthopia se sont envolés au firmament

Carl Hester a annoncé sur les réseaux sociaux la mort de Valegro et Uthopia, deux des chevaux ayant le plus marqué le dressage mondial. Sacré triple champion olympique sous la selle de Charlotte Dujardin et toujours détenteur des records du monde du Grand Prix, du Spécial et de la Libre, le premier était âgé de vingt-trois ans. Quant à Uthopia, il avait lui aussi aidé la Grande-Bretagne à conquérir l’or olympique par équipes à Londres après avoir déjà contribué à son titre européen l’année précédente à Rotterdam en compagnie de Carl Hester. Il était âgé de vingt-quatre ans. 



Découvrez la lettre de Charlotte Dujardin à Valegro

Les légendes ne meurent jamais. Pourtant, Valegro a bien quitté ce monde, a annoncé Carl Hester ce 1er décembre, expliquant qu’un autre grand champion, Uthopia, s’en était allé en même temps que son compagnon d’écurie. “Tenter d’écrire un hommage à ces deux chevaux s’avère plus difficile que je ne l’imaginais”, a déclaré le Britannique. “Je suis là, à rassembler mon courage pour écrire ce texte tout en sachant que je n’aurai jamais les mots, en sachant qu’ils ne seront jamais suffisants”, a quant à elle admis Charlotte Dujardin, que Valegro avait porté au firmament du dressage en lui offrant trois titres olympiques. Pour cause, saluer la mémoire d’un cheval aussi mythique que Valegro n’est pas chose aisée. Bien sûr, les chiffres seuls ne peuvent rendre compte de l’influence qu’a exercée l’expressif KWPN. Pour autant, ils permettent d’appréhender au moins un peu ce qui a forgé sa légende. En six saisons au plus haut niveau, le fils de Negro a permis à sa cavalière de décrocher quatorze médailles en grands championnats, dont dix en or. Il reste évidemment le détenteur des records du monde du Grand Prix, du Spécial et de la Libre, qu’il a portés à des hauteurs stratosphériques en atteignant 87,46%, 88,022% et 94,3%.



Un premier sursaut de génie en avril 2012

Le premier et le troisième de ces records, Charlotte Dujardin et Valegro les ont établis en leur jardin, à l’Olympia de Londres, les 16 et 17 décembre 2014. Sans doute la Libre présentée ce deuxième jour - et qui leur avait permis de d’améliorer un record du monde qu’ils détenaient déjà! - reste-t-elle l’une de leurs reprises les plus célèbres. Pour autant, c’est bien en allant chercher le record mondial du Spécial que le couple britannique avait réalisé son premier grand coup d’éclat, le 29 avril 2012. À Hagen, ils avaient tout bonnement subjugué le public et les juges pour dépasser leur record personnel sur ce texte, considéré par beaucoup - notamment en Allemagne - comme le plus difficile au monde, de plus de dix points! D’ailleurs, cette barre-là semble bien partie pour être la plus difficile à dépasser parmi celles que le couple a placé immensément haut

L’année précédant ce premier sursaut de génie, Charlotte Dujardin et son puissant petit-fils de Gershwin avaient tout de même déjà été sacrés champions d’Europe par équipes à Rotterdam, où ils s’étaient même classés quatrièmes du Grand Prix, puis sixièmes du Spécial et neuvièmes de la Libre. Cette échéance continentale avait permis à l’ancienne soigneuse des écuries de Carl Hester de se placer sur l’échiquier du dressage mondial. Un an plus tard, elle faisait la Une de toute la presse britannique en devenant double championne olympique chez elle, à Londres. Si “la fille sur le cheval qui danse”, comme elle avait alors été surnommée, a séduit le public, c’est grâce à la qualité de ses reprises, peut-être, à son histoire de jeune soigneuse propulsée au sommet grâce à son mentor, bien sûr, à la complicité qu’elle semblait dégager avec son cheval, surtout, mais aussi à un ingrédient qu’elle a toujours cultivé avec soin: une bande-son parfaitement adaptée à son partenaire et au moment.



Une bande-son pour l’éternité

Dans le parc pluricentenaire de Greenwich, elle avait opté pour des morceaux des bandes originales de La bataille de Midway et La grande évasion, composées par John Williams et Elmer Bernstein, un titre créé par Paul McCartney pour le James Bond Vivre et laisser mourir, mais aussi Summon the heroes, imaginé par John Williams pour les JO d’Atlanta 1996, et le so british “Land of Hope and Glory”, tel qu’est souvent appelé le premier mouvement du Pump and Circumstances de Sir Edward Elgar. Sans oublier la cloche de Big Ben pour accompagner les pirouettes de Valegro. Après avoir été sacrée double championne d’Europe à Herning en 2013, Charlotte Dujardin a misé, les deux saisons suivantes, sur une autre bande originale qui restera, à n’en pas douter, dans les annales du dressage: celle du film Dragons 2, dont les accents épiques soulignaient avec justesse la puissance de Valegro. 

Ces musiques ont permis au couple de décrocher son record du monde, bien sûr, mais aussi deux finales de la Coupe du monde, à Lyon en 2014 (leur reprise est à revoir ci-dessous) et Las Vegas en 2015, un titre de champion du monde à Caen - où le duo s’était aussi emparé de l’or dans le Spécial et de l’argent par équipes - et un de champion d’Europe à Aix-la-Chapelle - là encore doublé d’un second titre individuel et d’argent par équipes. L’histoire se rappellera sans doute que le tout dernier titre européen du fils de Negro avait fait débat, puisqu’ayant commis des fautes, il n’avait Desperados, le complice de Kristina Bröring-Sprehe que sur le fil. Qu’importe. L’année suivante, Valegro a retrouvé son meilleur niveau aux JO de Rio pour y conclure sa carrière en apothéose sur des notes de samba. Extrêmement préservé, “Blueberry”, comme il était surnommé aux écuries, avait dit adieu à son public quelques mois plus tard lors d’une émouvante cérémonie tenue dans le cadre du concours international de Londres, sur la piste où il avait établi son record du monde en 2014. Depuis, il profitait de sa retraite dans les prés de Carl Hester, aux côtés notamment d’un certain Uthopia. 



Uthopia, un petit parmi les grands

“Toutes leurs vies, ils ont évolué en parallèle: ils se rendaient aux concours côte à côte, vivaient dans des boxes voisins, broutaient dans les mêmes champs et ont passé leur retraite ensemble”, a déclaré Carl Hester ce soir. “Leur lien et leur complicité étaient absolus. À mesure qu’ils sont devenus des garçons de plus en plus vieux, leurs problèmes de santé se sont accumulés. Leur permettre de quitter ce monde ensemble était le dernier geste de loyauté et de dignité que je pouvais leur offrir, en l’honneur de leur relation, qui n’avait jamais été brisée de leur vivant”, alors même que plusieurs menaces de vente auraient pu y mettre un terme. S’il n’a pas acquis le statut légendaire de son voisin de box, Uthopia n’en a pas moins écrit certaines des plus belles pages du dressage mondial. 

Ayant franchi la barre des 80% en compétition internationale pour la première fois lors du Grand Spécial du CDI 4* autrichien de Fritzens, en juin 2011, il avait permis à Carl Hester de briller quelques semaines plus tard lors des championnats d’Europe de Rotterdam. Là, le couple avait signé un Grand Prix et un Spécial d’anthologie, même si le jury ne lui avait attribué que la deuxième place dans la seconde épreuve. Il s’était octroyé une seconde médaille d’argent individuelle dans la Libre, après s’être paré d’or collectif. À Londres, l’année suivante, la paire avait largement contribué au titre olympique de la Grande-Bretagne en signant le troisième meilleur Spécial de l’événement, avant de prendre la cinquième place de la finale individuelle. Monté par Charlotte Dujardin début 2013, le petit étalon noir avait retrouvé Carl Hester pour les Européens de Herning, qu’il avait achevés avec l’argent par équipes et deux sixièmes places individuelles. Après cela, il avait encore pris part à quelques concours internationaux avec la triple championne olympique, concluant sa carrière en CDI à Amsterdam, en janvier 2016. 



“Je les aimerai à jamais et ils me manqueront pour toujours”, Carl Hester

“Dormez bien, Blueberry et Uti (comme était appelé Uthopia, ndlr)”, a écrit Carl Hester. “Vous étiez deux des meilleurs chevaux de notre génération. C’est avec une immense tristesse que nous avons dit au revoir à Valegro et Uthopia. Sans aucun doute, cette perte est difficile à appréhender. [...] L’écurie n’a tout simplement plus la même atmosphère sans eux, il flotte comme un vide dans l’air. Valegro et Uthopia ont fait bien plus que remporter des médailles et écrire l’histoire: ils ont offert un âge d’or à notre sport. Ils ont tous deux démontré que l’on peut réussir de grandes choses en mettant toujours à l’honneur la douceur, la sensibilité et l’harmonie. Ils ont rendu une nation fière et inspiré bien des personnes. Avoir contribué à leur parcours restera à jamais l’une de mes plus grandes fiertés. Toute notre équipe et moi-même éprouvons une profonde gratitude envers eux pour la joie qu’ils nous ont procurée à la maison, et aussi pour celle qu’ils ont donnée à leurs fans. [...] Ils laissent un vide immense. L’écurie a changé à jamais, et nous aussi. Ils constituaient notre famille; je les aimerai à jamais et ils me manqueront pour toujours. L’influence qu’ils ont exercée restera mais, malheureusement, on ne peut garder les chevaux pour toujours. On ne peut emporter que l’empreinte qu’ils laissent en nous, et Dieu sait que celle de ces deux chevaux est marquante.”





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