Retour sur le congrès fédéral consacré à l’équitation pour adultes (2/2)

Au sein de la Fédération française d’équitation, 43% des licenciés sont des adultes. Ce chiffre, en augmentation depuis 2012, prouve que les adultes représentent une cible majeure pour la Fédération, dans un contexte de baisse notamment des primo-licenciés. En phase avec les enjeux actuels, la FFE a ainsi proposé un congrès fédéral dédié à ce public les 27 et 28 novembre. Deux cents personnes se sont réunies à Lamotte-Beuvron afin d’échanger sur diverses thématiques comme la pédagogie, la gestion de la cavalerie, ou encore le développement d’offres ciblées et la fidélisation.





Développer des approches innovantes

Le très médiatique Nicolas Canteloup, instructeur diplômé d’État et cavalier de concours complet, a présenté son projet d’école d’équitation “La pointe aux chevaux”, dédiée aux adultes débutants. En préambule, il a rappelé que rares sont les activités comme l’équitation, où l’on peut débuter et progresser tard. Par ailleurs, c’est un sport vertueux et le cheval présente de nombreux bienfaits; les prescriptions médicales sont possibles alors qu’un Français sur deux se plaint de mal de dos, tandis que le cheval offre une bulle pour la santé mentale tandis qu’un Français sur six présente des symptômes dépressifs ou traverse une dépression. Il a insisté sur le fait de donner une accessibilité au rêve, avec un objectif atteignable. Il fait le pari qu’avec une promesse ambitieuse et respectée, il est possible de proposer des prestations économiquement très intéressantes pour la structurer.

Cinq exemples d’offres pensées pour le public adulte ont ensuite été présentées, suivis d’un échange de questions/réponses avec les participants. Angélique Bralet, dirigeante de l’écurie de la Bourrelière (Sarthe), enseignante et BFEEH, s’est orientée sur un créneau bien-être, se formant sur une pratique autour des bols tibétains et la fasciathérapie. Anna Geist, dirigeante de Horse Holidays France (Yvelines), s’est fondée sur les tendances sociétales de recherche d’authenticité et de slow tourisme avec le cheval comme réponse idéale. Elle a développé son activité aux portes de Paris, avec comme crédo une ambiance sportive, chic et bienveillante. Elle mise notamment sur l’accessibilité, des ventes en ligne, de la communication sur les réseaux sociaux, une équipe multilingue, etc. L’une de ses forces est une cible internationale, avec une cavalerie et pédagogie adaptée. Forte de son expérience professionnelle en France et aux États-Unis, Olivia Kopp, enseignante d’équitation western à Terres Alezanes (Loire-Atlantique), a développé une écurie active. Dans une région où le western n’existait pas, pour se créer une clientèle, il lui a fallu séduire, vendre une expérience de qualité avec des chevaux bien dans leur tête, dressés, ainsi qu’une équipe pédagogique de qualité. Ses offres de découverte, à la journée (treize journées complètes en 2025), ou sur plusieurs jours, rencontrent un vrai succès. Lucile Chivot, dirigeante de la Ferme équestre du Causse (Aude), vend via des agences de voyages étrangères des randonnées itinérantes de cinq jours en autonomie, totalement flexibles en termes de dates. Un jour de test est prévu puis un roadbook accompagne les participants avec toutes les indications. Parmi les facteurs de réussite, elle cite la parfaite connaissance des itinéraires, sa relation de confiance avec les hébergeurs, une cavalerie sécurisante, l’utilisation de matériel spécifique de qualité, le fait d’avoir un guide disponible si besoin le jour test, et une personne disponible ainsi qu’un van en cas de besoin lorsqu’un groupe est en randonnée. Enfin, Valérie Dalodier, présidente du Comité national de tourisme équestre (CNTE), dirigeante de l’écurie Val Deux Cœurs (Vendée), a pensé une offre pour adultes, avec des formules personnalisées. Elle a fait le choix de ne pas programmer de cours réguliers le samedi, pour proposer des stages thématiques le week-end. Ainsi, elle accueille notamment des cavaliers extérieurs avec leurs chevaux, qui se déplacent pour son expertise. Elle met en avant le bien-être équin et humain, avec une stratégie marketing dédiée. Lors du temps d’échange et de questions/réponses avec le public, l’accent a été mis sur l’importance de la qualité marketing et de soigner sa communication, avec par exemple l’utilisation de photos prises par des photographes professionnels. Développer un projet en fonction de son territoire a également été mis en avant par les intervenants.

Camille Eslan, Ingénieure de formation en Mastère Spécialisé de la filière équine (MESB), a fait un zoom sur les cavaliers hors structure en présentant les résultats d’une étude. Sont considérés comme hors structure les cavaliers, propriétaires ou gardiens d’équidés gérant ces derniers indépendamment de toute structure professionnelle. On estime que cela concerne 200.000 usagers et 400.000 équidés, soit environ 40% du cheptel national. L’étude analyse les raisons d’insatisfaction, les besoins de cette population, les ressources dont elle dispose ou encore son type d’organisation. Camille Eslan a rappelé que les cavaliers hors structure ne sont pas hors système: ils recherchent de la souplesse, du lien, de la reconnaissance, etc. Et ils allouent un budget mensuel pour l’accès à des services dont ils ne disposent pas au quotidien. Elle a conclu sa présentation par une prospective pour 2030.



Attirer et fidéliser les cavaliers adultes: du marketing à la pédagogie

Pour traiter les enjeux de l’accueil et de la digitalisation pour attirer les adultes, Zoé Glévar, responsable communication de la FFE, a débuté son intervention par la présentation de quelques chiffres clés tirés de l’étude FFE Kantar de 2025. Ces derniers mettent en avant le rôle central du centre équestre, premier point de contact et première source d’information pour les potentiels clients avec le site internet. Elle a ainsi mis en lumière l’enjeu de l’accueil du public ainsi que la nécessité d’ouvrir les portes des établissements équestres, tout en soignant leur vitrine digitale. Elle a également rappelé le besoin de flexibilité de cette cible, ainsi que sa volonté de se retrouver entre adultes, transition toute trouvée pour Florian Moschkowitz, dirigeant de Nancy Équitation, en Meurthe-et-Moselle, qui a présenté son parcours clients adultes, modulaire et lisible. Il a témoigné de la mise en place de cartes d’essai, ainsi que d’une carte annuelle de quarante-sept heures. Celle-ci est flexible pour le client, qui s’inscrit via une plateforme en ligne aux cours qui l’intéressent jusqu’à la veille, sur le modèle des clubs de CrossFit, par exemple, avec un paiement mensualisé assurant la stabilité financière du club. Il a souligné la nécessité d’aller vers la digitalisation, facilitante pour le client et pour le dirigeant avec l’obligation de la facturation électronique à venir. Enfin, il a mis en avant l’importance de développer une offre en phase avec l’ADN du club et les attentes du public, illustrant avec la mise en place dans son club de cours particuliers pour adultes en situation de handicap.

Le congrès s’est achevé par un échange entre Nicolas Sanson, expert fédéral et spécialiste de la pédagogie, et Hélène Bourgoin, enseignante, experte fédérale en pédagogie et formatrice AE/BP JEPS sur la fidélisation du cavalier adulte: quel projet pédagogique proposer? Pour Hélène Bourgoin, il faut se poser la question du souvenir que l’on souhaite laisser à ses cavaliers. En tant que chef d’orchestre, l’enseignant doit avoir envie d’être là. Elle a, par ailleurs, noté que les adultes craignent de mal faire: il faut ainsi les rassurer et les guider, sans négliger l’importance du retour parce que les adultes ont besoin de comprendre comment et pourquoi faire les choses. De son côté, Nicolas Sanson a évoqué le matériel facilitant la verticalité comme les selles creuses, qui sont un atout auprès de ce public lorsqu’il débute. Pour lui, “il faut fidéliser les parents d’enfants, oser être créatif et diversifier ses activités tout en gardant le cheval en tête. Il est important de créer du lien, un adulte a besoin de reconnaissance et d’un sentiment d’appartenance.”



Des ateliers de mise en pratique

Le jeudi après-midi, les participants ont pris part à trois ateliers pratiques. Le premier avait pour thème: “Cavaliers types, offres uniques: votre mission marketing”. Guidé par des persona (personnage semi fictif qui représente un client de manière générique) et accompagné par Mathias Hébert et Julien Pelletier, chaque groupe a construit une offre correspondante en définissant un concept, une promesse, des modalités logistiques et tarifaires. L’analyse des opportunités et des freins a permis de proposer des offres attractives et originales répondant aux motivations des futurs cavaliers. Les trois offres phares ont été présentées le vendredi matin: “L’Évasion équestre” pour Vanessa, cinquante-cinq ans, qui souhaite ne pratiquer qu’avec des adultes, “Chambord au fil des quatre saisons” pour Olivier, quarante-cinq ans, qui souhaite trouver une activité de loisir à partager avec sa femme cavalière, et la “P’Happy Rando” pour Bernard, soixante et un ans, qui se remet à cheval et à qui l’on propose une randonnée intergénérationnelle avec son petit-fils. Lors de l’atelier 2, il s’agissait de “Développer le mountain trail dans son club, une discipline attractive, accessible et facile à mettre en place”. Le centre équestre voisin du Vieux Château a mis à disposition neuf chevaux non initiés au mountain trail, ce qui a permis de montrer aux congressistes comment aborder la discipline, en compagnie d’Olivia Kopp, enseignante à Terres Alezanes. Cette activité, se pratiquant aussi bien à pied qu’à cheval, présente ainsi de nombreux avantages pour un cavalier adulte. “Équilibre et méthode Alexander, des exercices concrets pour vos cavaliers adultes” était le thème de l’atelier 3. Véronique Bartin et Hélène Bourgoin, ont transmis les clés du travail de la posture et de l’équilibre du cavalier adulte, avec des mises en mouvement via des exercices concrets.



Des actions à venir autour de l’accueil du public

Comme l’a souligné Frédéric Bouix en clôture de ce congrès fédéral dédié aux cavaliers adultes, “il y a certaines interventions qui bousculent un peu parce que ce ne sont pas forcément les choses que l’on a l’habitude d’entendre. Il n’y a pas de recette magique. Le message, ce n’est pas forcément de vouloir tout mettre en œuvre, mais de prendre une idée, une action et de voir comment vous pouvez la faire prospérer, puis d’en prendre une deuxième, et ainsi de suite. Une chose est sûre, il faut que cela vous ressemble. La Fédération est là pour vous donner des outils, pour vous ouvrir le champ des possibles, et vous accompagner avec le relais des comités régionaux et départementaux. Le sujet de la formation est central, pour les enseignants, mais également pour les dirigeants. L’un des axes de notre projet fédéral 2025-2028 est de mettre l’accent là-dessus. Par ailleurs, dans quelques semaines, nous serons en mesure de vous proposer une action de grande envergure pour vous accompagner à renforcer l’accueil des personnes qui poussent pour la première fois des portes de nos poney-clubs et centres équestres.”

Toutes les interventions et tables rondes sont disponibles sur la chaîne YouTube de la FFE