Kraque Boom, le glorieux champion d’Europe de Kevin Staut, s’est éteint
Kraque Boom est mort avant-hier à l’âge de vingt-sept ans alors qu’il coulait une douce retraite dans un pré de Kevin Staut, à Pennedepie, dans le Calvados. Premier cheval marquant de la carrière du Normand, le bien nommé Selle Français lui avait permis de devenir champion d’Europe, son plus grand titre individuel, en 2009 à Windsor.
Kraque Boom en 2021 à Pennedepie.
© Colletion privée
En 2009 à Windsor, dans les jardins du château de la reine Élisabeth, Kevin Staut était devenu le quatrième cavalier français à conquérir le titre de champion d’Europe après Pierre Durand, en 1987 à Saint-Gall avec Jappeloup, Éric Navet, en 1991 à La Baule avec Quito de Baussy, et Alexandra Ledermann, en 1999 à Hickstead avec Rochet Rouge M, et avant Roger-Yves Bost, en 2013 à Herning avec Myrtille Paulois. Un sacre mérité pour le Français et son fidèle Kraque Boom. Avant-hier, seize ans et quelques mois plus tard, le bai s’est éteint à Pennedepie, dans le Calvados, où le Normand est établi depuis six ans dans une propriété familiale. “Il y a un mois encore, il était en pleine forme et galopait gaiement dans son pré. Son état de santé s’est dégradé rapidement”, a confié Kevin Staut ce midi à Genève. “Il s’est mis à tomber et il avait toujours plus de mal à se relever. Plus les jours passaient, plus nous sentions qu’il souffrait. Avant-hier, après l’avoir veillé toute la nuit, j’ai pris la décision d’abréger ses souffrances. Ce fut dur, mais c’était la meilleure décision pour lui.”
Étalon Selle Français d’1,66 m, fils d’Olisco et de Baby Boom IV par Joyau d’Or A, Kraque Boom était né en 1998 chez Henriette Évain, dans le Calvados. Formé par Bruce Dewar à quatre ans, puis Nicolas Garrigues à cinq ans, il avait été valorisé par Frédéric David à six et sept ans. Kevin Staut l’avait rencontré au printemps 2005 lorsqu’il travaillait chez Pierre Baldeck, réputé marchand de chevaux installé en Alsace. Après des début timides, le jeune couple avait vite trouvé ses marques, épaulé notamment par Thierry Pomel, vice-champion du monde en 1998. Après quelque temps chez Rüdi Stussi, entre Zürich et Lucerne, en Suisse, Kevin Staut s’était associé avec Xavier Marie et le Haras de Hus, au Petit-Mars, près de Nantes, ce qui a véritablement fait décoller sa carrière.
Quatrièmes d’un Grand Prix de niveau 2* à Vinovo en 2006, Kevin Staut et Kraque Boom s’étaient imposés dans l’épreuve reine d’un CSI 3* dès l’année suivante à Arezzo. Cette performance lui avait ouvert les portes de l’équipe de France, avec à la clé de premières Coupes de nations de niveau 5* à La Baule et Barcelone, une dixième place dans le plus prestigieux de tous les Grands Prix, au CSIO 5* d’Aix-la-Chapelle, et une sélection aux championnats d’Europe de Mannheim, où la France avait échoué à se qualifier pour les Jeux olympiques de 2008. En 2008, justement, Kevin Staut et Kraque Boom s’étaient classés dans pas moins de vingt épreuves, dont le Grand Prix de France à La Baule, achevé à la sixième place.
De fabuleuses années 2009 et 2010
L’année 2009 fut la plus belle de toutes avec vingt-quatre classements, des victoires dans les Coupes des nations de Lummen, Rotterdam et Aix-la-Chapelle et surtout ce titre de champion d’Europe obtenu dans les jardins de la regrettée reine Élisabeth II, à Windsor. Pourtant, ces Européens n’auraient pas pu commencer plus mal. Le 25 août, devant l’obstacle 2 de l’épreuve de familiarisation, un vertical insignifiant, Kraque Boom s’était brusquement arrêté, comme le raconte Pascal Boutreau dans le quatrième épisode de Légendes cavalières, le podcast de GRANDPRIX. Une volte pour mieux repartir, quelques foulées d’élan et… Kraque Boom avait de nouveau pilé. Une deuxième, puis une troisième et une quatrième fois. Le cavalier avait insisté pour terminer son parcours, mais il avait pris tout le créneau imparti à l’équipe de France. Après une longue discussion avec Pénélope Leprevost et Henk Nooren, précédant une nuit d’angoisse, tout était rentré dans l’ordre le lendemain lors de la Chasse, malgré la crispation du bai.“Le championnat peut commencer”, avait lâché Kevin Staut en sortie de piste. Lors de l’épreuve par équipes, le couple avait concédé huit points, avant de réussir le seul sans-faute français et de se qualifier pour la finale individuelle.
Sixième à cinq points de l’Italien Chiaudani, en tête sur la géniale Seldana di Campalto, devant le Britannique Ben Maher sur Robin Hood et le Néerlandais Albert Zoer sur Oki Doki, Kevin Staut pointait en embuscade. Kraque Boom lui avait alors offert un double sans-faute d’anthologie. Dernier à s’élancer en finale individuelle, Albert Zoer avait finalement craqué, laissant Kevin Staut se parer d’or et écrire l’une des plus belles pages de l’histoire de l’équitation française, à seulement vingt-huit ans.
En 2010, Kraque Boom avait laissé à la fabuleuse Silvana le soin de représenter la France aux Jeux équestres mondiaux de Lexington, mais il n’en avait pas moins gagné les Coupes des nations de La Baule et Saint-Gall et terminé deuxième du Grand Prix d’Irlande à Dublin, quatrième du Grand Prix Hermès au Grand Palais ou encore cinquième de l’épreuve reine du CSIO 5* d’Aix-la-Chapelle. Les trois saisons suivantes s’étaient avérées plus modestes et Kevin Staut avait finalement décidé de lui offrir une retraite bien méritée. Depuis, le bai était toujours resté près de lui, coulant une retraite des plus heureuses à Pennedepie. “À la fin de sa carrière, il m’avait clairement fait comprendre qu’il avait consenti assez d’efforts et qu’il ne sauterait pas jusqu’à vingt ans. Même dans son champ, il s’économise. Fainéant comme il est, il devrait vivre très, très vieux”, espérait le cavalier en souriant à Pascal Boutreau, en conclusion du même épisode de Légendes cavalières, début 2021. “Ma grand-mère et moi le voyons tous les jours, et toute l’équipe à la maison prend bien soin de lui.” Avant-hier, c’est donc un membre de la famille Staut qui s’en est allé.
Crédité d’un ISO 188 en 2009, Kraque Boom laisse derrière lui quarante-sept produits enregistrés dans la base de données de l’Institut français du cheval et de l’équitation. À ce jour, le meilleur est le Royal van Berimar (BWP, mère par Kannan), indicé 127 à cinq ans, en 2022.
Kraque Boom et Kevin Staut aux championnats d’Europe de Windsor.
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