Avec Cendrine Dutrait, l’Anglo-Arabie perd l’une de ses plus ardentes flammes

“C’est avec beaucoup de tristesse que je viens d’apprendre le départ de Cendrine Dutrait après de nombreux mois à lutter contre cette terrible maladie. Elle était à la tête d’un des plus prestigieux élevages d’Anglo-Arabes depuis plus de trente ans en Corrèze. Les ‘de Buissy’ sont orphelins”, s’est exprimé ce matin Aurélien Lafargue, président du syndicat d’étalonnage Génétiqu’Anglo sur les réseaux sociaux. “Je garderai le souvenir d’une personne simple mais pas ordinaire, avec qui j’avais une passion commune: la race Anglo-Arabe. Nous avons mené de nombreux combats ensemble: le rachat de Nathan de la Tour, la création de Genetiqu’Anglo, l’accueil des délégations étrangères lors de l’Anglo-Tour, etc. Vous avez assuré une retraite extraordinaire à l’étalon Fusain du Defey. Avec votre départ prématuré, ma chère Cendrine, une page de l’Anglo-Arabie se tourne, mais vous laissez un patrimoine génétique de haute qualité, une sélection rigoureuse depuis plus de trente ans… Les ‘de Buissy’ porteront haut et fort vos couleurs et continueront à vous faire vivre dans nos cœurs. J’adresse mes plus sincères condoléances à Marine ainsi qu’à l’ensemble de votre famille et de vos proches.” Emportée hier par une maladie face à laquelle elle a courageusement lutté, Cendrine Dutrait s’est éteinte à seulement soixante-trois ans.

L’élevage de Buissy était né de l’union de deux fortes personnalités: Cendrine Dutrait et Jean-Bernard Anizan, ancien inséminateur et spécialiste des transferts d’embryons au sein des Haras Nationaux, notamment à Pompadour. “Buissy est le nom d’un village du Pas-de-Calais dont est originaire mon arrière-grand-père maternel, le colonel de Buissy, le seul de la famille qui aimait les chevaux. C’est donc en son honneur que j’ai baptisé mon élevage ainsi”, racontait Cendrine dans un article paru début 2013 dans le magazine GRANDPRIX, qui lui avait rendu visite à Lubersac, en Corrèze. Née en Algérie d’un père militaire, elle avait grandi près du Haras National de Saintes. Elle avait appris à monter sur des Anglo-Arabes, concourant en complet et en saut d’obstacles jusqu’à 1,35m. Elle y avait connu les heures de gloire de ces chevaux pleins de sang, aux côtés de Jean-Michel Garnier ou Jean de Laurière, qui l’influença profondément.

À cette époque, Cendrine Dutrait avait côtoyé Arlequin, Unicol’Or et d’autres chefs de race AA. Pour faire naître son premier poulain, la jeune femme s’était mise en quête d’une excellente poulinière et avait misé sur Truffe d’Olympe (Samuel et Quiche d’Olympe par Pan­cho II), rapidement rejointe par Banuela du Ruère (Gaverdi et Moon Kiss par Vicomte Grandieux, descendant de Javotte D). Jean-Bernard Anizan posa à Lubersac des valises bien remplies: Jacinthe du Maury (Fol Avril et Jasione par Samuel), sœur utérine de Quercus du Maury, dont sont issus les étalons Fusain du Defey et Nid d’Amour de Buissy, ou encore O Vive (Samuel x Unicol’Or), mère du regretté crack étalon Upsilon et grand-mère de Napoléon (SF, Grandorado), champion des deux ans Selle Français fraîchement sacré cet après-midi à Saint-Lô.

D’Olala à Kaspian en passant par Too Much, Looping, Quotkijet, Shamdala et Poèmedamour

Les courants de sang les plus prestigieux du stud-book AA avaient rejoint ce sanctuaire de passionnés, installé dans une ancienne ferme de caractère datant de 1927 et rénovée avec goût. La passion s’y était installée sans concession, mais avec tout le cœur et l’énergie nécessaires pour produire des chevaux trempés, sur cinquante hectares de prairie. Tout commença aux ventes Fences en 2001, avec Nid d’Amour de Buissy (AA, Ryon d’Anzex et Jacinthe du Maury), vendu 110.000 francs sous la mère, un coup de projecteur sur ce jeune élevage qui lança commercialement la machine. Le bouche-à-oreille et les résultats prirent le relais. “Notre force réside dans le fait que nous connaissons parfaitement nos juments, soit en direct soit par leur famille. Nous avons vu leur production. Certaines arrivent ici avec une certaine notoriété, ou bien nous avons vu leurs frères, sœurs, ou cousins en concours”, expliquait Cendrine en 2013. “Les étalons sont sélectionnés sur leur génétique et sur leur qualité de saut, mais je n’hésite pas à utiliser des jeunes, comme Laurier de Hère ou Cook du Midour, à l’époque.”

En vingt-six ans, cent quatre-vingt-sept chevaux de Buissy ont vu le jour en Corrèze. Les meilleurs d’entre eux ont concouru dans le monde entier, en saut d’obstacles comme en concours complet. Citons Olala de Buissy (ISO 165, SF, Cook du Midour x Laudanum, Ps), offert à Marine Anizan par Patrice Boureau, autre grande figure passionnée de l’élevage hexagonal et performant avec Roger-Yves Bost, puis vainqueur de la Coupe des nations de Porto Alègre avec Olivier Robert, Too Much de Buissy (ICC 141, AA, Laurier de Hère et Banuela du Ruère), Excellent à six ans avec Alexis Gomez, Looping de Buissy (ICC 145, AA, Quercus du Maury et Cannelle d’Aubrie), brillant notamment en cross indoor avec Sidney Dufresne, Quotkijet de Buissy (ICC 144, AA, Rheingold de Luyne et Aquelblup par Count Ivor, Ps), performant avec les écuyers Arnaud Boiteau, Philippe Mull et Matthieu van Landeghem, Shamdala de Buissy (ISO 141, AA, Laurier de Hère et Onde de Maury par Quatar de Plapé), valorisée jusqu’à 1,40m par Bernard Sainsardos, sans oublier Poèmedamour de Buissy (AA, Ryon d’Anzex et Jacinthe du Maury), classé en Coupe du monde aux États-Unis avec Misti Cassar.

“Je suis très fière de les voir au meilleur niveau dans plusieurs disciplines. Nos chevaux ont tous une bonne locomotion, donc ils peuvent s’illustrer autant en obstacles qu’en complet. Et puis ce sont tous des gagnants et des guerriers, comme nous!”, disait Cendrine Dutrait en 2013. Jusqu’au bout cette authentique passionnée crut en Kaspian de Buissy (AA, Quatar de Plapé x Véloce de Favi), sacré champion de trois ans AA en 2023 et qui a débuté sa formation cette année avec Corentin Derouet.