À Bâle, Julien Épaillard a réussi le coup de poker de l’année en finale de la Coupe du monde

Au printemps dernier, à Bâle, Julien Épaillard a offert à la France son deuxième triomphe en finale Longines de la Coupe du monde à Bâle avec Donatello d’Auge. Ayant dominé ce championnat indoor de bout en bout, l’Augeron avait opéré le choix osé mais calculé de ne pas prendre part au barrage du Grand Prix constituant la deuxième étape de cette finale, alors même qu’il était qualifié pour le faire. C’est le coup de poker (plus que réussi!) de l’année.



Bâle. 6 avril 2025. Après avoir signé un sans-faute en première manche de la dernière étape de la finale Longines de la Coupe du monde de saut d’obstacles, Julien Épaillard et Donatello d’Auge pénètrent sur la piste des Halles Saint-Jacques avec la victoire entre les mains, un score encore vierge de toute pénalité et sept points d’avance sur Ben Maher et Point Break. Le public retient son souffle. L’Augeron et le hongre issu de son élevage familial parviennent presque au bout du parcours sans faire tomber la moindre barre, mais le bai cède à l’entrée du double numéro onze. Il ne reste alors plus que deux efforts à fournir, mais le duo n’a plus le droit à l’erreur. En tête depuis la Chasse du premier jour, le numéro un français et son fils de Jarnac arrivent à les franchir sans encombre et offrent ainsi à la France son deuxième succès dans ce sommet indoor, vingt et un ans après la victoire de Bruno Broucqsault sur Dilème de Cèphe.

Ce triomphe est le fruit d’un travail savamment orchestré pour mener Donatello d’Auge à son meilleur niveau et créer une véritable complicité avec lui en optimisant tous les paramètres de la performance, bien sûr. Mais elle est aussi le résultat d’un coup de poker comme seul Julien Épaillard ou presque est capable d’en tenter. Cette fois, ce n’est pas une option ou un virage de folie dans un barrage à toute allure que le Normand a tenté. Non, il a bien plutôt décidé de ne pas s’élancer en finale au chronomètre du Grand Prix constituant la deuxième étape de cette finale, le vendredi. Selon la formule de la compétition, dans la Chasse et ce Grand Prix, le rang, quel que soit le score associé, apporte à chaque concurrent un nombre de points. Le total de points gagnés dans les deux premières épreuves est ensuite divisé par deux. Quoi qu’il advienne, le leader obtient un score vierge, d’où découlent les écarts avec les autres concurrents lors de l’ultime confrontation. À ce titre, la deuxième épreuve, qui n’a pas une importance mathématique plus grande que la première, ne doit accoucher ni d’un barrage fleuve, comme en 2014 à Lyon, où il avait opposé vingt et une paires, ni d’un barrage trop restreint, afin de conserver une justice arithmétique pour les cavaliers, le plaisir du public étant garanti par cette conclusion spectaculaire. À Bâle, six couples seulement s’étaient qualifiés pour cette finale au chronomètre. “C’est sûr qu’il faut prendre tous les risques quand on se retrouve à vingt et un dans ce barrage afin d’engranger le maximum de points”, avait rappelé Patrice Delaveau en avril, lui qui avait justement pris la tête de la finale de la Coupe du monde de Lyon en 2014 après un barrage-fleuve. “En revanche, ce barrage devient négligeable lorsqu’il n’oppose que quelques cavaliers comme ce fut le cas à Bâle. De fait, je comprends parfaitement le choix de Julien.”



Un coup de poker, oui, mais calculé

“Les victoires dans ce genre d’épreuve, Julien en a déjà beaucoup, et il en vivra d’autres. Quand on participe à un tel championnat il faut se fixer des objectifs clairs, et celui de Julien l’était: il voulait gagner cette finale. Je trouve qu’il a agi en homme de cheval”, avait ajouté Philippe Rozier. Et Pierre Durand d’ajouter: “Il a fait preuve de lucidité, de sagesse et d’un très bon sens tactique en n’exposant pas son cheval à ce barrage.” “Le risque pris par Julien est assez important, parce qu’une barre d’avance, ce n’est pas négligeable, mais la dépense d’énergie pour Donatello d’Auge n’aurait pas été neutre non plus, entre les sauts au paddock et les efforts demandés au barrage”, avait enfin analysé Bruno Broucqsault. “Julien connaît parfaitement sa monture et sait mesurer ses réserves d’énergie et de puissance, ce qui l’a conduit à prendre cette sage décision.”

Inédit et osé, ce choix qui a pris l’apparence d’un coup de poker avait été guidé par la volonté du Normand de préserver au maximum la fraîcheur de son complice. D’autre part, comme toujours ou presque avec l’actuel numéro neuf au classement mondial Longines des cavaliers, cette prise de risque était calculée. “Avant que je ne m’élance au barrage, nous nous sommes prêtés au jeu des calculs”, avait-il rationnalisé le vendredi soir. “Parmi les barragistes, mon plus proche poursuivant était Martin Fuchs, dont nous imaginions qu’il pouvait gagner le Grand Prix du jour (ce qu’il a fait, ndlr). Comme il avait terminé onzième hier, il ne pouvait pas reprendre la tête du classement général, puisque même sans m’élancer dans ce second acte, je termine sixième. Nous nous sommes demandé si en terminant deuxième ce soir, je n’aurais pas pu obtenir une barre d’avance sur lui avant la finale (cela aurait effectivement été le cas, ndlr), mais nous n’avons pas été capables d’effectuer ce calcul, donc nous avons décidé de prendre ce risque et privilégier la fraîcheur de Donatello. J’étais déjà le dernier à m’élancer aujourd’hui, donc je trouvais que lui imposer un barrage serait lui en demander beaucoup. Il a vraiment bien sauté ce soir, restant très concentré et à mon écoute. J’espère que notre stratégie payera dimanche.” Et ce fut le cas!



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