''Une septième place n'est satisfaisante pour personne'', Jean-Maurice Bonneau
Ancien sélectionneur de l’équipe de France de saut d’obstacles mais aussi de celle du Brésil, Jean-Maurice Bonneau revient sur le début des championnats d’Europe Longines de Göteborg. Entraîneur de quelques-uns des plus grands cavaliers internationaux et véritable expert, le Vendéen évoque la déception des Bleus, le dénouement de la finale par équipes ainsi que de l’horizon qu’offre la finale individuelle qui se jouera demain. Grand Prix a recueilli ses impressions.
Jean-Maurice Bonneau : “Il s’est passé beaucoup de choses hier soir. Il faut saluer les vainqueurs et je suis très content que mon ami Rodrigo Pessoa ait obtenu ce succès avec ses troupes. On a vu une équipe soudée, motivée et très au point techniquement. La tâche n’était pas aisée avec seulement trois cavaliers au départ (Bertram Allen avait en effet déclaré forfait après la première manche, ndlr). On a aussi vu des bouleversements avec l’Italie qui est passée d’un potentiel podium à une huitième place… Les Néerlandais, les Allemands, les Français sont dans les huit premiers et le podium a été très beau avec la Suède à domicile. Malin Baryard-Johnsson a vécu une drôle de mésaventure et Peder Fredricson a été d’un sang froid remarquable. C’est un magnifique podium je trouve !
G.P. : L’équipe de France que vous connaissez bien a réalisé un championnat décevant…
J.-M.B. : En ce qui concerne les Français, on a quand même vu des réactions positives. Mathieu Billot a vraiment su honorer sa sélection et Bosty a été un extraterrestre hier soir. La grosse faute de Kevin est étrange, ce n’est pas le style du cheval. Je ne pourrais pas l’expliquer mais ça l’a visiblement désorganisé. On n’a peut-être pas senti Pénélope aussi sereine qu’elle peut l’être d’habitude mais elle a malgré tout été présente. Je n’ai pas les données des coulisses et des paddocks, mais je pense quand même que lorsqu’on est champions olympiques, une septième place n’est satisfaisante pour personne.
Il faut aussi noter que dans une sélection, il y a ceux qui y sont et ceux qui n’y sont pas. Simon Delestre, Philippe Rozier, Patrice Delaveau et sûrement d’autres couples qui pointent leur nez ne sont pas à Göteborg. En somme, cela n’a pas une incidence énorme dans la mesure où ce championnat n’est pas qualificatif pour les Jeux olympiques. Lorsque les leçons seront tirées, cela permettra à toute l’équipe de repartir avec un peu plus d’éléments en vue des Jeux équestres mondiaux, il me semble. Philippe Guerdat et son équipe ne sont pas des débutants donc, les connaissant, je pense qu’ils ne vont pas se satisfaire de ça. En tout cas, ils ont montré un assez bon visage, le parcours de Kevin est pour moi accidentel compte tenu de la précision qu’on a vu jeudi. Il ne s’est pas mis à mal monter hier, Rêveur n’est pas devenu un mauvais cheval hier. Ce n’est vraiment pas son style de commettre une telle faute. Respectueux comme il est, et le connaissant suffisamment bien, je pense pouvoir dire que ça l’a un peu déstabilisé, car les réglages de Kevin sont au millimètre. Ce n'est sûrement pas satisfaisant, mais je pense que cela va permettre de construire la suite.
“Personne n'est intouchable”
G.P. : On a appris ce matin qu’aucun Français ne repartira dans la finale individuelle. Cela vous semble-t-il être une sage décision ?J.-M.B. : Oui, et à la fois, ça donne un petit goût d’inachevé… Je peux comprendre que Rêveur ne reparte pas, il a déjà beaucoup donné pour l’équipe de France et a encore de beaux Grands Prix à aller gagner de mon point de vue. La jument de Bosty a beaucoup donné, elle est peut-être encore un peu tendre. Il faut certainement la laisser sur la bonne impression qu’on a pu voir hier. C’est une décision concertée donc fondée.
G.P. : Maintenant, alors que cette finale individuelle se profile, Peder Fredricson semble presque intouchable…
J.-M.B. : Je crois que personne n’est intouchable… On a vu hier Luciana Diniz commettre deux fautes alors qu’on la pensait intouchable, même chose pour Kevin. Hier soir, Peder Fredricson a vraiment monté obstacle par obstacle, il avait le poids de l’équipe sur les épaules donc je pense que la journée de repos sera bienvenue. Son affaire a l’air vraiment au point, le garçon a l’air très fort mentalement, mais il ne faut pas oublier qu’ils sont cinq dans la même faute. La finale par équipes a été passionnante et il faut relever que ce championnat est particulièrement bien construit. Chaque épreuve apporte son lot de surprises et de suspense. On a vu du très grand sport hier soir. Il reste encore deux parcours, il y a d’excellents cavaliers en tête, d’autres sont encore en embuscade. Peder Fredricson a l’air très solide, mais il a toute la pression sur les épaules. Par exemple, je trouve que Clooney 51 (le cheval du Suisse Martin Fuchs, deuxième au provisoire, ndlr) a mieux sauté hier soir qu’avant-hier. Je pense sincèrement que rien n’est joué. La route est encore longue…