Quabri de l'Isle, un virtuose normand porte-drapeau du Brésil

Pilier depuis cinq ans du saut d’obstacles brésilien, auquel il vient d’offrir une médaille d’or par équipes aux Jeux panaméricains de Lima, et une précieuse qualification pour les Jeux olympiques de Tokyo, Quabri de l’Isle figure sans aucun doute parmi les cracks les plus marquants de la décennie. Puissant et gracieux étalon au charisme incomparable, le Selle Français de quinze ans, pur produit de Normandie, doit une bonne partie de son succès à Pedro Veniss, un consciencieux cavalier qui a toujours cru en lui. Portrait d’un métronome au service du grand sport.



Fin 2004 à Saint-Lô, l'alezan brulé a remporté le titre de champion de France des foals Selle Français.

Fin 2004 à Saint-Lô, l'alezan brulé a remporté le titre de champion de France des foals Selle Français.

© Les Garennes

« Regarde, quelle belle chose pleine de grâce. C’est elle, la fille qui vient et qui passe, dans un doux balancement sur le chemin de la mer. Demoiselle au corps doré par le soleil d’Ipanema, son déhanché est plus qu’un poème. C’est la plus belle chose que j’ai vu passer. »Si Quabri de l’Isle avait été une demoiselle, l’illustre chanteur brésilien João Gilberto Prado Pereira de Oliveira, disparu le 6 juillet dernier à quatre- vingt-huit ans, aurait pu lui dédier ces paroles issues d’A Garota de Ipanema, écrites par Vinícius de Moraes dans les années 1960. Un modèle à en subjuguer plus d’un, des performances à couper le souffle sur toutes les plus belles pistes du monde et un itinéraire aux rencontres déterminantes, il fait incontestablement partie des meilleurs chevaux actuels de saut d’obstacles, et de ceux qui laissent leur marque dans les cœurs et les mémoires.
 
Le crack est né à Saint-Marcouf-del’Isle, une petite commune de 340 habitants située dans le Cotentin, à quelques kilomètres d’Utah Beach, l’une des plus célèbres plages du Débarquement. Ayant bâti son élevage de l’Isle, né en 1951, autour d’Hollandaise (Trianon du Bois x Issu d’Amblie), une jolie Demi-sang, Étienne Poisson choisit en 2003 de marier son alezane Dinastie de l’Isle (SF, Socrate de Chivré x Quastor au prolifique Kannan (KWPN, Voltaire x Nimmerdor). Quabri naît le 1er juin 2004. Dès sa naissance, ce joli poulain alezan brulé attire l’œil. Fin 2004, il est d’ailleurs élu champion Suprême, autrement dit de toutes les catégories, lors des championnats de France des foals, à Saint-Lô. « Il était imbattable et avait des allures exceptionnelles », se souvient encore son naisseur, avant de laisser la parole à son fils Jérôme. « Il sortait du lot. Foal, nous le tenions en licol sans problème, il se montrait gentil et brave. Et dès que nous le lâchions, il était phénoménal ! »Dans la foulée, le poulain est vendu à Patrick Bizot, éleveur et marchand normand, qui le confie à son fidèle partenaire Denis Brohier. « Quabri a été débourré chez Denis, et son cavalier lui a immédiatement dit que c’était un futur crack et qu’il ne fallait surtout pas le vendre ! », assure Jérôme Poisson. Alexandre Saliba, Simon Body puis Benjamin Devulder, cavalier ponctuel de Denis Brohier, l’initient au saut d’obstacles sur le Cycle classique SHF des quatre ans. Sous la selle du dernier nommé, qui ne le monte pourtant qu’au pied levé, le Selle Français se développe à grande vitesse, signant quatre sans-faute en cinq parcours. L’année suivante, le couple poursuit sur sa lancée, bouclant quinze tours parfaits sur vingt. « Quabri était studieux, très malin », décrit Benjamin Devulder. « Il était naturellement doué, très respectueux et doté d’énormes moyens. Sa plus grande qualité est la facilité avec laquelle il a toujours franchi les obstacles les plus difficiles. À le regarder, tout paraît toujours simple et fluide, alors qu’il n’en met pourtant pas plein la vue ! Pour un fils de Kannan, il est très souple et a un bon galop. »
 
Toutefois, le jeune élève est bien loin de faire l’unanimité, un grand nombre de professionnels jugeant sa locomotion trop encombrante pour performer à haut niveau. « Les produits de Kannan, il faut souvent les laisser mûrir un peu plus longtemps car ils prennent de l’énergie en vieillissant. Benjamin Devulder ne l’aimait pas tant que ça à l’époque, estimant qu’il manquait un peu de sang », confie Jérôme Poisson. « Le seul reproche que l’on pouvait lui faire était d’être un peu trop mono-vitesse », nuance l’intéressé. « C’est un défaut qu’il montre encore aujourd’hui, même s’il a énormément progressé grâce à ses cavaliers suivants. Les gens lui reprochaient même d’être un peu lourd, alors qu’il était sensible et très souple sous la selle. Ils pouvaient douter de lui, mais il a toujours répondu présent ! »
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Retrouvez le portrait complet dans le n°109 du magazine GRANDPRIX, disponible en kiosque.