“Je pensais que les médailles de Rio m'aideraient davantage”, le cri du cœur d’Astier Nicolas

Médaillé d’or par équipes et d’argent en individuel aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro, de bronze par équipes aux Européens de Malmö, vainqueur du championnat du monde des chevaux de sept ans en 2017 et médaillé de bronze l’an dernier, Astier Nicolas a choisi de faire bouger les choses. Aujourd’hui âgé de trente ans, le cavalier installé près de Deauville souhaiterait disposer d’un piquet de chevaux plus solide pour pouvoir s’assurer une place constante au plus haut niveau. Pour GRANDPRIX-Replay.com, Astier Nicolas a pris la parole.   



“Je vous remercie de m’offrir une tribune nécessaire à la bonne poursuite de ma carrière. Je suis en effet à la recherche d’une monture expérimentée dans le haut niveau et que je pourrais emmener avec moi pour décrocher les sommets lors des prochains jeux olympiques et championnat du monde.
Comme on le sait, Vinci de la Vigne a été vendu en décembre. Nous n’avons pas de regrets, il s’agit d’une bonne vente qui était prévue. En dehors de cela, il n’y a pas eu de transferts majeurs dans mon écurie cet hiver, hormis quelques jeunes chevaux certes extrêmement prometteurs, mais encore trop inexpérimentés pour les échéances suprêmes. J’ai besoin d’attirer dans mon écurie des chevaux d’envergure et expérimentés, pour rester parmi les meilleurs. Je suis revenu de Rio de Janeiro avec deux médailles (l’or olympique par équipes et l’argent individuel, ndlr), j’ai amené un cheval à la septième place des Jeux équestres mondiaux (Vinci de la Vigne, en septembre à Tryon, ndlr), mais malgré ce formidable palmarès, la situation demeure compliquée. Franchement, Lewis Hamilton n’a pas été champion du monde de F1 l’an dernier avec une deux-chevaux… Cela étant dit, je ne voudrais pas dénigrer les chevaux que j’ai actuellement car j’ai une écurie extraordinaire… mais jeune ! Mon piquet est aujourd’hui presque exclusivement composé de jeunes chevaux, dont une dizaine d’entre eux concourt en circuit SHF, et de quatre autres qui ont entre sept et neuf ans.”


“Arrêter de faire croire que l’on va construire des rêves avec quelques euros...”

“En abordant les Jeux olympiques en 2016, je savais que je devrais faire face à un renouvellement de mon piquet de chevaux, mais je pensais que les médailles de Rio m’aideraient davantage. J’ai clairement pu sentir l’intérêt de différents propriétaires, dont certains sont devenus des alliés chers dans ma quête de très haut niveau. Je ne veux surtout pas dénigrer ce que nous avons construit, mais l’excellence est exigeante et a un coût. Notre sport coûte de plus en plus cher. Certes, le complet a dix ans de retard sur le saut d’obstacles, mais on prend la même direction. Nous sommes plus que jamais obligés de travailler avec des gens qui ont des moyens conséquents pour investir. De bons titres, une écurie qui fonctionne bien, des jeunes chevaux qui performent avec notamment des médailles d’or et de bronze aux Mondial du Lion, ne sont plus suffisants. Pour le très haut niveau, nous avons besoin de partenaires financiers. J’ai aujourd’hui trente ans, et à cet âge-là, on ne trouve pas un million d’euros sous son oreiller. Les très bons chevaux ont un prix et il faut arrêter de faire croire aux gens que l’on va construire des rêves avec quelques euros... Cela ne correspond plus à la réalité. Pour figurer au plus haut niveau, j’ai besoin d’une monture expérimentée que je pourrais emmener au sommet. Une telle monture est, malgré mes titres, inaccessible sans l’accompagnement d’un partenaire financier.
En France, nous avons vu des écuries accompagner avec succès des cavaliers de très haut niveau dans le jumping, comme le haras de Clarbec ou le haras des Coudrettes. Nous devrions nous inspirer de ce modèle dans le complet. Par ailleurs, je ne pense pas que l’on puisse parler de grands écarts de rentabilité entre ces deux disciplines, car le ticket d’entrée du haut niveau en jumping est très élevé. Il faut aujourd’hui s’adresser à des mécènes passionnés de sport si l’on veut bénéficier d’un soutien pour concourir à très haut niveau. Les courses peuvent être rentables, le sport beaucoup moins lorsque l’on ne s’oriente pas clairement vers le commerce. Le prix des chevaux de complet a explosé ces dernières années. Si les Anglo-saxons sont toujours prêts à investir pour le haut niveau ; en France, avec l’importance de l’élevage, nous sommes davantage focalisés sur la valorisation et la commercialisation. Les Anglo-saxons ont une culture d’investissement plaisir, que l’on retrouve dans tous les sports. Ils recherchent le frisson de la victoire et pas obligatoirement une rentabilité. Ils ont aussi compris tous le bénéfice en termes de relations publiques et de communication du sport.”


“Il est essentiel que la Fédération s'implique concrètement”

“Chaque hiver, j’intègre quatre chevaux de trois ans à mon système, afin de mettre toutes les chances de mon côté d’avoir des générations homogènes. Pendant que cela se met en route (je n’ai que 30 ans), il faut évidemment pouvoir compter sur des chevaux de haut niveau, et en acquérir si l’on en est dépourvu. Même ce système n’offre aucune garantie, car il y a des ventes, des blessures, et certains chevaux peuvent décevoir. 
Pour avancer, je dois rester dans le mouvement et me remettre constamment en question. En saut d’obstacles, mes voisins Pénélope et Kevin ont changé d’horizon (Leprevost et Staut, ont l’an passé remodelé leurs systèmes avec de nouveaux propriétaires, ndlr) et n’ont pour autant pas disparu de l’élite. Pour ma part, je n’ai pas pris part à un CCI 4* (désormais appelés CCI 5*-L, ndlr) depuis un peu plus d’un an, et le temps que j’en refasse un il se sera peut-être passé deux ans. Ma prise de conscience est récente : je souhaite avoir une influence sur mon avenir, et non pas le subir. J’essaye de démocratiser mon sport et de montrer ses attraits, en espérant toucher la sensibilité d’un potentiel partenaire. Car nous ne sommes pas des footballers, et nous ne pouvons pas nous reposer uniquement sur des sponsors classiques. 
 
Dans cette quête de chevaux de haut niveau, la fédération doit aussi se mobiliser. Parmi les personnalités qui nous suivent de près, j’en ai parlé au directeur technique national en charge du complet Michel Asseray et s’il m’a prêté une oreille attentive, cela ne rentre pas pour l’heure dans le périmètre de la mission qui lui a été donnée. La FFE doit s’impliquer davantage, j’en appelle à son Président et à ses instances dirigeantes. La France doit garder des ambitions. Je constate par exemple qu’en Allemagne des chevaux appartiennent à la fédération. Cela a existé par le passé en France, et ce pourrait être une partie de la solution. Et faute de pouvoir investir, la fédération doit jouer de ses relations et de son aura pour nous aider davantage. Même si elle s’est parfois impliquée lorsqu’il y a eu des crises entre des propriétaires importants et des cavaliers susceptibles de défendre le drapeau, il est essentiel que la Fédération s’implique concrètement sur cet enjeu.
 
Mon cheval le plus expérimenté est Alertamalib’Or, qui n’a que neuf ans, tout comme Arpège du Mancel que j’ai récupéré l’an dernier. Je vais tenter de qualifier le premier pour les championnats d’Europe en concourant à Bramham ou Saumur. J’ai aussi Babylon de Gamma, médaillé de bronze au Mondial du Lion l’an passé. C’est un cheval hors normes, que je souhaiterais qualifier pour les Jeux olympiques de Tokyo en fin d’année. Il n’aurait que neuf ans pour cette échéance, ce qui démontre bien que je suis dans l’urgence car je ne pourrais donner la chance à ce cheval-là de se développer aussi sereinement qu’il le mériterait. Le fait de penser à un si jeune cheval pour les Jeux olympiques montre bien que je ne dispose pas du piquet optimal par rapport à mon parcours et mes objectifs.
Je veux évidemment en profiter pour remercier les personnes formidables qui m’ont soutenues et qui continuent de m’aider. Mais le sport de haut niveau est de plus en plus exigeant et le succès repose désormais sur la notion d’équipe. Après Rio, beaucoup m’ont tendu la main, notamment dans le Calvados. Il y a eu Aliette Forien, une éleveuse de chevaux de course et gérante du haras de Montaigu qui possède la moitié des parts d’Alertamalib’Or, Pascal Ravery, le propriétaire d’Arpège du Mancel, ou encore Jean-Louis Bouchard, un propriétaire de chevaux de course qui a quatre chevaux avec moi. Christophe Soumillon a aussi la moitié d’un de mes chevaux, sans oublier Monsieur et Madame Grivot. Je veux remercier ces grands professionnels qui sont d’abord des grands passionnés de m’avoir fait confiance et de continuer à me faire confiance.
Je vais continuer d’amener des chevaux au plus haut niveau, mais pour décrocher le Saint Graal des Jeux olympiques ou des championnats du monde, j’ai besoin de trouver ce partenaire prêt à se donner les moyens de vivre le grand frisson de la victoire suprême ! À bon entendeur !”