“Depuis septembre, la FFE alerte la FEI au sujet des programmes surprenants des CSI de Villeneuve-Loubet”, Sophie Dubourg

Hier, la Fédération équestre internationale a publié un communiqué de presse revenant sur la controverse soulevée par les compétitions organisées à Damas, en Syrie, ainsi qu'à Villeneuve-Loubet, en France. Fin 2019, et à nouveau en janvier sur la Côte-d'Azur, des CSI 2* bidons disputés à répétition ont permis à plusieurs cavaliers de grimper de façon spectaculaire au classement mondial Longines, support d’attribution des qualifications olympiques individuelles. GRANDPRIX a fait réagir Sophie Dubourg, directrice technique nationale, quant à la responsabilité de la Fédération française d’équitation (FFE), mis en cause à demi-mots par la FEI, dans la validation des programmes de CSI.



La Fédération équestre internationale (FEI) a publié hier un communiqué expliquant que certaines épreuves ajoutées hors-délai au programme de CSI 2* disputés en décembre et janvier à Villeneuve-Loubet ne seraient plus prises en compte dans le calcul des classements mondial et olympique. Quel rôle a joué la Fédération française d’équitation (FFE) dans la validation des programmes de ces concours internationaux?  
La Fédération française d’équitation est évidemment très au courant de ce problème. Nous échangeons depuis plusieurs semaines à ce sujet avec la Fédération équestre internationale, qui a lancé par le biais d’un cabinet indépendant d’avocats un audit au sujet des concours de Damas, en Syrie, mais aussi de ceux de Villeneuve-Loubet, en France. L’interlocuteur de ce cabinet a été la FFE puisqu’il s’agit de compétitions organisées sous la responsabilité de la FEI mais dont le cahier des charges est donné par la FEI via la FFE. Depuis septembre, nous avons été étonnés de voir les programmes des concours organisés à Villeneuve-Loubet. Nous avons dès lors interrogé la FEI sur la bien-fondé réglementaire de ces programmes, qui étaient en premier lieu réservés à une liste de pays dans laquelle la France ne figurait pas... La FEI a donc demandé à l’organisateur (l'association Azur Cheval, dirigée officiellement par Mircea Herck, ndlr) d’ajouter la France à cette liste. Dans un second temps, le nombre de cavaliers était limité à vingt et nous nous sommes aperçus que les cavaliers qui demandaient à participer à ces concours s'en voyaient refuser l'accès par l’organisateur. Le programme initial ne les incitait pas non plus à y participer car il s’agissait de CSI 2* avec une seule épreuve comptant pour le classement mondial à chaque fois et très peu de dotation. Malgré la qualité de sa piste, ce concours n’était par ailleurs pas très plébiscité par les cavaliers français ces dernières années en raison d’autres problèmes. Enfin, une fois dépassée la date limite pour les demandes définitives de participation à ces concours, l’organisateur a demandé auprès de la FFE d’ajouter deux à trois épreuves comptant pour le classement mondial. Étant donné que nous devons agir en toute transparence, la FFE a transféré ces demandes à la FEI qui les a validées pour les trois CSI 2* de décembre. Lorsque les cavaliers se sont rendu compte que trois épreuves pareilles avaient été ajoutées au programme, ce qui augmentait aussitôt la dotation, ils ont effectué des demandes tardives de participation. Dans ce cas de figure, le règlement stipule que l’organisateur a tout pouvoir d’accepter ou non la participation de ces cavaliers-là... Les fédérations n’ont en effet plus leur mot à dire quant à la sélection des cavaliers. Systématiquement, l’organisateur les a refusés. Lorsque les cavaliers tenaient bon, l’organisateur les contactait pour les dissuader de participer à ces concours. J'ai recueilli plusieurs témoignages de cette nature. D'un point de vue réglementaire, l’organisateur n’a pas à se justifier donc le ton est monté en décembre.
Les cavaliers et la FFE se sont donc tournés vers la FEI d'autant qu'une journaliste de World Of Show Jumping a observé que les cavaliers pouvant participer aux concours de Villeneuve-Loubet ont pu effectué des bonds de cinq cents places au classement mondial, ) l'image de la cavalière sri-lankaise (Mathilda Karlsson, naturalisée en 2019 et d'origine suédoise, ndlr). Il y a aussi eu des problèmes avec un cavalier italien (Filippo Marco Bologni, ndlr). À ce moment-là, ils étaient en quête d’une qualification olympique individuelle déterminée par le classement mondial, ou bien d’une obtention des minima individuels. Côté français, tout était plutôt calme à ce niveau, ce sont surtout l’Italie et le Sri Lanka qui en ont profité.
Grâce au travail d’investigation de cette journaliste, nous nous sommes donc aperçus que des cavaliers grimpaient de quatre ou cinq cents places au classement mondial, approchant de la deux centième place, qui donne accès à certaines compétitions dans le nouveau système d’invitations. Le cabinet d’audit a effectué son travail tandis que la FFE a témoigné des éléments factuels. En aucun cas nous n’avons dû interpréter quoi que ce soit. En parallèle, le Club international des cavaliers (IJRC), propriétaire du classement mondial, a officiellement demandé que les points obtenus dans ces conditions inéquitables soient retirés. C’est ce que la FEI a choisi de faire, comme elle l’a expliqué dans son communiqué. 
Par ailleurs, elle a reporté une part de la responsabilité sur la FFE, qui lui avait fait la demande d’ajouter plusieurs épreuves comptant pour le classement mondial, ce que la FEI avait validé par erreur. Je tiens à tempérer les choses car la FFE alerte la FEI depuis septembre au sujet des programmes surprenants proposés par l’organisateur de Villeneuve-Loubet. Nous avons eu comme première réponse que des places avaient été ajoutées pour les cavaliers français mais que le reste était en règle. Cela nous a dérangés pendant quatre mois et le fait de devoir observer ce qui se faisait a été douloureux. C’était très pénible pour nous. En nombre, la France est le premier pays organisateur de compétitions internationales au monde. Nous devons garantir une éthique et une certaine qualité d’organisation. Pour beaucoup, ce qui se passait à Villeneuve-Loubet était très obscur et nous répondions de façon factuelle aux nombreuses sollicitations en disant que nous avions interrogé la FEI, qui nous affirmait que tout était en ordre. Nous avons été étonnés de la façon dont la FEI a communiqué car nous avons reçu un courrier de sa secrétaire générale (Sabrina Ibañez, ndlr). Les faits nous ont été détaillés mais il était écrit que la FEI avait validé “par erreur” les programmes proposés. Je suis surprise de la forme de cette communication et j’espère qu’elle n’engage en rien la responsabilité de la FFE qui a bien surveillé l’évolution de ces compétitions. 
 
La FFE n’avait-elle pas le pouvoir de bloquer les demandes de modification de programme de l’organisation de Villeneuve-Loubet?
Pas du tout, la FFE n’a pas ce pouvoir. Elle a simplement le rôle de boîte aux lettres et d’interlocuteur. Aujourd’hui, nous n’avons aucun moyen de freiner une organisation. N’importe quelle demande de modification de programme doit être instruite. Lorsque la première demande de modification du programme a été faite, il n’y a eu aucun blocage de la part de la FEI. À la troisième, nous avons tout de même demandé si cela était normal, ce à quoi la FEI nous a répondu qu’elle allait prendre quelques jours pour y réfléchir. 
Il n’est pas rare que nous notions des erreurs dans les programmes lorsque nous les contrôlons. Il arrive qu’il y ait des fautes de frappe, qu’il manque un numéro de téléphone ou qu’un steward n’ait pas le bon niveau, par exemple… Cela est de la responsabilité de la FFE. En revanche, lorsqu’un programme ne présente pas de faute mais que des modifications sont à faire concernant les épreuves, cela incombe à la FEI.