'J'AI DU MAL À DIGÉRER CELA', KEVIN STAUT



Après trente-six heures de silence et de réflexion, passées essentiellement en dehors du MCH Arena de Herning, où il vécu deux manches cauchemardesques de finale par équipes (huit points à deux reprises avec [Silvana]*HDC), [Kevin Staut] a livré ses premiers sentiments et ses premières explications ce midi, à une heure de la finale individuelle des championnats d’Europe.


 
GrandPrix-Replay.com : Comment vous sentez-vous?
Kevin Staut : C’est difficile. La déception des Jeux olympiques était une déception constructive, tandis que là, je reste sur ce sentiment pur de déception. J’ai du mal à digérer cela. J’ai fait des choix de concours et de préparation totalement orientés pour ces championnats. J’ai essayé de ménager Silvana. Elle n’a sauté que trois concours depuis la finale de la Coupe de monde (avec rien que des sans-faute, à l’exception d’une faute sur la rivière lors de la Coupe des nations de Rotterdam, ndlr). Le travail a été très correct.

 
GPR. : Comment expliquez-vous ce qui s’est passé mercredi et jeudi ?
K.S. : Il y a eu cette première manche avec une faute sur la rivière placée derrière le double. Elle était focalisée là-dessus. En entrant en piste, je n’ai pas voulu la lui montrer. Elle est maline comme tout, le premier jour, elle a bien vu où elle se situait. Elle ne s’en est pas préoccupée, mais plutôt des obstacles qui étaient à côté. J’ai dû le lui faire sentir. Elle commençait bien le parcours, puis ce double, nous nous en sommes sortis sans faute par miracle. Elle faute ensuite sur le rivière, puis sur le droit qui revenait vers la rivière, une faute qu’elle ne commet vraiment jamais. Là, il y a une explication technique. Pour l’individuel, j’étais déjà très déçu, mais je me suis remis comme à Lexington (aux Jeux équestres mondiaux de 2010, ndlr), où mon sort était déjà scellé après la Chasse. Je me suis vraiment concentré à 100% pour l’équipe, d’autant que les gars avaient vraiment réussi du très bon boulot depuis le début de la seconde manche, puisqu’avec un sans-faute de ma part, je savais que nous étions assurés d’une médaille d’argent au minimum. Cette fois, Silvana était beaucoup plus réceptive que la veille, plus disponible. J’ai vraiment donné le maximum. La rivière arrivait assez tôt, cela s’est bien goupillé. Le triple était un peu difficile pour elle avec deux oxers. Elle a super bien répondu. Combative comme elle était, je peux sauter dix fois le parcours et sortir neuf fois sans faute, surtout que je n’ai pas cherché à bien monter, mais à être sans faute. Je ne voulais pas passer à côté de quelque chose par manque d’engagement.

 
GPR. : Vous n’avez pas le sentiment que Silvana vous ait lâché ?
K.S. : Non, je ne pense pas. Sincèrement, elle était présente sur tous les efforts demandés au début du parcours. Elle faute sur un vertical en sortie de combinaison, ce qui ne lui arrive jamais. Après, c’était perdu, donc la faute sur le dernier, je n’en parle même pas. Le parcours était fini après la première faute. Nous avons parfois raté des parcours parce que j’ai mal monté, ou parce qu’elle n’était pas à 100%, mais là, nous avons tout donné l’un et l’autre, et le résultat n’a pas été positif. Il y avait trois belles équipes sur le podium, mais nous n’avons pas été récompensés du travail des autres Français. Ma déception sur l’individuel était déjà digérée.

 
GPR. : Était-ce le dernier grand championnat de Silvana en extérieur ?
K.S. : Oui, je crois. Ce devait déjà être le cas l’année dernière. Et puis comme Rêveur de Hurtebise*HDC était indisponible, elle a pris le relais. Caen, il est sûr que je ne l’envisage pas avec elle, mais plutôt avec Rêveur ou un plus jeune. Il y a encore le temps. De toute façon, ç’aurait été son dernier. C’est dommage, car elle a déjà apporté tant de sans-faute et de médailles à l’équipe de France. Elle aurait mérité mieux que cette quatrième place. En ce qui me concerne, ces championnats étaient un peu mon rayon de soleil de la saison. Sportivement, elle n’est pas difficile, mais je commence à traîner ce mal de dos depuis un bon moment. J’ai essayé de continuer jusqu’à ses championnats et de ne pas me faire opérer même cinq mois avant…

 
GPR. : Cela signifie-t-il que vous allez prendre une pause ?
K.S. : Non pas maintenant, parce que c’est compliqué, mais cet hiver, oui. Je vais me pencher là-dessus sérieusement, parce que je ne peux pas continuer comme cela. Ça m’use, ça me fatigue. Je ne peux pas profiter pleinement de ma passion. Je me suis renseigné sur les opérations. Rien n’est encore prévu. Ce serait de la microchirurgie, deux semaines sans monter, six semaines sans concours. Ce sont des délais raisonnables. Tous mes collègues cavaliers qui ont vécu ça m’ont dit qu’ils ont ressenti comme une libération au réveil, dès le premier pas. Ceci dit, la dernière infiltration a bien fonctionné. Je n’ai mal que debout, je ne sens plus les douleurs lancinantes en permanence.

 
GPR. : Quelle va être la suite ? Comment abordez-vous la finale de la Coupe des nations de Barcelone ? Qui sera votre cheval ?
K.S. : Silvana. Ce sera une autre configuration. Elle n’a pas commis de fautes d’épuisement. Elle était fraîche, physiquement parfaite. Elle n’a jamais fait deux fautes d’affilée deux fois d’affilée avant. Je l’emmènerai peut-être à Lausanne (mi-septembre, ndlr) pour la préparer et pour essayer de rectifier deux ou trois points techniques.

 
Propos recueillis à Herning par Sébastien Roullier