“Un évènement comme le Salon des étalons de Saint-Lô n’existe nulle part ailleurs en Europe”, Yann Adam
Directeur du Pôle Hippique de Saint-Lô, Yann Adam vit un week-end riche avec l’organisation de son traditionnel Salon des étalons. Avec un programme élargi pour cette édition, l’évènement ne cesse de grandir et attire des éleveurs et étalonniers de la Manche, de l’Hexagone, mais aussi de toute l’Europe. Désireux de créer des synergies dans le monde du cheval et de promouvoir le plus grand nombre d’étalons de sport, Yann Adam a répondu aux questions de GRANDPRIX.
Étant donné que nous avons mis en place une nouvelle formule, nous écoutons attentivement les retours qui nous sont faits. Notre souhait est de les écouter afin d’améliorer sans cesse le planning ou l’utilisation de l’espace. Nous avons d’ailleurs mis en place une tente extérieure, ce qui avait été réalisé par le passé mais qui n’avait pas rencontré le suspect escompté. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un rendez-vous incontournable, même s’il y a bien entendu toujours des choses à faire évoluer. Notre rôle est d’écouter les gens qui sont contents, mais aussi ceux qui le sont moins. Cette année, nous avons fait le plein de nouveautés avec notamment une journée supplémentaire le vendredi. Le stud-book Selle Français a décidé d’amener ici le championnat et l’approbation des trois ans, ce qui est cohérent. Je ne suis pas décisionnaire, les avis sont partagés à propos de ce choix. Hier, nous avons pu ouvrir des stands et faire sauter des chevaux sans que cela ne les gêne. Il y avait du monde, certes moins qu’aujourd’hui mais les gens viennent pour le salon. Ici comme dans d’autres endroits, on a souvent l’impression qu’il n’y a pas tant de monde que cela, mais l’espace est grand et lorsque l’on va sur le parking, on se rend compte qu’un grand nombre de visiteurs est présent. La journée d’hier est une réussite à mon avis, je pense que cela a confirmé que le championnat des trois ans est légitime à cette date et à cet endroit. Certains étalonniers ne sont venus que pour cela. Le stud-book et l’agence Fences ont des intentions d’apporter une partie commerciale à ce rendez-vous, ce que j’entends. C’est certainement pertinent, des choses vont évoluer avec peut-être des ventes physiques l’an prochain. Régulièrement, l’approbation dans différents stud-books étrangers se déroule conjointement à des ventes. À ce jour, les transactions se déroulent directement entre les éleveurs et les acheteurs. Nous organisons déjà ici les ventes Nash, c’est donc envisageable.
Quels sont les retours des étalonniers ?
Le meilleur retour, c’est le nombre de contrats signés. Cela donne la tendance pour la saison. Cela fait plusieurs années que l’on se rend compte que la filière va mieux. Si les éleveurs cherchent des saillies, c’est qu’ils arrivent à vendre leurs produits. Globalement, il y a une vraie synergie. Lorsque l’on voit les stands pris d’assaut, l’image parle d’elle-même. Par ailleurs, nous avons étendu les horaires ce matin en ouvrant le salon à 10h au lieu de 12h. La journée et demie qui vient de se passer est donc tout à fait nouvelle. Nous avons fait l’effort de présenter des têtes d’affiche dès ce matin. Dans une filière qui est aussi individualiste et où il n’y a plus d’étalonnage public, le fait que les gens arrivent à cohabiter, avec un équilibre que l’on tente de respecter entre tous les étalonniers, est plutôt une réussite.
“Le fait de trop jouer la segmentation est une erreur de notre filière”
Les étalonniers présents ici s’accordent sur l’importance de ce salon au niveau local, national, mais aussi international…Il s’agit d’une priorité. C’est pour cela que nous insistons là-dessus et que nous en sommes très fiers. Ce type de salon n’existe nulle part ailleurs en Europe. Dans les autres pays dominants, que ce soit aux Pays-Bas ou en Allemagne, les étalonniers les plus importants organisent leurs propres portes ouvertes et font leur show. À une échelle peut-être aussi importante que celle-là, mais il s’agit d’initiatives privées. Notre projet est de mettre tous les étalonniers au même pied d’égalité, côte à côte autour de la piste, avec des étalons présentés au même endroit et dans un temps imparti. À l’origine, les étalons des Haras Nationaux étaient présentés ainsi. Certains héritages ne sont pas faciles à porter, mais celui-ci est plutôt pertinent. Aujourd’hui, beaucoup de délégations d’Allemagne, de Belgique ou encore d’Italie sont présentes, ce qui est signe du succès. Ce, malgré le nombre de cent quatre-vingt étalons. On peut parfois se demander s’il y a suffisamment de juments pour autant d’étalons (rires). D’une année à l’autre, il y en a pourtant toujours autant, si ce n’est plus. Lors de cette édition, nous avons quatre nouveaux étalonniers qui n’existaient pas par le passé. Cet évènement unique. Je ne veux pas dénigrer les autres salons ou dire qu’ils sont en train de péricliter. Il y avait auparavant cinq salons et il n’y en a plus que trois, dont celui de Rosières-aux-Salines qui a une dimension plutôt régionale avec une trentaine d’étalons.
J’ai vu Aurélien Lafargue de Génétiqu’Anglo qui m’a dit qu’il ne manquerait jamais Saint-Lô. Il y a quelques années, les cavaliers de saut d’obstacles l’avaient eu en travers de s’être faits battre par Upsilon et Entebbe de Hus lors du Grand Match. C’est intéressant de voir que le stud-book Anglo-Arabe est présent hors de son fief. Il y a aussi Stephex, le Hostein, le sBs dont le président est ici… Nous avons aussi les grands propriétaires français, qui étaient auparavant davantage investis dans le sport, à l’image du haras de Clarbec ou du haras des Coudrettes. Ils sont désormais devenus étalonniers, Clarbec un peu avant et les Coudrettes dans un deuxième temps. Aujourd’hui, leur présence est une évidence et je pense qu’il ne manque pas beaucoup d’étalonniers français d’envergure nationale ou internationale. Il semble impossible de ne pas avoir de stand à Saint-Lô ! Nous n’aurons jamais la prétention d’organiser des salons comme ceux de Lyon ou Bordeaux, mais nous pouvons nous démarquer en mettant en avant ce que nous faisons le mieux, l’élevage. On peut tirer notre épingle du jeu ainsi, d’autant que les installations sont difficilement critiquables lorsque l’on voit que tous les chevaux sont dans des boxs en dur. La fin des Haras Nationaux a menée à des ajustements, certains tentent de se reconvertir dans des hôtels de luxe tandis que d’autres comme nous essaient d’exister dans le monde du cheval. Nous avons la prétention de considérer que nous avons réussi cette transition. Ce rendez-vous est en tout cas un grand temps fort, peut-être encore plus que le Normandie Horse Show en été ou que le CSI 3* en automne. Nous sommes les seuls à faire cela à un moment où l’actualité est plutôt calme. Cela rend l’évènement incontournable avec une formule qui fonctionne plutôt bien, en restant raisonnables et à la hauteur de nos capacités. Dans cette filière assez individualiste, je suis favorable à ce que les gens se retrouvent.
Depuis quatre ans, les poneys font partie intégrante de ce Salon. Pourquoi avoir fait ce choix ?
Je ne comprenais pas que les poneys se retrouvent seuls et entre eux. Les origines poneys sont de plus en plus étendues aux chevaux. Même si on sait que la filière est très segmentée, on ne peut pas dire qu’il s’agit de deux mondes totalement différents. Dès le départ, nous avions eu un accord avec l’Association Nationale du Poney Français de Selle (ANPFS) pour présenter la jeune génétique poney. Ils n’ont finalement pas donné suite donc l’association régionale, l’Organisation Normandie Poney (ONP), a pris le relai dans la logique de maintenir l’élite poney. Nous avons la volonté de maintenir le haut niveau à poney, même si tout le monde n’est pas d’accord. Pour la première fois, des poneys vont participer au Grand Match dans des équipes. Il s’agit d’une évolution positive à mon avis. Lorsque l’on voit Quabar des Monceaux sauter, je pense que c’est plaisant pour tout le monde. À Saint-Lô, nous avons la volonté de mélanger les filières et les disciplines. Je trouve que de trop jouer la segmentation est une erreur de notre filière. Si chacun reste dans son coin, cela ne donne aucune visibilité et pas la moindre crédibilité. À un moment, nous avions fait venir des étalons arabes, ce qui n’était pas une réussite car l’écart était trop grand et qu’il ne s’agissait que d’étalons régionaux. Nous avons fait des erreurs, mais en l’occurrence notre créneau est l’étalon de sport. Il suffit de parler aux étalonniers présents sur le stand de l’ONP, ils sont ravis de vendre des saillies ! Ils profitent d’une visibilité qu’ils n’auraient pas ailleurs. De la même façon, si le stud-book Selle Français organisait son championnat sans s’accrocher à un évènement, cela ne fonctionnerait pas. L’association régionale est dynamique et agréée elle-même les poneys en les sélectionnant pour la trentaine de places qui lui est donnée. Si on peut rassembler tout le monde en début de saison dans un espace où les gens discutent au-delà des ventes de saillies, alors le contrat est rempli. En définitive c’est un peu le Salon de l’agriculture !