“Créer des synergies entre les différentes composantes du monde du cheval”, Éric Hoyeau

Les 14 et 15 février aura lieu l’Act III de The Auction by Arqana. Initialement prévue en direct de Hong Kong et en simultané sur internet, cette vente se déroulera uniquement sur la toile à la suite de l’annulation du Longines Masters de Hong Kong et de l’Asia Horse Week. Entretien avec Éric Hoyeau, Président directeur général d’Arqana, qui présente sa société et son implication nouvelle dans la vente de chevaux de sport.



Pouvez-vous présenter Arqana et la genèse de la société ?
Arqana est la première société de vente aux enchères spécialisée dans les chevaux et plus particulièrement dans les chevaux de course. Arqana est née en 2006 de la fusion de deux sociétés : l'Agence française de ventes de Pur-sang – qui organisait les ventes de Deauville - et Goffs France, une société franco-irlandaise. Arqana a été créée autour d'un certain nombre d'actionnaires de référence, dont l'Aga Khan, Artcurial – une société de vente aux enchères spécialisée dans le fine art -, ainsi qu'un certain nombre d'éleveurs de Pur-sang, qui, pour beaucoup, étaient déjà actionnaires des ventes de Deauville. L'objectif était d'arriver à avoir une société de vente aux enchères qui soit forte. La concurrence n'était pas véritablement à l'intérieur du territoire, mais elle est mondiale puisque nous sommes sur un marché global avec une forte concurrence à l'intérieur de l'Europe où ont eu lieu un certain nombre de regroupements. Aujourd'hui, il y a trois grands pôles avec Tattersalls, le groupe Goffs, qui rayonne majoritairement en Irlande, et Arqana, qui se devait d'être forte pour mettre en avant la production française mais également montrer qu'elle pouvait être une place de marché. 
 
À quel type de marché s’adresse Arqana ?
Arqana est présent sur différentes strates de marché, majoritairement sur le Pur-sang, mais également sur le trot, avec une répartition de 90% pour le galop et 10% sur le trot. Tout ceci représente un volume de chevaux qui est important et nous avons pu ainsi suivre l'évolution du marché mondial en développant notre volume d'affaires. En 2005, le cumul du marché français était de l'ordre de 60 à 70 millions d'euros, alors qu'en 2019, nous sommes proches de 165 millions d'euros de volume d'affaires, avec 149 millions pour le galop et 16 pour le trot ainsi qu’une progression de 5%. Cela représente entre 3000 et 3500 chevaux vendus, pour 5000 chevaux catalogués. En Europe, il y a environ 18 000 lots vendus, dont 3500 pour Arqana, à une moyenne de 51 000 euros. Le marché mondial a légèrement décru entre 2018 et 2019, alors que le marché d'Arqana a continué de progresser avec une augmentation de 5% en volume. 
Les ventes les plus connues du grand public sont les ventes de yearlings d'août, mais ce n'est qu'une petite partie de l'activité d'Arqana, car cela représente 400 à 500 yearlings de présentés. 
Nous avons une activité toute l'année car nous cataloguons environ 1300 yearlings sur toute l'année et nous opérons également sur des chevaux à l'entraînement, ainsi que sur le marché de l'élevage, avec des juments, des pouliches sortant de l'entraînement et destinées à l'élevage ainsi que sur des poulains de l'année. Notre travail est de pouvoir évaluer ce qui est mis sur le marché, d'aller chercher la qualité demandée par les acheteurs et de savoir classifier les chevaux au gré des différentes vacations de l'année. Nous avons une quinzaine de vacations annuelles toutes spécialités confondues. 
Notre promotion repose sur les succès que l'on peut avoir. Nous avons une véritable progression et une reconnaissance des marchés par les succès affichés. En 2019, nous avons eu quasiment cinquante performers de Groupe 1 et nous sommes en progression régulière sur les grandes épreuves. En 2019, nous avons accumulé près de 450 performances “black type”, c'est à dire des performances de niveau groupes et “listed race”contre 357 en 2018, ce qui est assez spectaculaire. 
 
Comment Arqana en est arrivée à la vente de chevaux de sport ?
Notre lieu principal de vente est Deauville, mais nous avons également conservé une activité en Région parisienne et nous sommes constamment à la recherche de différents développements et de potentielles synergies. Raison pour laquelle nous avons développé un certain nombre de choses à l'étranger ainsi que des sessions de ventes en ligne et c'est par ce biais que nous avons rencontré Christophe Ameeuw. Les chevaux de sport, ce n'était pas totalement nouveau pour Arqana, puisqu'il y avait eu une première approche en 2017, où nous avions organisé la vente de dispersion de l'élevage des Brimbelles de Guy Schumacher à Deauville. 
C'est un marché qui est assez voisin du nôtre, puisque nous avons tous souvent eu des expériences dans les sports équestres avant d'être venus aux courses, on a un certain nombre de membres du personnel qui sont passionnés par les deux univers.
Le lien avec Christophe Ameeuw s'est fait suite à une prise de contact de Christophe qui suivait nos activités et notamment les ventes en ligne. Il souhaitait introduire dans le marché des sports équestres un peu du professionnalisme qui fait le succès des ventes de chevaux de courses, qui sont des ventes extrêmement normées où la majorité d'une classe d'âge passe en ventes publiques, ce qui donne des vrais repères de valeur aux éleveurs, ce qui n'est pas vraiment le cas aujourd'hui dans le marché des sports équestres. 
Christophe Ameeuw voulait développer les ventes aux enchères à la manière de ce qui se fait dans le Pur-sang, avec du professionnalisme au niveau de l'organisation ainsi que des conditions de vente bien établies et une certaine transparence dans le fonctionnement, y compris financier des ventes. 
Nous avons donc eu des discussions à partir de 2018, qui ont débouché sur une première vente en février 2019, qui était une vente d'embryons de chevaux de sport qui s'est déroulée en duplex entre les Longines Masters de Hong Kong et Deauville, ainsi que sur Internet. Il était possible d'enchérir physiquement à Hong Kong et à Deauville, ainsi que sur Internet, ce qui était un défi technologique non négligeable, car nous n'avions jamais fait ça avec Arqana. 
Arqana est domiciliée à Deauville et il y a un écosystème autour de Deauville qui est assez propice avec de nombreux éleveurs et propriétaires de chevaux de sport dans la région. 
 
Quel bilan pouvez-vous tirer des deux premiers actes de The Auction by Arqana ?
Ça a été une belle réussite. Techniquement, ça a parfaitement fonctionné, 80% des lots ont été vendus et nous avions établi un record de prix moyen pour des embryons à 26 000 €. Cette première vente très réussie a été suivie par la vente de performers qui a eu lieu au Cirque d'hiver de Paris en décembre. Cette vente était de nouveau très novatrice avec des chevaux présents physiquement en plein Paris et un accent assez fort mis sur l'événementiel, avec un top price à 560 000 €, donc de nouveau une belle expérience. Dans les semaines qui viennent, nous poursuivons avec l'Act III, qui est de nouveau une vente d'embryons. Comme Hong Kong a dû être annulé (en raison de l’épidémie de coronavirus, ndlr), cette vente se déroulera uniquement en ligne avec un très beau catalogue à la hauteur de ce que nous avons essayé de faire depuis le début de The Auction avec dix-sept embryons très haut de gamme. Cela permet de donner un peu des valeurs de marché avec des éleveurs qui ont ces produits assez rares et qui choisissent de jouer le jeu du marché public. 
Après l’annulation de l’Asia Horse Week, l'Act IV n'a pas lieu et sera reporté à une date ultérieure. 
 
Quel est l’objectif à terme de The Auction by Arqana ?
L'objectif est véritablement de continuer de renforcer cette phase de collaboration pour arriver à déterminer à terme un programme de vente régulier et pérenne. 
Nous sommes toujours dans cette phase de construction, mais ça fait véritablement partie du développement d'Arqana et nous pensons que ce type de développement peut aussi créer des synergies entre les différentes composantes du monde du cheval et de professionnaliser et crédibiliser les ventes publiques de chevaux de sport. Nous sommes globalement une grande filière et il est nécessaire de la mettre en valeur selon un procédé équivalent à ce qui a été fait dans le Pur-sang. Il y a un certain nombre d'acheteurs et de vendeurs communs aux différentes disciplines. Il y a des éleveurs et des propriétaires qui ont à la fois des chevaux de courses et des chevaux de sport, donc un certain nombre de synergies qui existent déjà et que nous espérons renforcer avec ce partenariat. Il est un peu tôt pour rebondir sur le développement, mais l'objectif est de pouvoir néanmoins y parvenir et le fabriquer. Il y a des réglages à opérer, qui nécessitent de connaître parfaitement le marché pour trouver des axes de développement qui puissent correspondre aux besoins de ce marché, qui est très spécifique, car les habitudes et la culture dans le sport équestre sont différents de ce que nous connaissons dans le Pur-sang. Les ventes de Pur-sang existent en France depuis plus d'un siècle et se sont professionnalisées au fur et à mesure, alors qu'en comparaison, les ventes élite de chevaux de sport en sont, d'une certaine manière, à leur balbutiement. Il y a donc évidemment un véritable chantier qui nous intéresse au plus haut point. 
Il est intéressant aussi de constater qu'autour de notre base de Deauville se développe un certain nombre d'événements ainsi qu'une concentration accrue d'acteurs du marché du cheval de sport qui se sont concentrés dans la région. Beaucoup d'éleveurs ont achetés des propriétés dans la région, il y a eu la création du PIC, Longines Deauville Classic, donc nous sommes au cœur de cette évolution assez nette que nous avons vu s'opérer lors de ces dernières années. Il n'y a pas de raisons que ce qui est possible dans l'univers des Pur-sang ne le soit pas dans les sports équestres.