'DONNER LA PAROLE À CEUX QUI NE L'ONT PAS À LA FFE', HERVÉ GODIGNON



En moins d’un mois, "Les "indignés" de la politique fédérale de la FFE", le groupe créé sur Facebook par Hervé Godignon et sa femme Olivia Angelletti-Godignon, a réuni plus de 4600 membres, une preuve - en fallait-il une de plus ? - qu'une distance s'est installée entre la direction de la Fédération et la France d'en-bas du cheval, si l'on peut la nommer ainsi. Toutes les disciplines, toutes les régions et tout type d'acteurs du milieu équestre ont adhéré à ce groupe, qui, loin d'être un défouloir de plus, se veut constructif dans le vaste et complexe débat qui concerne la politique sportive de la FFE, sur fond de crise économique et morale. Hervé Godignon le promet, il ne s'agit en rien d'un tremplin pour une nomination au sein du staff fédéral. Il entend simplement fédérer, synthétiser et porter au plus haut la parole de ces indignés.


 
GrandPrix-Replay.com : Pourquoi et comment est né ce groupe Facebook?
Hervé Godignon : Nous l'avons créé avec ma femme, Olivia, le 7 janvier. L'idée est d'essayer de prendre une photo de la pensée diverse de la France du cheval, qui est un peu agacée par le scénario qui est en train de se jouer à la FFE. Aucune décision n'a été prise depuis notre échec aux Jeux olympique de Londres. Les Jeux équestres mondiaux de Normandie ont lieu dans dix-huit mois. Je sais, par expérience, à quelle vitesse vont passer ces dix-huit mois. Nous souhaitions donc interpeller. Mais comment? Je ne me voyais pas appeler la FFE, tout seul dans mon coin. Nous avons donc décidé de nous adresser aux premiers concernés, les licenciés de la Fédération, dans leur diversité, pour pouvoir avoir une vision globale, pas seulement celle des sportifs de haut niveau, que j'ai pu porter par le passé à travers l'Association des cavaliers de saut d'obstacles en France (ACSOF). Nous avons donc lancé ce petit truc, sur Facebook, en nous disant : "On verra bien". Visiblement, ce sujet passionne. Il faut dire que les mécontents sont nombreux et qu'ils ne peuvent pas vraiment s'exprimer puisque, statutairement, les petits n'ont pas leur mot à dire à la FFE, les voix électives étant portées par les patrons de centres équestres. Les simples licenciés, eux, n'ont pas les moyens de s'exprimer. Ce groupe est là pour leur donner la parole et pour essayer de synthétiser les idées de chacun sur les sujets les plus récurrents afin ensuite de faire remonter des choses.

 
GPR : Êtes-vous satisfait de ce point de vue?
H.G. : Compter sur 4600 membres en si peu de temps, c'est déjà très bien. Nous allons voir jusqu'où cela ira. En tout cas, cela fait plus que les 500 membres de l'ACSOF. À l'époque où je la présidais, je me suis déjà entendu dire qu'elle ne représentait pas grand-chose à l'échelle de la FFE... Nous sommes un certain nombre à être mécontents. Toutes les sensibilités doivent s'exprimer. Ce qui est certain, c'est que nous sommes face à une fédération pas assez fédérative, en comparaison avec la Fédération française de football, par exemple. En ce qui me concerne, je ne suis pas pour la séparation du sport de haut niveau et de la base, ça n'a pas de sens. Développer la base est une mission essentielle de la FFE - je le comprends très bien - mais cela ne doit pas se faire au détriment du haut niveau.

 
GPR. : Quel regard portez-vous sur les tractations qui ont lieu depuis plusieurs mois et sur les retraits et/ou départs successifs de Philippe Léoni, Jean-Maurice Bonneau, Patrick Caron, Henri Prudent, Laurent Bousquet et Henk Nooren?
H.G. : Je trouve cela très inquiétant et très troublant. Je n'ai pas les raisons pour expliquer pourquoi on n'arrive pas à aboutir à quelque chose de tangible, tant du point de vue du projet que des hommes pour le conduire. Peut-être ne propose-t-on pas assez de moyens aux candidats pour assurer leurs missions...

 
GPR. : Jean-Maurice Bonneau et Henk Nooren ont fait valoir l'indécision fédérale mais aussi le manque de soutien de certains cavaliers. On imagine pourtant les titulaires de l'équipe de France plus faciles à gérer qu'à votre époque... N'accorde-t-on pas trop d'importance à leur opinion par rapport à d'autres disciplines sportives?
H.G. : De ce point de vue, je crois que les cavaliers sont d'abord victimes d'un manque d'éducation et de formation. Je pars toujours du principe qu'il n'y a pas de mauvais employés, il n'y a que des mauvais patrons. C'est un problème de mentalité et d'esprit qu'il faut retrouver. Cela prend du temps mais ça ne coûte rien. La notion d'intérêt général et d'équipe doit prévaloir sur l'individualisme. Pour ce qui est de consulter les cavaliers dans le choix de leur entraîneur, il ne faut pas oublier la particularité des sports équestres. Par rapport à d'autres disciplines, on a affaire à des athlètes adultes, parfois âgés et toujours chefs d'entreprises. Il me semble donc normal d'agir ainsi.

 
"Hubert Bourdy a tout à fait le profil pour une opération commando"

 
GPR. : Ce groupe Facebook n'est-il un outil pour appuyer votre candidature à un poste?
H.G. : Je ne suis absolument pas candidat au moindre poste, en tout cas pas dans le fonctionnement actuel de la Fédération. Je ne m'y sentirais pas bien. Je comprends d'ailleurs parfaitement pourquoi Philippe Léoni voulais prendre le poste de directeur en établissant un système et un staff totalement nouveaux. Arriver au milieu de gens que ne connaissent rien au haut niveau et devoir s'appuyer ou négocier avec eux, ce n'est pas possible.

 
GPR. : Avec votre longue expérience, vos cent-trois sélections en Coupe des nations et votre aptitude au coaching, vous présenteriez le profil idéal. De quoi les cavaliers ont-ils selon vous besoin? D'un technicien? D'un coach? D'un sélectionneur?
H.G. : Pour moi, l'entraîneur national n'est pas le coach des cavaliers. Il doit naturellement avoir une expérience de cavalier et de réelles compétences techniques - ne serait-ce que pour pouvoir rectifier des choses sur le terrain - mais son rôle principal n'est pas là. Au niveau de l'équipe de France, les cavaliers sont heureusement au point, leurs chevaux aussi. Ce qu'ils recherchent, c'est un véritable chef d'équipe, présent sur le terrain, disponible et affranchi de toute autre obligation. Henk Nooren, par exemple, est un technicien excellent mais pas un vrai chef d'équipe. Son rôle doit être de fédérer et de permettre à chacun de donner le meilleur de lui-même pour l'équipe de France. De ce point de vue, ma plus belle aventure a été les Jeux olympiques d'Atlanta, en 1996. Nous sommes tous partis aux États-Unis pendant un mois pour acclimater les chevaux, avec Patrick Caron, Bosty, Alexandra Ledermann, Patrice Delaveau, le vétérinaire et le maréchal-ferrant. Caron a réussi un véritable tour de force. L'ambiance était formidable, personne ne s'est jamais engueulé. Il a su respecter chacun avec ses habitudes, ses rythmes et ses spécificités. En tout cas, c'est un poste à temps plein, et pas aux trente-cinq heures, c'est clair! Cela demande une grande présence en concours et une connaissance de tous les couples pour pouvoir établir des plans A et des plans B.

 
GPR. : Beaucoup de candidats potentiels ont décliné les offres de la FFE. Qui, parmi ceux qui restent en lice, vous semble à la hauteur du poste?
H.G. : Je pense qu'Hubert (Bourdy) a tout à fait le profil pour une opération commando à dix-huit mois des JEM.

 
GPR. : L'équipe de France ne mérite-t-elle pas mieux qu'une opération commando?
H.G. : Si, bien sûr, mais la FFE n'a pas l'air de vouloir aller dans ce sens. Faute de grive, il faut savoir manger du merle.

 
GPR. : Votre groupe Facebook peut-il donner naissance à une association?
HG : Je ne sais pas, cela va dépendre de la motivation des gens.

 
GPR : Pour un cavalier à la retraite, vous montez encore souvent et plutôt bien à cheval. De quoi sera faite votre saison 2013?
H.G. : J'ai bien évidemment repris une licence, à l'ACSOF! C'est une obligation, en tant que propriétaire de chevaux. Tant qu'à faire, une fois qu'on a sa licence, autant monter à cheval! Je n'ai pas de projet sportif. J'ai beaucoup de jeunes chevaux, j'adore ça.

 
GPR. : Continuez-vous à vous occuper d'Henri Kovacs?
H.G. : Oui, bien sûr. Il monte à partir de cette année pour la Finlande. Ayant la double nationalité hongroise et finlandaise, il a opté pour la seconde. Il faut dire que nous n'avons jamais senti le moindre intérêt de la Hongrie tandis que la Finlande, elle, a mis en place un projet sportif et pourra nous aider à obtenir des invitations dans les grands concours.

 
Propos recueillis par Sébastien Roullier