“Si j’ai la possibilité de bien figurer à Tokyo, alors je me battrai pour avoir ma place”, Rodrigo Pessoa

Samedi matin à l’occasion du CHIO d’Aix-la-Chapelle, Rolex a invité trois journalistes à échanger avec l’un de ses ambassadeurs, Rodrigo Pessoa, le champion olympique, champion du monde et triple vainqueur de finales de Coupe du monde. GRANDPRIX a eu ce privilège et a pu s’entretenir avec cette légende vivante du saut d’obstacles. Venu en Allemagne pour accompagner et aiguiller ses troupes irlandaises, dont il est le chef d’équipe depuis 2017, Rodrigo Pessoa a pu évoquer ce rôle, mais aussi sa carrière de cavalier. Avec l’arrivée d’un cheval d’envergure dans ses écuries fin mars, il se prend de nouveau à rêver aux anneaux olympiques… Entretien. 



ici aux côtés de Bertram Allen, Rodrigo Pessoa a pris les rênes de l'équipe d'Irlande en 2017.

ici aux côtés de Bertram Allen, Rodrigo Pessoa a pris les rênes de l'équipe d'Irlande en 2017.

© Scoopdyga

Il y a vingt-cinq ans, vous battiez votre père Nelson Pessoa ici même avec Special Envoy, dans le Grand Prix d’Aix-la-Chapelle. Quel souvenir en gardez-vous, et plus largement, que vous évoque ce concours ? 
Lorsque j’étais petit, Aix-la-Chapelle était LE concours le plus important, et c’est toujours le cas. Si on devait le comparer au tennis, il s’agirait du Wimbledon des sports équestres. Enfant, mon rêve était de remporter ce Grand Prix. J’avais dix-huit ans la première fois que j’ai concouru ici, et vingt-et-un l’unique fois où je me suis imposé dans le Grand Prix. À chaque fois que je reviens, ces souvenirs refont surface. Aix-la-Chapelle est un concours lors duquel j’ai toujours voulu réussir, et j’y ai vécu des moments très spéciaux, comme des mauvais. C’est un superbe endroit pour briller. Lorsque l’on voit les tribunes pleines pendant le Grand Prix Rolex et que le soleil est au rendez-vous, c’est incomparable. Le Grand Prix que j’ai remporté et que mon père a conclu à la troisième place reste un souvenir inoubliable. 
 
Pendant des années, vous êtes venus à Aix-la-Chapelle comme cavalier, mais vous endossez dorénavant le rôle de chef d’équipe d’Irlande depuis 2017. Comment abordez-vous cela ?
C’est un peu différent, mais au final, l’objectif est le même, je veux que mes cavaliers fassent bien. Nous sommes venus avec une bonne équipe, avons remporté quelques épreuves, et ne sommes pas passés loin dans la Coupe des nations jeudi (composée de Shane Sweetnam/Chaqui Z, Peter Moloney/Chianti’s Champion, Darragh Kenny/Important de Muze et Cian O’Connor/Irenice Horta, l’Irlande a conclu l’épreuve à la quatrième place, derrière la France, ndlr) mais les choses ne se sont pas vraiment passées comme prévu en deuxième manche. C’est comme cela ! Je pense dans tous les cas que de participer à ce concours est une excellente expérience pour les cavaliers, propriétaires, chefs d’équipes et supporters. Tout le monde garde une place dans son calendrier pour pouvoir venir au moins une journée.  
 
En tant que chef d’équipe, êtes-vous plus stressé en regardant vos cavaliers que lorsque que vous êtes en selle ? 
C’est une pression différente, car lorsqu’ils entrent en piste, je ne peux plus rien faire. Je n’ai plus qu’à espérer que tout se passe bien. En tant que cavalier, j’ai encore la possibilité d’intervenir sur le résultat. Si je suis stressé, c’est aussi car j’y accorde de l’importance et que je veux leur réussite. C’est ce qui compte. 

La Coupe des nations d’Aix-la-Chapelle a-t-elle été un bon test à un mois du coup d’envoi des championnats d’Europe de Rotterdam ? 
La configuration du concours sera différente, car la piste des Européens est petite et en sable, contrairement à Aix-la-Chapelle où le terrain est immense et en herbe. Quoi qu’il en soit, cette Coupe des nations met beaucoup de pression aux cavaliers, donc il s’agit en ce sens d’un bon test. Nous avions un ou deux nouveaux chevaux, et un nouveau couple composé du jeune Peter Moloney et de son cheval Chianti’s Champion (monté jusqu’en mars par le Néerlandais Frank Schuttert, ndlr). Nous voulions le confronter à une épreuve à enjeu et il s’est très bien débrouillé (le couple n’a écopé que de quatre points en seconde manche, ndlr). Nous avons eu de bonnes informations et nous avions bien fait jusqu’aux trois quarts de l’épreuve. Malheureusement, alors qu’il était parti pour réaliser un bon sans-faute, notre troisième cavalier (Darragh Kenny en selle sur Important de Muze, ndlr)a écopé de quatre points en deuxième manche, ce qui a rendu la victoire impossible. Nous avons en tout cas tiré de bons enseignements, et à cinq semaines du championnat, nous allons tenter de conserver une bonne dynamique et d’arriver en bonne forme aux Européens. 


?“À Rotterdam, l’Irlande aura une sacrée tâche à accomplir”

Rodrigo Pessoa fonde de grands espoirs en Quality FZ, un cheval auparavant

Rodrigo Pessoa fonde de grands espoirs en Quality FZ, un cheval auparavant

© Sportfot

Avez-vous de bons espoirs pour la qualification de l’Irlande aux Jeux olympiques ? 
Tout à fait, oui. La concurrence dans notre groupe de qualification est toutefois importante, et nous allons faire face à des nations très sérieuses (la France, la Grande-Bretagne, la Belgique, l’Espagne, le Portugal et l’Italie, ndlr). Dieu merci, certains drapeaux redoutables ont déjà leur ticket, ce qui laisse un peu de champ libre. Nos concurrents sont tout de même très bons, donc nous prenons cela très sérieusement. Nous avons le dos au mur, comme tout le monde, et nous devons trouver un moyen de parvenir à décrocher notre qualification. Nous sommes confiants, car lorsque l’on aborde un championnat il est nécessaire d’être sûr de soi. Mais il faut également rester vigilant et respecter ses adversaires. Nous savons que nous avons une sacrée tâche à accomplir, et nous allons faire au mieux pour y parvenir. 
 
Vous célébrez cette année vingt ans de partenariat avec Rolex. Quelle a été votre relation avec cette marque pendant ces deux décennies ? 
C’est un grand honneur d’être partenaire d’une marque comme Rolex. C’est fou de se dire qu’il y a vingt ans déjà, j’étais au CHI de Genève et j’ai reçu un appel du département marketing qui voulait m’intégrer à sa liste d’ambassadeurs. Évidemment, j’ai immédiatement accepté et je ne l’ai jamais regretté. Il s’agit d’un soutien incroyable pour les sports équestres, mais pas seulement. D’un point de vue personnel, cela m’a permis de développer de nouvelles amitiés, car il s’agit d’une grande famille. La chance qui nous est donnée de nous impliquer dans d’autres sports et de rencontrer des personnes formidables est vraiment unique. Lorsque je prends le temps de regarder en arrière, je me dis que c’est fou de penser que cela fait déjà vingt ans, j’ai l’impression que c’était hier. On ne voit pas le temps passer lorsque l’on s’amuse ! Cette alliance est un grand honneur et j’espère qu’elle durera.  
 
 
Il y a quelques mois, vous avez récupéré Quality FZ. Pouvez-vous nous en dire davantage à son sujet ? 
C’est un cheval qui malgré ses dix ans n’est pas encore tout à fait mûr. Il doit encore progresser mais a beaucoup de potentiel et est très respectueux. Il est volontaire mais a besoin de temps, car il est destiné au grand sport. J’ai commencé à le monter fin mars, et je suis très heureux de ses progrès. Nous avons fait du chemin, et nous prendrons part à notre premier CSI 5* à Dinard, début août. J’espère que d’ici la fin de l’année, tout sera bien en place et qu’il sera prêt pour prendre part aux plus grandes compétitions dès l’année prochaine. 
 
Avec en ligne de mire les Jeux olympiques de Tokyo ? 
Je veux rester raisonnable. SI j’ai un cheval capable d’y obtenir un bon résultat et d’y être compétitif, alors oui. Dans le cas contraire, cela ne m’intéresse pas d’y aller juste pour y participer une fois de plus. Si Quality ou un autre cheval me donne la possibilité de bien y figurer, alors je me battrai pour avoir ma place.


“Après 2016, j’ai eu besoin de faire une pause”

Rodrigo Pessoa aux côtés de Philippe Guerdat, sélectionneur du Brésil depuis le début d'année.

Rodrigo Pessoa aux côtés de Philippe Guerdat, sélectionneur du Brésil depuis le début d'année.

Avez-vous donc prévu de concourir davantage dans les mois qui viennent ? 
À court terme, les prochaines semaines vont être dédiées à l’équipe d’Irlande afin que nous soyons préparés au mieux pour les championnats d’Europe. Une fois cela passé et que nous serons qualifiés pour les Jeux olympiques (comme la France, les vestes vertes devront se battre pour obtenir leur ticket, ndlr), alors la pression pourra redescendre. Il n’y aura ensuite que la finale de la Coupe des nations de Barcelone, après quoi les épreuves par équipes seront finies. Je resterai quoi qu’il arrive en contact avec les cavaliers pour la suite. 
 
Si vous concourrez vous-même davantage, pourrez-vous conserver votre rôle de chef d’équipe d’Irlande ? 
Je ne sais pas, si les deux rôles sont compatibles alors peut-être. Nous en saurons plus après Rotterdam, car de la possible qualification dépend plusieurs choses. Pour l’heure, toute notre énergie est concentrée vers cette échéance, et nous réfléchirons au futur par la suite. Si l’on veut concourir à un niveau sérieux, concilier les deux est difficile. Mais on ne sait jamais, nous pourrions trouver un système qui convient à tout le monde. Nous y réfléchissons, mais ne voulons nous détourner de notre objectif principal : Rotterdam. 
 
En tant que cavalier, vous représentez le Brésil, dont Philippe Guerdat est le sélectionneur depuis février. Qu’est-ce que cela représente pour les Auriverdes de compter sur son soutien ? 
Bien que je n’aie pas représenté le Brésil lors de compétitions par équipes cette année, le travail de Philippe a été très bon. Nous nous sommes retrouvés sur quelques concours, où nous avons eu l’occasion de parler des cavaliers sur lesquels le Brésil peut compter. Cela a été une très bonne expérience, et j’espère qu’ils pourront se qualifier pour les Jeux olympiques (le Brésil tentera de décrocher son ticket du 6 au 9 août à l’occasion des Jeux panaméricains de Lima, au Pérou, ndlr), que nous pourrons présenter une équipe à Tokyo et que Philippe sera encore là pour apporter son expertise. Il a une connaissance du sport remarquable et sait se placer en leader, donc j’espère qu’il restera. 
 
Pourquoi aviez-vous décidé de mettre votre carrière de cavalier entre parenthèses, avant de finalement revenir avec de grandes ambitions ? 
En 2016, j’ai été extrêmement déçu de ne pas avoir pu prendre part aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro, dans mon pays. J’ai eu besoin de faire une pause et de prendre le temps. Après cela, j’ai rencontré les Irlandais un peu par hasard, et ils m’ont demandé si je pouvais être intéressé pour faire quelque chose avec eux. Ils poussaient vraiment en ce sens. Je me suis donc dit “et pourquoi pas ?”. À cette période, je n’avais pas de cheval qui pouvait me faire rester dans le sport, ce qui me laissait du temps libre. J’ai eu la volonté de voir le sport sous un autre angle et de prendre un peu de repos. C’est une décision que je ne regrette pas, j’ai jusqu’alors passé d’excellents moments avec les Irlandais et cela a été très enrichissant d’un point de vue professionnel. […] Au final, il ne s’agit pas d’un comeback puisque je n’ai jamais annoncé que je prenais ma retraite ; il s’agit plutôt d’un nouveau départ ! 
 
De tous les chevaux que vous avez monté, le légendaire Baloubet du Rouet est-il le meilleur ? 
Je pense, oui. J’ai été très chanceux de pouvoir monter beaucoup de chevaux, mais Baloubet avait quelque chose en plus. Il était très spécial, et nous avons connu de mauvais moment, notamment ici à Aix-la-Chapelle. Ce n’était pas une piste qu’il appréciait. Quand on y pense, il était tellement meilleur que tous les autres… Cela rend la vie vraiment plus facile de concourir avec un tel crack. De nous jours, il pourrait d’ailleurs encore gagner. Il savait aller vite, tourner court et disposait d’un respect exceptionnel.