En février, Xavier Marie confiait à GP International une « remarquable entente avec Kevin Staut », « une équipe, constituée entre le cavalier et le Haras de Hus, qui gagne et qui continuera de gagner. » Avec l’épisode Zeta de Hus, l’entente est-elle toujours au beau fixe ? Les langues se délient ces derniers jours, et GrandPrix-replay.Com a de nouveau posé la question de la suite de la collaboration à Xavier Marie.
GrandPrix-replay.Com : Xavier Marie, vous avez décidé très rapidement de confier votre jument Zeta de Hus à Michel Robert, alors que celle-ci évoluait sous la selle de Kevin Staut. Pourquoi une telle précipitation ? Xavier Marie : La décision a effectivement été très rapide, les événements se sont enchaînés de la façon suivante : nous avons eu une demande de prix pour la jument émanant d'un client étranger ; initialement, nous avions décidé d'essayer de vendre la jument après les Jeux au cas où Silvana ne serait pas au mieux de sa forme. Nous sommes aujourd'hui beaucoup plus proches de l'échéance et il apparaît comme une certitude que Silvana ira au Jeux avec Kevin, sauf accident bien entendu. Nous avons donc décidé, avec Kevin, d'annoncer un prix pour la jument. Le client n'est pas revenu vers nous. Dimanche (25 mars, ndlr), l'idée de confier la jument à Michel Robert m'est venue soudainement : j'ai alors regardé la situation de l'équipe de France que je n'avais pas analysée, ni suivie ces derniers mois, car je m'étais résigné après la vente de Silvana au fait que le Hus n'aurait pas de cheval d'obstacles aux Jeux. J'ai ainsi découvert que Michel Robert était hors course car il avait vendu sa jument, que l'équipe avait trois couples forts et deux un peu plus faibles. J'ai été en fait assez troublé de constater que cette idée Zeta / Michel Robert, qui s'était imposée à moi, avait tout son sens dans la réalité. En effet, si Michel arrive à se mettre rapidement avec la jument, il peut devenir le couple fort supplémentaire qui nous manque et augmenter ainsi nos chances de médailles en équipe et en individuel. Lundi, M. Perron-Pette m'a fait part de son souhait de se porter acquéreur de la jument pour la laisser à Kevin, afin qu'elle sécurise la participation de Kevin aux Jeux. Ma décision était prise de la confier à Michel, j'ai décidé de suivre mon instinct et j'ai informé Kevin de ma décision.
GPR : N’est-ce pas un risque à seulement quatre mois des Jeux olympiques ? X.M. : Certes cette décision est risquée, il faut que Michel Robert se "mette" avec la jument en un temps record et effectivement, ce n'est pas gagné : c'est un gros challenge, mais j'y crois parce que c'est Michel Robert, avec son énorme expérience et une équitation que j'aime beaucoup.
GPR : Kevin Staut se trouve désormais privé d’une cartouche de rechange en cas de problème avec Silvana. N’avez-vous pas peur que cela ait des conséquences sur le moral de l’équipe de France qui se retrouve ainsi sans réel leader ? X.M. : Il est vrai que cela prive Kevin d'une sécurité, et s'il devait arriver quelque chose à Silvana, cela serait alors une très mauvaise décision. Mais cette éventualité est tellement faible en contrepartie de ce que l'on peut gagner si ça marche... Je crois qu'on ne réalise rien d'exceptionnel sans un minimum de risques.
GPR : Vous parlez de la réussite sportive de votre collaboration avec Kevin Staut mais d’un échec commercial. Avez-vous le sentiment d’avoir été berné par quelqu’un qui a pris trop d’influence sur vos décisions et vos objectifs de départ ? X.M. : Berné, le mot est fort... Nous avons investi plusieurs millions d'euros sur le piquet de Kevin en trois ans, ce qui lui a permis l'ascension formidable que vous connaissez. Cet investissement devait être initialement commercial, mais aujourd'hui, nous avons perdu une grande partie de cet investissement, ce qui est lourd pour le haras qui doit faire vivre plus de vingt personnes. Le deal avec Kevin était de constituer un piquet de commerce de chevaux alimentant le sport de haut niveau. Le but était donc d'acheter des chevaux, de les améliorer par le travail, de leur faire faire des résultats en compétition et de les revendre avec une plus-value, puis de réinvestir une partie de la vente sur de nouveaux chevaux et ainsi de suite. Cela a l'avantage de permettre au cavalier de brasser des chevaux et de conserver celui qui lui convient le mieux tout en finançant le sport de haut niveau. Nous avons alimenté le sport mais pas le commerce. D'abord, des achats mauvais ou trop chers, puis pas assez d'implication de Kevin dans le commerce ; nous demandions aussi des prix irréalistes. Et enfin, lorsque Kevin a vraiment réagi, il était un peu tard : les chevaux avaient pris trop d'âge et perdu beaucoup de valeur.
GPR : Vous ouvrez les portes du Haras de Hus à de nouveaux cavaliers internationaux et français, peut-on parler d’un début de divorce avec Kevin Staut ? X.M. : Nous avons confié pour l'instant des chevaux du haras à d'autres cavaliers internationaux car soit Kevin avait trop de chevaux à sortir en concours, ce qui était le cas pour Gastronom qui était sorti par son cavalier-maison Frédéric, ou parce que Kevin ne croyait pas assez à certains chevaux, ce qui était le cas de Banda et de Once. Les chevaux ont été confiés à ces cavaliers dans un objectif de valorisation et de commerce là où Kevin avait déclaré forfait, et non pour prendre sa place dans les objectifs sportifs du haras.
GPR : Avez-vous la volonté de conserver l’union qui vous lie à Kevin Staut aujourd’hui ou bien devons-nous nous attendre à une séparation proche ? X.M. : Pour l'instant, nous sommes un peu en "conciliation", peut-être avons nous besoin d'un "conseiller matrimonial"...
GPR : Avez-vous parlé avec Kevin Staut depuis l’annonce du départ de Zeta du Hus pour les écuries de Michel Robert ? X.M. : Kevin a mal réagi au départ de Zeta. Ce que je comprends très bien, d'autant que c'est le cheval sur lequel il a fait le meilleur travail de valorisation : un super boulot ! Mais au regard des investissements qui ont été faits pour lui et des échecs subis par le haras qui nous ont contraints notamment à vendre Silvana et ce faisant, à perdre notre chance d'avoir un cheval aux Jeux, j'aurais apprécié qu'il soit solidaire avec cette nouvelle chance, aussi mince soit-elle, d'avoir quand même un cheval à Londres au lieu de jouer les seconds rôles.
GPR : Comment envisagez-vous l’avenir avec Kevin et concrètement, comment les choses pourraient-elles s’améliorer si toutefois vous souhaitez qu’elles s’améliorent ? X.M. : Je dois dire que depuis quelques mois, je digère mal l'échec économique de notre collaboration car la facture s'allonge et se précise. J'ai aussi un peu un sentiment d'injustice et de "mari éconduit" car Kevin a plus souvent remercié les Perron-Pette en public pour Silvana depuis le début de l'année, qu'il ne l'a fait pour le haras depuis le début de notre collaboration... et alors que sur ses six chevaux, cinq appartiennent encore au Hus (Zeta, le Prestige, Nangaye, Zztop, Chica). Enfin bref, un peu d'amertume. Cela dit, je pense que les Perron-Pette sont un meilleur partenaire pour Kevin que le Haras de Hus, car ce sont de purs sponsors et c'est super. Ils ne l'ennuieront pas avec des objectifs commerciaux : tant mieux pour lui, mais ce n'est pas dans mes moyens financiers. Je dois, pour l'avenir, réussir à allier sport et commerce. Ce qui me semble un modèle incontournable pour durer dans le sport équestre.
GPR : Quelles sont donc vos ambitions pour le Haras de Hus au regard de ces changements ? X.M. : Kevin est un très grand cavalier qui est installé dans le haut niveau pour longtemps. Je suis un grand passionné qui doit faire réussir une jolie entreprise dans la filière équestre et je suis aussi là pour longtemps. Si donc nous étions amenés à nous séparer, il est probable que nous aurons l'occasion de nous rencontrer à nouveau dans l'avenir. Nous allons avoir des étalons qui vont passer le cap du haut niveau, s'installer dans le sport et qui, eux, ne seront pas à commercialiser. Côté sportif, nous avons écrit avec Kevin une magnifique success-story dont le sport équestre français avait besoin au moment où nous l'avons entreprise. Pour l'un comme pour l'autre, il ne reste plus qu'à espérer que nous continuerons aussi bien à servir cette cause.
Propos recueillis par Elodie Muller.