''Les organisateurs des JEM se fichaient des cow-boys et des randonneurs”, la tribune d'Allan Léon
Mercredi dernier, l'endurance a sûrement vécu le pire épisode de son histoire aux Jeux équestres mondiaux de Tryon, aux États-Unis. À la suite de plusieurs problèmes d'organisation et en raison d'un climat particulièrement éprouvant d'après la FEI, la course avait finalement été annulée. Sélectionné en équipe de France avec Spirit de Crouz, Allan Léon ne décolère pas. Il a tenu à prendre la parole sur GrandPrix-replay à travers une tribune.
Franchement, l'état du terrain ne m'a pas gêné. Le sol réagissait très bien et était de très bonne qualité! Malgré l'orage, d'une boucle à l'autre, nous n'avons pas du tout été en difficulté. Les problèmes venaient tous de l'organisation. Ils ont quand même donné deux départs d'une course support des championnats du monde... C'est inadmissible. La course devait commencer à 6h30, et nous, nous étions devant la ligne de départ, mais nous n'étions qu'une quarantaine. Il n'y avait même pas la moitié des partants, dont des têtes d'affiche! Nous ne comprenions pas ce qu'il se passait. Nous avons fait remarquer au président du jury, Jean-Pierre Allegret, que tout le monde n'était pas là, qu'il fallait attendre le reste des concurrents! La réponse a été: "Je m'en fiche, je donne le départ quand même!" C'est absurde et minable, je ne comprends toujours pas cette réaction...
La météo a accéléré les choses, mais n'a été qu'une excuse. Mes coéquipiers de l'équipe de France et moi avons su gérer nos chevaux, qui n'étaient absolument pas en difficulté. Nous n'aurions pas pu être dans de meilleures conditions pour obtenir une médaille par équipes, donc nous sommes évidemment très déçus. Certains cavaliers n'en ont pas fait autant, ils passaient leur temps à nous dépasser en trombes dans les montées... Je suis attristé pour ma discipline, pour tous les passionnés qui suivent ce sport, pour nos chevaux, pour tous les gens qui s'investissent...
"Ils essaient d'arranger les choses à leur sauce"
S'en sont suivis tout un tas de problèmes, auxquels ils n'ont pas su faire face à temps, et encore moins prendre les bonnes décisions. Des cavaliers se sont trompés de chemin parce qu'ils ont été mal indiqués par des membres de l'organisation, puis ils ont ordonné le nouveau départ de la course aux heures les plus difficiles en termes de climat... Ils savaient très bien que personne n'aurait pu finir la course parce que nous aurions dû la terminer de nuit. Selon moi, ils ont fait exprès de ne pas annuler la course dès le départ parce qu'ils savaient que toutes les fédérations demanderaient le remboursement des frais engagés pour venir à Tryon.Honnêtement, je ne crois pas qu'il y ait eu des magouilles de la part des pays du Golfe, parce qu'ils étaient aussi énervés et déçus que nous de la tournure de la course. Si c'était le cas, ils n'auraient pas financé une épreuve pour l'annuler... La seule explication, c'est que les organisateurs n'étaient pas du tout prêts à recevoir les JEM. Nous avons payé les pots cassés parce que nous étions la première discipline, et nous avons très bien vu en arrivant que l'endurance n'était pas la priorité. La priorité était mise sur les trois disciplines olympiques. La preuve, toutes les carrières étaient prêtes et le cross l'était quasiment, mais pour nous, il y avait encore des tractopelles sur notre terrain... Ils avaient mis le paquet sur le saut d'obstacles et le concours complet, mais les cow-boys et les randonneurs, ils s'en fichaient!
Depuis que la course a été annulée, nous sentons bien que la FEI et les membres du jury de la course essaient d'arranger les choses à leur sauce, et cela me fait bouillir... La part de responsabilité revient à l'organisateur, mais également à la FEI. Ils ne peuvent pas nous dire qu'ils ont pris de cette décision pour le bien-être des chevaux, c'est totalement faux. S'ils avaient pensé à leur bien-être, ils auraient modifié la course, rajouté des boucles, changé les horaires... Cela montre à quel point la FEI se fout complètement de l'endurance, alors qu'en termes de développement, de financements, de licenciés, nous prenons de plus en plus d'importance. Cela fait dix ans que la FEI n'arrive pas à régler les problèmes qui surviennent dans des courses aux Emirats arabes unis, alors ils ne peuvent pas dire que le bien-être du cheval est leur priorité...
La FEI est devenue un groupe de bureaucrates n'ayant aucune connaissance de ce que nous vivons sur le terrain. On peut me coller des cartons rouges, je considère qu'on ne nous a pas respectés. Et après ces Jeux, je me pose même la question de savoir si la FEI veut nous conserver en tant que discipline reconnue. Je n'en suis pas certain. J'ai le sentiment que depuis dix ans, la FEI n'a fait que du paraître et que les décisions importantes ne sont jamais prises. Aujourd'hui, les seuls protagonistes qui aident notre discipline en finançant et organisant des compétitions, ce sont les pays du Golfe! Si l'endurance s'est autant développée, c'est en grande partie parce que des gens comme le cheikh Mohammed (ben Rachid al-Maktoum, émir de Dubaï, vice-président et Premier ministre des Émirats arabes unis, ndlr) ont soutenu et financé la discipline. Et tous les conflits d'intérêts qui en découlent ne sont que le résultat de l'incompétence de la FEI.“