''Il y aura un avant et un après Tryon pour l'endurance'', Nicolas Walhen

Après le terrible fiasco de la course d'endurance des Jeux équestres mondiaux de Tryon hier soir, la dite-discipline est assaillie de tous les côtés... Nicolas Wahlen, Président de l'Alliance of Endurance Organizers et en poste durant les Jeux de Normandie il y a quatre ans notamment, n'en démord pas : il y aura un avant et un après Tryon pour sa discipline de coeur.



GrandPrix-Replay : Quel bilan pourriez-vous tirer de ces championnats du monde d'endurance, que vous avez vécu à distance ?
Nicolas Wahren :
C'était une situation surréaliste. J'ai suivi la course sur les écrans, et c'était très prenant. En trente ans de carrière, je n'ai jamais vu ça ! Ce qui est arrivé a été le facteur de plusieurs causes. L'organisation en premier lieu, et le délégué technique n'a pas dû faire parfaitement son travail. J'ai vu énormément de choses dans tous les événements où j'ai officié, mais jamais de telles! Comment ont-ils pu organiser une course dans ces conditions? C'est un monde de fous... Je ne tiens pas forcément à jeter la pierre à l'organisation, mais c'est un fait. 
Puis le jury et les officiels ont donné deux départs ; ça parait improbable! Le Président du jury est censé être sur la ligne de départ! Les stewards, pour des raisons abstraites, ont demandé à certains couples de partir à gauche et d'autres à droite... Quant aux problèmes de balisage lors de la première boucle, c'est vrai qu'aux Etats-Unis, les raids d'endurance se courrent moins vite, donc les flèches peuvent souvent être moins bien positionnées. Après, je n'étais pas sur place, mais c'est ce que j'en ai vu sur les images. À partir du moment où vous donnez deux départs différents, il n'y a forcément plus aucune possibilité d'égalité de chances. 
Puis la météo est venue s'ajouter... D'après eux, il y avait une humidité terrible, une chaleur écrasante, et plusieurs chevaux se sont retrouvés à la clinique... 
Et enfin, il y a toujours ces conflits d'intérêts entre les instances internationales et les partenaires... Voir que Meydan, avec qui j'ai pourtant de bonnes relations puisque j'ai longtemps travaillé avec eux, était sponsor du championnat m'a choqué. Aux Jeux équestres mondiaux de 2014, c'était totalement interdit. La FEI nous avait bien dit qu'il était impossible qu'un championnat FEI soit détenu par une marque, pour justement éviter des conflits d'intérêts politiques et financiers...

GPR : Pour revenir sur le début de la course, qui a été interrompue à cause de défauts de signalisation ; n'y a-t-il pas une reconnaissance de la course au préalable ?
N.W. :
D'après ce qui a été dit, les équipes n'ont pas pu accéder à la reconnaisance de piste, mais je n'y étais pas donc je n'en sais rien. Ce qui est sûr, c'est qu'à chaque course d'endurance, les cavaliers ont normalement le droit de marcher la dernière boucle la veille. Et en ouverture de course le jour-même, il y a toujours un ou deux véhicules, l'un partant cinq minutes avant le départ pour vérifier le balisage, et l'autre en même temps que les chevaux. Nous ne savons pas ce qu'il en a été.

GPR : Un certain nombre de commentateurs ont avancé le fait que la course aurait pu être annulée parce que les officiels auraient subi des pressions des pays du Golfe, notamment les Emirats arabes unis, qui n'avaient plus un seul représentant à mi-course. Qu'en pensez-vous ?
N.W. :
Je ne pense pas que ce soit le cas. Mais j'aurais bien aimé être une petite souris pour savoir ce qu'il s'est réellement passé! Encore une fois, tout est histoire de politique et finance. Ce qui est sûr, c'est que ces cavaliers veulent prendre la tête de l'endurance. Ils le montrent très clairement depuis plusieurs années en organisant un grand nombre de compétitions. N'oublions cependant pas que beaucoup de monde vivent de ces financements. La critique est facile...


GPR : Ce scénario catastrophique est venu une nouvelle fois entacher la réputation de l'endurance...
N.W. :
 Il y a une épée de damoclès au-dessus de l'endurance depuis quelque temps, qui est le bien-être des chevaux. Nous allons rentrer dans des considérations très complexes parce qu'aujourd'hui, notre sport est difficile à pratiquer à cause de la publicité qu'on en fait. Faire galoper un cheval sur 160km devient difficile, et aller au bout va aujourd'hui devenir exceptionnel. Pour moi, il y aura un avant et un après Tryon. Certains profiteront de la situation pour faire valoir ce qu'ils croient bon. Il y a plusieurs chapelles dans le monde de l'endurance, il faut être honnête! Et une n'est pas à blâmer plus que l'autre. Ce qui est arrivé à Tryon était inévitable, parce que tous les cavaliers ne pratiquent pas le même sport. C'est le résultat de plein de compromis. Ce qui est étonnant, c'est que nous avons plusieurs fois proposé des réformes pour l'endurance par le biais de l'Alliance of Endurance Organizers, afin de créer deux courses distinctes par exemple. Tout ça est constamment balayé par la FEI pour un tas de raisons. Nous avons l'impression qu'il n'y aucune écoute possible. Quelle image va-t-on donner à cette discipline... Je pense que cet événement va donner un coup de pied dans la fourmillière, donc c'est presque un mal pour un bien. Il serait normal qu'il y ait une démission à haut niveau par exemple. Mais tout ça va réduire considérablement notre crédibilité...

GPR : Qu'avez-vous pensé des performances des Tricolores? L'équipe de France et Jean-Philippe Francès étaient bien partis pour décrocher des médailles!
N.W. :
Les comportements des Bleus ont été exemplaires. Quand la course a été arrêtée, Jean-Philippe Francès était en argent puisqu'il avait déjà ratrappé Alex Luque Moral, dont la jument commençait à ralentir, et était bien parti pour prendre la tête dans la dernière boucle. C'est plutôt une médaille d'or qui se profilait en individuel. Par équipes, la France a fait ce qu'elle savait faire dans la discipline. Aujourd'hui, l'endurance se résume aux victoires des cavaliers du Golfe, aux Espagnols si ces derniers explosent, puis la France qui n'est jamais loin dans les rendez-vous.