Affligeante tragi-comédie à Tryon

Ces huitièmes Jeux équestres mondiaux ne pouvaient pas plus mal commencer. Au terme d’une invraisemblable journée, où sa course a d’abord été tronquée puis tout bonnement annulée par les officiels de la Fédération équestre internationale, l’endurance, au grand dam de ceux qui la pratiquent avec passion et humilité, s’est ridiculisée à Tryon. Un triste 12 septembre qui risque de rester longtemps gravé dans toutes les mémoires des fans de cette discipline.



Ce devait être le jour d’Alex Luque Moral et Calandria PH, de Jaume Puntí Dachs et Echo Falls ou de Jean-Philippe Francès et Tarzibus. Le jour où l’Espagne devait une nouvelle fois triompher et la France, non classée aux derniers Européens de Bruxelles, prendre sa revanche et montrer au monde qu’elle restait une grande nation d’endurance. Et surtout, le jour où cette discipline à la fois fragile et en plein développement devait prouver à toute la communauté équestre qu’elle était en passe de réussir sa mue. Il n’en a hélas rien été. De positif, il ne restera rien de ce 12 septembre dans les annales des sports équestres, où l’on retiendra surtout les cris, les larmes, les huées et les applaudissements qui ont accompagné les cavaliers de retour de la quatrième boucle après avoir été invités à rentrer à l’aire de grooming. Car oui, il a fallu se pincer pour y croire, mais la course de 160km des Jeux équestres mondiaux a été purement et simplement annulée.
 
Les officiels? Défaillants. Les organisateurs? Défaillants. La Fédération équestre internationale? Défaillante. Aucun de ces trois acteurs essentiels au bon déroulement d’une compétition n’a été au niveau du rendez-vous. Comment a-t-on pu donner un départ à l’aube sans que tous les concurrents en lice ne soient prévenus et réunis derrière la ligne, comme dans n’importe quelle autre course? Comment, quelques minutes plus tard, a-t-on pu laisser plusieurs dizaines de couples prendre une mauvaise direction sans les arrêter et leur intimer de rebrousser chemin? Et comment a-t-on pu découvrir si tardivement qu’il faisait chaud, humide et qu’il n’y avait pas le moindre souffle de vent? Dans cette partie des États-Unis, ces conditions sont on ne peut plus habituelles en septembre. Et l’ouragan Florence, qui anime tant et tant de conversations, n’y est pour rien. Alors pourquoi avoir choisi de disputer cette course en cinq boucles – et pas six –, dont une de quarante kilomètres dont on savait d’avance qu’elle se courrait quand le soleil atteindrait son zénith? À toutes ces questions, la FEI a promis d’apporter des réponses, au terme d’une enquête qu’elle fera diligenter. Comme souvent dans cette discipline, on réagit à défaut d’agir...
 


Ces conditions étaient-elles vraiment insoutenables ?

Du déroulé, il faudra retenir qu’après avoir pris la mesure de l’ampleur de cette fameuse erreur collective de parcours, les officiels, dirigés par le juge 4* français Jean-Pierre Allégret, ont décidé de neutraliser la première boucle et de donner un nouveau départ à la course. Certains protagonistes auraient préféré qu’une autre solution soit trouvée (pénalités de temps ou de distance pour les égarés, report pur et simple de la course dès cette première boucle), ne serait-ce que pour garantir l’équité de la compétition. Les cavaliers, chefs d’équipe, officiels et fans d’endurance pourront gloser longtemps à ce sujet. Mais le mal est fait et ses effets seront durables.
 
Du déroulé, il faudra aussi retenir que peu avant 17h45 (23h45 heure française), les officiels et organisateurs ont, avec le soutien de la FEI, annulé la course, afin de «garantir le bien-être des chevaux et des cavaliers», mis à mal par lesdites conditions climatiques. Éprouvantes, certes, ces conditions étaient-elles vraiment insoutenables pour les concurrents? Beaucoup semblaient s’y être bien préparés, à l’image de grands cavaliers, espagnols et français en tête, dont les chevaux avaient encore bien fière allure en fin de journée. D’autres, dont les riches et puissants Émiratis, ont été éliminés pour boiteries ou raisons métaboliques, plus ou moins tôt dans la course. Mais n’est-ce pas la règle du jeu immuable en endurance? N’a-t-on jamais disputé la moindre course dans des conditions plus rudes, sans que l’on déplore de chevaux morts d’épuisement à l’arrivée? Là aussi, chacun pourra disserter et défendre son point de vue...
 
Quoi qu’il en soit, l’endurance toute entière est la première grande perdante de ces Jeux équestres mondiaux, et il n’y a vraiment pas de quoi s’en réjouir quand on voit tant d’investissements humains et financiers ridiculisés par des arbitres si peu inspirés...