Les Émirats arabes unis n'ont-ils rien appris de leur suspension ?

Qu’ils semblent loin, les engagements pris par la fédération nationale émiratie lors de la levée de sa suspension par la Fédération équestre internationale. Près d’un an jour pour jour après la mort de Splitters Creek Bundy, qui a fait couler tant d’encre et ému le monde entier, les choses ne semblent finalement pas avoir évoluées aux Émirats arabes unis. 



Souvenez-vous, le 1er février dernier, Splitters Creek Bundy, un cheval d’endurance émirati, se fracture les deux canons antérieurs lors de l’Al-Reef Cup, une course nationale de 120km. En direct sur Internet, le petit bai agonise dans le sable alors que son cavalier, Humaid Matar Eid Juma al-Falasi, un jeune Émirati de seize ans déjà sanctionné plusieurs fois pour manquement aux règles de la Fédération équestre internationale, le pousse négligemment sur le bas-côté et que les véhicules d’assistance poursuivent leur route, comme si de rien n’était. Les images du pauvre Bundy avaient alors fait le tour du monde, provoquant un tollé international, poussant finalement la FEI, qui se disait dans un premier temps impuissante, à prendre des sanctions, jusqu‘à exclure pour une durée indéterminée la fédération émiratie. Et lorsque, quelques mois plus tard, la fédération émiratie s’est engagée par écrit auprès de la FEI à respecter le bien-être du cheval et à éduquer ses officiels et ses cavaliers, le monde, FEI en tête, s’est félicité.
 
Mais voilà que, près d’un an après la tragique disparition de Bundy, les choses semblent être revenues à leur point de départ. C’est ainsi que la Britannique Pipa Cuckson, observatrice et spécialiste de l’endurance, a dénombré pas moins de cinq chevaux morts sur des courses nationales depuis le début de la saison hivernale aux Émirats, soit depuis mi-octobre. Selon Horse-Canada.com, quatre équidés auraient ainsi été euthanasiés tandis qu’un serait subitement mort lors d’une course. Et ce n’est pas tout. Lors de la CEI 3* 120 km d’Al-Wathba, qui s’est tenue samedi dernier, un autre cheval a perdu la vie. Comme Bundy l’an passé, Idaho Rabba, qui portait le dossard numéro quarante-quatre, a lui aussi été euthanasié dans le désert émirati pour ’’Catastrophic Injury’’, soit, selon le règlement de la FEI, une blessure nécessitant, sur avis du comité vétérinaire, une euthanasie immédiate. Et pour cause, Idaho, qui avait démarré sa carrière sous selle sud-africaine avant de courir deux courses internationales de 80km en cinq ans avec différents cavaliers émiratis, est entré en collision avec une clôture, se fracturant la jambe sur le coup. Si sa vitesse au moment du choc n’est pas connue, on sait néanmoins qu’il a couru la première boucle à la vitesse moyenne de… 27km/h. ’’Mettre en place des protocoles afin d’éviter le décès des équidés’’ n’était pas l’une des clauses présentes dans l’accord signé il y a quelques mois à peine par la fédération émiratie ? Toujours étant qu’une autopsie devrait être pratiquée sur Idaho, afin de définir s’il avait ingéré des substances interdites, comme Bundy à son époque…


Un accord inutile ?

Mais, cette fois-ci, la FEI n’est pas restée muette. Manuel Bandeira de Mello, Directeur de l’endurance au sein de l’instance internationale, s’est exprimé sur cet événement. ’’Cette issue fatale est le résultat d’un accident lors duquel le cheval a percuté l’une des barrières qui délimitaient le parcours et s’est cassé la jambe. Malheureusement, la sévérité des blessures a entraîné l’euthanasie. Les détails de cet accident seront exposés dans une enquête menée par la fédération émiratie en coopération étroite avec la FEI. Il est clair que la FEI considère tout décès équin comme un problème extrêmement grave et tout sera fait pour établir la cause du décès. C’est pour cela que des échantillons sont désormais systématiquement prélevés afin de définir la présence de substances interdites. Les autopsies et prélèvements n’ont pas toujours été faits sur les courses nationales mais ils le sont maintenant, selon les termes de l’accord signé entre la FEI et la fédération émiratie. De plus, la FEI est maintenant avertie de tous les décès sur des courses nationales, ce qui n’était pas le cas dans le passé.’’
 
La question se pose alors de savoir si, en voulant assurer le bien-être des chevaux aux Émirats, la FEI ne devrait pas limiter la vitesse lors de courses nationales. Une interrogation légitime lorsque l’on sait que le cheval arrivé cinquième de l’Al-Reef Cup cette année avait une vitesse moyenne de 34km/h sur la dernière boucle… L’exclusion de la fédération émiratie, les entretiens avec la FEI puis l’accord signé en juillet dernier n’ont donc servis à rien ? Malgré tout, Manuel Bandeira de Mello l’affirme, des progrès sont en cours. ’’L’an passé à la même période, il y avait eu trois chevaux morts sur des courses internationales. Le nombre a donc été réduit. Cependant, il est clair que nous aimerions voir la même évolution au niveau national. Les vétérinaires éliminent plus de chevaux lors des contrôles mais cela n’a pas encore eu pour conséquence de réduire le nombre de blessures catastrophiques lors d’événements nationaux.’’ Désormais, la FEI serait donc au courant de tous les incidents, même ceux qui ont lieu sur des courses nationales. Pourtant, aucune amélioration à ce niveau alors que les championnats du monde, prévus à Dubaï, en décembre prochain, approchent et que certaines fédérations, à l’instar de la fédération suisse, n’ont toujours pas confirmé leur présence…