Dorian Grey de Hus, Paris 2024 dans le viseur

Déjà sacré champion de France à quatre, cinq et six ans, Dorian Grey de Hus semble lancé sur le chemin de la gloire, ce qui n’est plus arrivé à un Selle Français depuis des lustres en dressage. Le fils d’une clone de Poetin et du regretté Don Juan de Hus, monté comme lui par Jessica Michel-Botton, semble posséder toutes les qualités pour atteindre l’élite mondiale et pourquoi pas représenter la France aux Jeux olympiques de Paris 2024. Portrait.Article paru dans le numéro de février de GRANDPRIX.



Le 23 avril 2013, un petit et déjà remarquable alezan pointe le bout de son nez au haras de Hus, au Petit-Mars, à trente kilomètres au nord de Nantes. Enregistré au Stud-book Selle Français, le poulain n’en présente pas moins un pedigree très international, regroupant quelques-uns des meilleurs courants de sang de l’élevage de chevaux de dressage. Son père, le phénoménal étalon Don Juan de Hus (KWPN, Jazz x Krack C), est mort tragiquement à neuf ans, le 7 août 2017, pour une raison encore inconnue aujourd’hui malgré l’autopsie et les analyses vétérinaires réalisées, après un début de carrière très prometteur et un potentiel sans limite qui semblait lui réserver un destin au sommet de son art. Fils de Jazz, récemment redevenu numéro un du classement de meilleurs pères de gagnants internationaux en dressage, Don Juan de Hus a laissé derrière lui un nombre impressionnant de produits de qualité, dont d’Avie FRH (Han, mère par Londonderry), sacré champion du monde des six et sept ans avec l’Espagnol Severo Jurado López, et Don Martillo (Han, mère par Benetton Dream), champion d’Allemagne des quatre ans puis du monde des cinq ans avec l’Allemande Ann-Christin Wienkamp, et d’un grand nombre de jeunes pousses s’illustrant depuis plusieurs années sur les Cycles classique et libre de la Société hippique française. La mère de Dorian Grey, Poetin CL  1 (Z), n’est autre qu’une clone de Poetin (BerlBrand, Sandro Hit x Brentano II). Championne du monde des six ans en 2003, elle avait atteint le prix record de 2,5 millions d’euros aux ventes PSI. Acquise deux ans plus tard par Xavier Marie pour le Hus, la jument avait elle aussi disparu tragiquement des suites d’une fourbure contractée dans le camion qui l’acheminait des PaysBas vers la France.

En 2012, Jessica Michel-Botton, dresseuse attitrée du haras ligérien, impulse logiquement le croisement entre les deux cracks. " Poetin présente la meilleure souche de dressage de notre élevage. Nous ne pouvions pas ne pas tenter de la croiser avec Don Juan de Hus, d’autant qu’il n’y avait aucune contre-indication particulière. Grâce notamment à Dorian Grey, nous avons réalisé que Don Juan de Hus croise très bien avec cette grande souche allemande." La jeune femme se rappelle d’ailleurs très bien le poulain. " Dorian était vraiment très beau, particulièrement gentil et proche de l’homme. " Le jeune cheval ne semble pourtant pas exceptionnel et il s’en faut finalement de peu pour qu’il ne soit vendu. " Il était tout à fait normal dans ses allures, vraiment très commun. Si nous avions suivi notre schéma de sélection, nous n’aurions pas dû le garder. " Seulement, Jessica est habitée d’un inexplicable pressentiment. " Je sentais qu’il était appelé à devenir un super cheval. Naturellement, je suis contente d’avoir suivi mon instinct. " L’avenir lui donne effectivement raison. Le haras décide cependant de castrer l’alezan. " Nous l’avons fait à trois ans parce qu’il ne semblait pas présenter le potentiel pour devenir l’étalon de demain ", assume Jessica Michel-Botton. " La suite nous a montré l’inverse quant à ses qualités sportives, mais peut-être n’aurait-il pas été aussi performant sous la selle en restant étalon. Personne ne peut le savoir. "



Premières foulées de piaffer

Le Hus a répété ce croisement à quatre reprises. Avec Poetin CL  1, cela a donné Darling de Hus (Z), d’un an l’aînée de Dorian Grey, et Jorian Star de Hus (SF), né l’an passé, tandis que Poetin Z a engendré Daylight de Hus (Old), née en 2016 et stationnée aux Pays-Bas, et Poetin CL  2 (Z), Dali de Hus (Z), apparu en 2012 et acquis par le grand marchand danois Andreas Helgstrand. " Pour sa part, Darling a été montée durant quelques mois car nous aimons bien connaître la qualité de nos juments avant de les faire féconder. Elle a de grandes qualités sportives. De fait, elle était beaucoup plus démonstrative en termes d’allures que Dorian au même âge, avec beaucoup d’énergie. C’est une excellente mère. Et Jorian Star est pour l’instant un très beau poulain bai, classique dans sa locomotion. " Pétri de talent, le prodigieux Dorian Grey n’a aucun mal à glaner les titres de champion de France des quatre, cinq et six ans lors de la Grande Semaine de Saumur, et se classe cinquième du Mondial des cinq ans, en 2018 à Ermelo. Désormais âgé de sept ans, il semble réunir toutes les qualités de ses illustres géniteurs, qu’il pourrait bien surpasser en termes de performances. " Dorian Grey est beaucoup plus sensible, a davantage de sang et présente un modèle plus sportif. Pour moi, il est plus classique dans ses allures bien sûr, donc moins extraterrestre que Don Juan ne l’était, mais je pense qu’il est un cran au-dessus de lui. Comme son père, il aime faire plaisir à son cavalier et semble toujours demander si ce qu’il donne est suffisant ! Je crois que la souche de Poetin a amené le sang et le côté sport. Il peut être sensible à l’environnement et devenir chaud au point de vouloir fuir comme en 2018 à Ermelo. Cependant, il s’aperçoit tout de suite qu’il a commis une bêtise. En revanche, il n’est pas regardant. C’est un cheval avec lequel j’ai un feeling assez hors du commun. Au fil du temps, il est devenu spécial. De fait, c’est cette complicité que l’on cherche à établir avec chaque cheval. " À un peu plus de quatre ans des Jeux olympiques de Paris, Dorian Grey de Hus, déjà aux portes du Medium Tour, a récemment dévoilé ses premières foulées de piaffer, passeport pour le Grand Prix, sur les réseaux sociaux de sa cavalière. À onze ans, le Selle Français pourrait bien défendre les couleurs de sa patrie dans les jardins du château de Versailles. " Pour moi, il a le potentiel pour le grand sport ", juge Jessica. Cet espoir est partagé par Xavier Marie, son propriétaire, qui reste toutefois prudent. " Dorian est un joyau pour le haras de Hus. Il symbolise la fusion génétique de deux des plus extraordinaires chevaux de dressage des vingt dernières années. Il concentre ce que nous avons eu de mieux dans notre écurie de dressage. S’il réussit au plus haut niveau, ce sera une histoire merveilleuse. Mais advienne que pourra car nous savons que le parcours est encore long et semé d’embûches. " Rendez-vous est pris.