Lars Windhorst, le nouveau copropriétaire de Global Champions, a le goût du risque et de la démesure

Décrit par certains comme un félin à sept vies, Lars Windhorst est sans cesse capable de retomber sur ses pieds et de renaître de ses cendres. Rien, et surtout pas deux faillites de ses sociétés, une faillite personnelle ni même un accident d’avion qui aurait pu lui coûter la vie, n’arrête l’énigmatique homme d’affaires allemand. Détenteur aujourd’hui de 50% des parts du Longines Global Champions Tour et de la Global Champions League, ce fan de football de quarante-quatre ans a construit une carrière des plus mouvementées. Portrait.



Né le 22 novembre 1976 à Rahden, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Lars Windhorst, aujourd’hui entrepreneur de renom, a débuté sa carrière extrêmement tôt et de manière quasi clandestine. Âgé de quatorze ans seulement, ce petit génie allemand, dont les parents tiennent un magasin d’alimentation générale, transforme le garage de la maison familiale en véritable laboratoire de fortune afin de créer des ordinateurs. Aidé de ses amis de classe, il produit des PC qu’il vend ensuite dans le magasin de ses parents. Petit à petit, afin de compléter son offre, Lars Windhorst cherche également des revendeurs de pièces détachées en Chine. Il semble avoir plus d’un tour dans son sac et des idées bien précises pour le futur.  

En 1993, parallèlement à ses études, Lars Windhorst crée officiellement sa première entreprise, Windhorst Electronics GmbH, avec l’homme d’affaire Ming Bong Zhang. Il est alors aidé par ses parents, notamment pour les tâches administratives. Étant encore mineur, il ne peut pas signer les différents contrats, par exemple. Au départ, l’activité principale de cette société est l’import et la commercialisation de pièces électroniques venant d’Asie ainsi que la vente de produits technologiques en Allemagne et dans le reste de l’Europe. Un an seulement après son lancement, Windhorst Electronics compte déjà quatre-vingts employés et peut se targuer de réaliser un chiffre d’affaires de près de 80 millions d’euros. Grâce à son génie et sa ténacité, Lars Windhorst apparaît comme l’un des jeunes entrepreneurs les plus prometteurs d’Allemagne, ce qui lui vaut une invitation par le chancelier allemand de l’époque, Helmut Kohl, à un voyage en Asie au sein de la délégation officielle. Ce voyage est incroyablement fructueux pour le téméraire puisqu’il tisse des liens avec différents acteurs d’affaires internationales lui offrant son sésame au Forum économique mondial annuel de Davos, où il figure comme le plus jeune participant et est présenté comme l’un des “leaders mondiaux de demain”.



Justice, accident, faillites

Lars Windhorst et sa compagne Christin Bahla

Lars Windhorst et sa compagne Christin Bahla

© Stefano Grasso/LGCT

Fort de son succès, en 1995, le businessman s’installe à Hong Kong et y fonde Windhorst Asia Pacific Holding Limited, une holding dédiée aux opérations du groupe en Asie. Le groupe Windhorst ne cesse alors de se développer dans ses activités de trading et d’investissement dans les secteurs électroniques, immobiliers et financiers. Rien ne semble pouvoir arrêter la fulgurante ascension du prodige. En 2000, il fonde Windhorst New Technologies AG, société focalisée sur l’investissement dans les secteurs de l’internet et des nouvelles technologies. Windhorst n’en est pas à son coup d’essai et celui-là semble une nouvelle fois promis à un brillant futur. À peine deux ans après son ouverture, la société est en passe de faire son entrée à la Bourse de Francfort mais l’éclatement de la bulle internet et la crise qui s’ensuit plonge le groupe Windhorst dans la dépression et le force à se déclarer en banqueroute en 2003. La première folle aventure de l’homme d’affaires s’arrête brutalement là et il se retrouve même condamné pour tromperie dans vingt-sept affaires par le tribunal régional de Berlin.

Mais rien n’effraie Lars Windhorst, et surtout pas une faillite! En 2004, il revient de plus belle et cofonde le groupe d’investissement Sapinda, qui coordonne le financement de projets dans des entreprises des secteurs public et privé et bien sûr des start-ups. Comme d’habitude, l’Allemand voit les choses en grand, très grand même, puisque Sapinda réalise près de deux milliards d’euros d’investissements en cinq ans. La crise financière et économique de 2008 frappe évidemment la société de plein fouet. Après une seconde faillite et une ardoise de 400 millions d’euros, une restructuration s’opère en janvier 2009. En avril est créée la société mère Sapinda Holding BV dont le siège est aujourd’hui à Londres. Depuis, l’entreprise continue à se développer et compte quatre-vingts employés à travers le monde qui travaillent quotidiennement à des activités d’investissement dans l’agriculture, mais aussi l’extraction et la production de pétrole pour le compte de sociétés privées ou publiques. Depuis peu, le groupe est également actif dans le secteur des médias, des technologies et de l’immobilier. Dernière acquisition de Sapinda, renommée Tennor et qui semble vouloir couvrir le plus de terrain possible, la marque de lingerie de luxe italienne La Perla.

En 2010, alors âgé de trente-quatre ans, Lars Windhorst compte déjà à son actif le crash de deux sociétés, une faillite personnelle qui lui a valu une peine d’un an de prison avec sursis en 2007… et une nouvelle société en forme. Depuis, le magnat allemand a été poursuivi en justice pour plusieurs affaires de blanchiment d’argent, abus de confiance et fraude. Tel un félin, il est sans cesse capable de retomber sur ses pieds. Rien ne semble pouvoir l’arrêter ou l’affaiblir, pas même ce terrible accident d’avion dont il est victime le 26 décembre 2007. Le Bombardier Challenger 604 à bord duquel l’extravagant Allemand se trouvait percute un mur après être sorti de la piste de décollage de l’aérodrome d’Almaty, au Kazakhstan, engendrant une forte explosion qui tue sur le coup l’un des pilotes. Sévèrement blessé, Lars Windhorst s’en sort miraculeusement avec une oreille arrachée puis recousue, dont il lui manque néanmoins le lobe. 



Du foot… et du saut d’obstacles

Lars Windhorst et Jan Tops en pleine discussion avec Madeleine Winter-Schulze, fidèle mécène des champions allemands Ludger Beerbaum, Isabell Werth et Ingrid Kilmke notamment.

Lars Windhorst et Jan Tops en pleine discussion avec Madeleine Winter-Schulze, fidèle mécène des champions allemands Ludger Beerbaum, Isabell Werth et Ingrid Kilmke notamment.

© Stefano Grasso/LGCT

Celui qui partage aujourd’hui sa vie entre Londres, Berlin et Monaco ne s’arrête pas à l’art, il souhaite s’inscrire dans l’histoire du sport. Ainsi, en 2019, sa société Tennor investit 125 millions d’euros dans le rachat de 37,5% du club de football berlinois Hertha BSC, signant ainsi l’une des plus importantes transactions de l’histoire de la Bundesliga, la première division allemande. En novembre 2019, le sulfureux entrepreneur investit à nouveau pour obtenir 49,9% des actions. Mais le football ne suffit pas pour le roi de la démesure. 

Lars Windhorst souhaite investir dans les sports équestres, secteur regroupant à ses yeux de nombreuses personnalités intéressantes pour le monde des affaires. En 2017, Tennor met un pied sur cet échiquier à travers l’organisation du CSI 5* de Berlin, étape du double circuit Longines Global Champions Tour/Global Champions League, puis un deuxième en devenant sponsor de l’écurie Valkenswaard United dans la GCL. Depuis 2018 et jusqu’à cette année, les Berlin Eagles peuvent compter sur son soutien. Croyant pouvoir attirer une nouvelle audience vers le saut d’obstacles et contribuer à son développement, cette année, Lars Windhorst a finalement racheté la moitié des parts du LGCT/GCL, propriété depuis plusieurs années de l’Américain Frank McCourt, devenant le partenaire unique du Néerlandais Jan Tops, fondateur de ce petit empire.

Ensemble, les deux hommes d’affaires entendent bien pérenniser ces circuits, guère exempts de critiques, surtout depuis qu’une grande partie des cavaliers impliqués doivent leur participation au paiement d’une énorme pay-card annuelle de 2,5 millions d’euros par écurie de la GCL… Ils assurent vouloir offrir un terrain de jeu toujours plus qualitatif aux meilleurs cavaliers de la planète. “Avec le LGCT et la GCL, nous sommes concentrés sur le plus haut niveau et faire en sorte d’offrir un avenir stable et sain au saut d’obstacles et à toutes ses parties prenantes. (…) J’ai hâte de travailler en partenariat avec Tennor afin de continuer le développement de la GCL notamment en l’emmenant vers de nouveaux marchés et de nouvelles audiences à l’heure du digital”, confiait en janvier Jan Tops, fondateur du circuit. 

Depuis l’annonce de la transaction, le monde a été plongé dans la crise du Covid-19. D’ores et déjà, les quatre premières étapes du LGCT/GCL, programmées à Miami, Mexico, Shanghai et Madrid, sont annulées. L’équilibre économique de ces circuits repose vraisemblablement sur une reprogrammation, actuellement dans les mains d’une commission ad hoc de la Fédération équestre internationale, et loin d’être garantie. Comme tant d’autres entrepreneurs, Lars Windhorst, businessman aux mille visages habitué aux montagnes russes, est déjà dans l’obligation de se retrousser les manches, et peut-être de réinviter un modèle qui n’est pas assuré de supporter cette crise sans précédent.