“Le plus compliqué est de ne pas savoir combien de temps cela va durer…”, Tony Hanquinquant

Très bon cavalier de niveau CSI 3* et de jeunes chevaux, Tony Hanquinquant, installé au Pôle international du cheval (PIC) Longines de Deauville, évoque son quotidien pendant cette période sans concours qui s’étendra au moins jusqu’au 11 mai. Il livre aussi ses espoirs et ses inquiétudes.



Comment se passe cette période de confinement au niveau du travail des chevaux?

Pour l’instant, c’est assez calme parce que j’ai mis quasiment tout en stand-by. Les chevaux ne sautent pratiquement plus, ils font des exercices de gymnastique et des petits trucs et nous passons beaucoup de temps sur la piste à travailler le fond. Je préserve le physique des chevaux parce qu’il n’y a pas d’intérêt à beaucoup sauter en ce moment. Au départ, j’ai mis tout le monde un petit peu au vert en privilégiant dressage, travail de fond et petits sauts ludiques, mais pas de véritables enchaînements de parcours.

Ne trouvez-vous pas le temps long?

J’ai la chance de travailler en compagnie d’autres cavaliers, comme Clément Boulanger, Félicie Bertrand et Robert Breul. Nous communiquons, partageons, nous donnons des avis sur les chevaux et des idées d’exercices. C’est sûrement plus compliqué pour un cavalier qui travaille tout seul chez lui et tourne en rond sans pouvoir communiquer avec personne. Au PIC, il n’y a pas un client et le centre équestre est fermé. Du coup, nous avons les installations pour nous tous seuls: trois manèges, quatre carrières, la piste de galop. Avant le confinement, il y avait eu une épreuve d’entraînement sur la grande carrière. Du coup, on nous a laissé le matériel avec un parcours de treize ou quatorze obstacles, ce qui est parfait pour travailler. Pour autant, nous préférerions tous pouvoir concourir afin que nos chevaux progressent, surtout les plus jeunes. Nous arrivons à la période où les chevaux de quatre ans auraient déjà sauté six à huit parcours et beaucoup seraient repartis au pré. Là, nous avons d’ailleurs remis au pré Garance d’Aliophe, la fille de ma bonne Tourterelle d’Elle, qui est une grande jument et qui a besoin de finir sa croissance. 

Tous vos chevaux sont-ils restés chez vous en pension ou certains sont-ils repartis?

Il s’agissait de savoir si nous gardions des chevaux en pension en espérant qu’ils puissent encore sauter cette année, sans aucune certitude, ou si nous les rendions à leurs propriétaires afin qu’ils les remettent au pré, en espérant les retrouver un mois plus tôt cet automne pour préparer la saison prochaine. Pour l’instant, j’ai encore tous mes pensionnaires. Avec plusieurs propriétaires, nous nous sommes laissés jusqu’à début mai pour prendre une décision. Si la période sans concours se prolonge et que les chevaux ne sautent pas, beaucoup repartiront au pré. Aujourd’hui, le plus compliqué est de ne pas savoir combien de temps cela va durer. Si nous savions que les concours redémarreraient dans six mois, nous laisserions les chevaux tranquilles trois mois et les reprendrions progressivement afin qu’ils soient prêts pour la reprise, mais là nous ne savons rien. 

Et au niveau économique, comment vous en sortez-vous?

Les pensions, ce n’est pas vraiment ce qu’il y a de plus rentable. Cela fait un fond de roulement qui me permet de payer ma salariée, d’avoir des chevaux au travail et d’espérer en vendre in fine. Ce qui me fait gagner ma vie, c’est le commerce, un peu les gains en concours, les cours que je donne à mes élèves et les stages. Sur une pension, une fois que j’ai payé mon loyer au PIC, ma groom et l’alimentation du cheval, il ne me reste pas grand-chose. Les gains en concours, ce n’est pas le plus important, mais quand on a de bons chevaux, comme Tourterelle d’Elle pour moi l’an passé, cela permet quand même de gagner un peu sa vie. En ce moment, les stages et leçons sont en suspens, ce qui représente une vraie perte. Certains clients sont demandeurs, mais les écuries dans lesquelles ils sont ne veulent pas que quelqu’un vienne chez eux. Et je pense qu’ils ont raison, parce que s’ils commencent, c’est la porte ouverte à toutes les dérives.

Êtes-vous optimiste quant à la reprise du commerce après le déconfinement?

Certains cavaliers vont se retrouver en difficulté financière et des clients risquent d’en profiter pour faire baisser les prix. Pour ceux qui n’ont pas trop de trésorerie, cela va être compliqué…

Comment voyez-vous l’avenir à court terme?

La Fédération espère un redémarrage début juin, ce qui me paraît très optimiste et compromis. En plus, on ne sait pas comment va se passer le déconfinement. L’État va-t-il autoriser les concours mais sans déplacements interrégionaux? Les autorités de courses envisagent de redémarrer à huis clos avec des paris en ligne, mais pour nous, ça fait déplacer trop de monde. Dans les concours Amateurs, il y a les parents qui viennent voir leurs gamins, les coaches… ça fait beaucoup trop de monde… La Société hippique française s’interroge quant aux finales nationales de Fontainebleau. Pour moi, si elles n’ont pas lieu, ce ne serait pas très grave. Si nous pouvions faire sauter quelques parcours à nos jeunes chevaux, ce serait déjà une belle victoire pour cette année. Cela nous permettrait d’avancer un peu, de les montrer et de les faire filmer pour qu’ils soient commercialisables. Certains sont allés effectuer des tournées à l’étranger, donc les chevaux ont un peu sauté et ont été vus, mais beaucoup de cavaliers devaient reprendre à Auvers, où la Tournée des Grêlons a été annulée après seulement une semaine complète de compétition. Pour les très bons chevaux, perdre une année n’est pas très grave, mais pour les chevaux plus moyens, rattraper le retard s’ils ont loupé une année de formation sera embêtant. Si c’était arrivé au mois de juillet, les chevaux auraient déjà concouru, nous les aurions laissés un peu au repos et aurions repris pour préparer la saison indoor, mais là, cela arrive au plus mauvais moment. Cette année, pour l’instant, je n’ai concouru qu’à Royan. Les chevaux étaient au point et tout s’est arrêté…