“Trouver les bonnes solutions et ne pas se décourager”, Pascal Cadiou

Interrogé sur l’impact de la crise du Covid-19 sur le monde de l’élevage, Pascal Cadiou, président du Stud-book Selle Français, nourrit bien sûr de légitimes inquiétudes, mais s’attache surtout à essayer de trouver les bonnes solutions plutôt qu’à céder au découragement.



Comment fonctionne le Stud-book Selle Français en cette période de confinement?
 
À titre personnel, je n’avais jamais tant œuvré depuis que je préside le Stud-book. Il y a plein de sujets en même temps: toutes les questions liées à la pandémie, toutes les procédures sur lesquelles nous travaillons pour la continuité et la reprise de l’activité. J’avais le bilan à clôturer. Il y a aussi pas mal de visioconférences, des réunions téléphoniques, d’interviews…
Pour autant, cette période nous permet aussi d’avancer sur des choses comme le nettoyage de notre site internet, par exemple, que nous n’avons pas forcément le temps de faire en temps normal. Nous faisons fonctionner le Stud-book à distance, ce qui simplifie et complexifie à la fois le travail. D’un côté, cela le simplifie parce que nous n’avons pas de problème de transports, mais d’un autre côté, nous ne sommes pas rodés et habitués à travailler dans ces conditions, donc nous perdons parfois beaucoup de temps. Cela nous sera bénéfique dans le sens où nous nous apercevons que des tas de choses que nous faisions en présentiel peuvent être réalisées à distance. Cela nous fera donc gagner du temps et de l’argent, car déplacer trente ou quarante personnes a un coût non négligeable.

Quelle est l’ambiance dans le monde de l’élevage?
 
C’est compliqué parce que nous sommes confrontés à quelque chose que nous n’avions jamais vécu. Il faut bien sûr protéger notre santé, mais nos réflexions nous portent aussi à penser que la situation économique risque d’être encore pire que la maladie… et il faut préparer l’après. L’élevage a eu la chance de pouvoir poursuivre son activité en termes de reproduction. Grâce à la mise en place rapide de nouveaux protocoles sanitaires, les juments peuvent être accueillies dans les centres de reproduction. De fait, il n’y a pas de soucis majeurs à ce niveau-là. Globalement, l’état des ventes de saillies est à peu près comparable à celui de l’an passé. Cependant, pour le cheval de sport, la haute saison de reproduction s’étend de début avril au 15 juillet. C’est donc à partir de maintenant que nous allons savoir s’il y a une forte baisse ou non. Ayant commencé à sonder les éleveurs, je pense qu’ils vont globalement répondre présent.

Vous ne semblez donc pas trop pessimiste quant au nombre de naissances l’an prochain?
 
Dans les scénarii que nous avons envisagés, nous nous sommes dit qu’il risquait quand même d’y avoir une baisse du nombre de naissances en 2021. C’est dommage, parce que nous étions bien repartis après l’effondrement que nous avions connu à partir de 2012. Si baisse il y a, le tout est de savoir si elle sera durable ou juste épisodique. L’impact ne sera pas forcément immédiat. Par exemple, c’est la crise de 2008 qui avait provoqué l’effondrement que nous avions vécu quelques années plus tard. Tout cela, on ne peut pas le mesurer aujourd’hui, d’autant  que cette crise est inédite et que nous n’avons pas de points de comparaison. La seule chose dont nous sommes sûrs est que le cheval fera toujours partie de la société de demain. Les éleveurs, préparateurs et commerçants doivent se tenir près. Quoi qu’il arrive, nous continuerons à vivre autour du cheval.

Comment imaginez-vous la reprise des activités, notamment des concours d’élevage?
 
L’essentiel de notre activité se déroule plutôt de juillet à décembre pour les chevaux âgés de zéro à trois ans. Il y aura sûrement une reprise des concours de modèle et allures. Nous verrons si les éleveurs viennent ou pas, si les mesures qui devraient être mises en place, en concertation avec le ministère de l’Agriculture, vont les convaincre et les inciter à venir. Notre rôle consiste à ne pas rester les deux pieds dans le même sabot, nous projeter un petit peu et voir dans quelle mesure nous pouvons continuer nos activités de production agricole et de transformation de produits agricoles. On se rend compte que les gens sont capables de s’unir et de retrousser les manches quand ils sont confrontés à des difficultés, ce qui plutôt un bon signe. Tout le monde se met autour de la table et avance. Maintenant, le tout est de savoir comment va évoluer cette pandémie. Y aura-t-il une deuxième vague à l’automne qui, pour le coup, nous pénaliserait davantage. S’il y avait une rechute au moment où nous devons reprendre et si nous ne pouvions donc redémarrer que partiellement, ce serait embêtant. Nous allons croiser les doigts pour que la foudre ne tombe pas deux fois sur le même arbre. Si cela évolue dans le bon sens, les activités du Stud-book ne pâtiront pas trop.

Finalement, le fait d’avoir modifié le système de sélection des jeunes mâles tombe plutôt bien…
 
Il est vrai que le report des sélectives à l’automne nous arrange bien pour l’instant. Mais si une deuxième vague nous frappe à l’automne, nous serons sûrement à nouveau confinés. Si la chance veut bien nous sourire, que la maladie disparaît avec les beaux jours et ne réapparaît pas avant janvier 2021, cela ira. Tout est possible, mais il nous faut préparer nos qualificatives et nos finales, et essayer de faire en sorte que s’y maintienne une activité commerciale et que nous puissions assurer nos évaluations génétiques.

Êtes-vous inquiet pour ce qui est du commerce des chevaux?
 
Pour nous, c’est plutôt la fin de l’année, la période courant de septembre à décembre, qui sera significative. Ce n’est pas vraiment en ce moment que nous vendons le plus de chevaux d’élevage. Quel sera l’impact de la crise sur le commerce? La reprise de l’activité économique va-t-elle encourager les cavaliers à repartir en concours et racheter des chevaux ? À ce stade, il est impossible de répondre à ces questions. On ne peut pas dire qu’il n’y ait pas d’inquiétudes, mais d’un autre côté, les gens des cheval sont habitués à être confrontés à des conjonctures difficiles.

Pour l’instant, ce n’est donc pas l’élevage qui est le plus touché?
 
Les structures les plus impactées actuellement sont assurément les centres équestres, et il faudrait que leur activité puisse redémarrer pour essayer de redynamiser le secteur, parce que tout est lié. Ensuite, nous analyserons la situation de l’élevage en fin d’année. Si les chevaux ne se vendent pas, il sera compliqué d’aller voir son banquier au mois de décembre. Il y a des questions et des inquiétudes légitimes, mais il faut essayer de trouver les bonnes solutions, les mettre en œuvre et ne pas se décourager. Nous devons nous mobiliser pour essayer de faire au mieux mais aussi sensibiliser les pouvoirs publics aux difficultés que nous allons rencontrer et nous battre.