Audrey Morandat, la passion en leitmotiv
Groom de concours internationaux au sein de l’écurie de Simon Delestre depuis un an et demi, Audrey Morandat prend soin de ses montures à chaque événement. À seulement vingt-six ans, la Drômoise a connu un parcours riche, qui a forgé sa personnalité. Touchante et passionnante, elle se livre sincèrement, de ses premiers pas à cheval à son ascension vers le plus haut niveau.
“Au Saut Hermès 2019, je suis allée la féliciter après la victoire de Simon et Hermès Ryan des Hayettes dans le Grand Prix dominical. Elle était encore en pleurs alors que l’épreuve était finie depuis deux heures!”, raconte Kirsty Pascoe, amie proche d’Audrey Morandat et groom du Belge Jérôme Guéry. Originaire de Séderon, dans la Drôme provençale, Audrey Morandat se consacre pleinement à ses protégés. Rouage essentiel du système du Lorrain, la jeune femme de vingt-six ans dégage une passion et une joie de vivre communicatrice. “Elle adore ses chevaux, elle fait tout pour leur bien-être”, poursuit Kirsty Pascoe.
Avant d'entrer dans la cour des grands chez Simon Delestre, cette groom dédiée à son sport a fait ses armes au haras de Côte, dans l’Ain, chez Laurent Guillet, qui garde un excellent souvenir d’elle. “Elle est volontaire, travailleuse, courageuse; elle a envie d’apprendre. Ce sont des qualités qui sont nécessaires et indispensables pour un groom”, confirme-t-il.
“D’après mes parents, je ne parlais que de chevaux, je disais tout le temps que je voulais aller les caresser”, se souvient Audrey. Fanatique du monde du saut d’obstacles depuis son enfance, elle commence à monter à cheval à neuf ans, à la ferme équestre des Bayles, au pied du mont Ventoux, dans le Vaucluse. Toute sa vie, cette passion lui colle à la peau. À quatorze ans, elle devient propriétaire de sa première ponette, Noha d’Avette. “Toutes mes copines se moquaient de moi parce que ma ponette sentait la lessive”, plaisante Audrey Morandat. “Il fallait toujours qu’elle soit la plus propre.”
“J’étais comme une enfant à Disneyland”
Après l’obtention de son brevet d’études professionnelles agricoles (BEPA) soigneur et aide-animateur, elle se lance dans un bac pro conduite et gestion de l’entreprise agricole (CGEA) en alternance. Mais un coup du sort compromet sa réussite. “La structure où j’étais n’avait qu’une seule poulinière, qui est morte à la naissance de sa pouliche. Cela a été horrible; c’était la jument de cœur de ma monitrice que je connaissais depuis une dizaine d’années”, confie Audrey Morandat. Son lieu d’alternance ne pouvant assurer sa qualité d’élevage, la jeune fille est contrainte par le règlement de son lycée d’interrompre sa formation. Pour autant, sa loyauté la pousse à rester aux côtés de sa monitrice jusqu’à la fin de son contrat. “J’ai ensuite eu une offre d’emploi en tant que chef d’écurie, à seulement dix-sept ans, chez Anne Peyer (propriétaire de certains chevaux de Julien Gonin, dont Gina A, ndlr) à Bourg-en-Bresse.”
Pour des raisons personnelles, l’expérience ne dure que six mois. S’ensuivent plusieurs petits boulots, avant que la cavalière ne termine son bac, tant bien que mal, dans le seul établissement lui permettant de reprendre son cursus en terminale, l’institut d’Alzon, à Nîmes. “J’ai vécu une année à faire les allers-retours entre Nîmes et Bourg-en-Bresse tous les week-ends”, se rappelle-t-elle. En effet, impossible pour elle de ne pas rendre visite à Noha, sa ponette de cœur, toujours en pension dans sa région natale, et aux poulains qu’elle avait fait naître en parallèle de ses études.
Sa vraie vie de groom débute finalement par hasard, en septembre 2014. Une cavalière de CSI 1* lui permet de se mêler au grand sport. “Cela m’a tout de suite plu”, s’exclame Audrey. À l’occasion du Longines Global Champions Tour de Lausanne, la groom se souvient : “Roger-Yves Bost est venu me parler. J’étais comme une enfant à Disneyland, avec des étoiles plein les yeux!” Après une belle aventure d’un an, passée aux côtés de trois cavalières, devenues au fil du temps ses amies, la Drômoise d’origine prend un peu de recul et se replonge dans ses études.
Son monitorat et son permis poids-lourd en poche, Audrey Morandat entend bien se conformer à sa vocation première: le grooming. En 2016, elle croise la route de Laurent Guillet. “Audrey n’habitait pas très loin de chez moi. Avertie par le bouche-à-oreille que je cherchais un employé, elle m’a présenté sa candidature et je l’ai tout de suite embauchée”, raconte le cavalier et marchand. Là-bas, la jeune femme fait ses premières armes à haut niveau et engrange une expérience non négligeable, s’occupant de huit à dix chevaux en concours. “Nous ne nous ennuyions pas, nous courions bien chez Laurent”, plaisante-t-elle aujourd’hui. Audrey participe aux succès de Laurent Guillet et son équipe, et s’attache particulière à Sultan du Château, qui lui offre un cadeau de départ inoubliable en remportant le Grand Prix CSI 2* d’Equita Lyon. Après deux saisons à groomer aux quatre coins de l’Europe, la Sudiste à la joie de vivre débordante décide de changer d’air et de partir pendant six mois à Wellington, en Floride, pour apprendre l’anglais.
Le rêve du haut niveau se concrétise
C’était sans compter sur l’appel de Simon Delestre. “Tout était prêt: mon visa pour partir six mois aux États-Unis, mes nouvelles valises étaient même arrivées! Et puis, Simon m’a appelée”, raconte-t-elle. Le choix est difficile, mais le sport et les chevaux l’emportent, preuve supplémentaire de sa dévotion pour les équidés. Aujourd’hui, elle ne nourrit aucun regret, bien au contraire. Son aventure aux côtés du cavalier de l’équipe de France est ce dont elle a toujours rêvé. Tout a d’ailleurs commencé de la plus belle des manières, avec une victoire dans le Grand Prix secondaire du CSI 5*-W d’Amsterdam, en janvier 2019, grâce à l’attachant Ryan des Hayettes. “Amsterdam était mon premier concours avec Ryan, j’avais les pétoches tout le week-end! Je me disais qu’il fallait que tout soit parfait. Et là, il gagne le Grand Prix”, s’émeut la jeune femme. “Je pars quand même de loin. J’ai souvent entendu dire dans mon dos que je n’y arriverais pas et que je ne ferais rien dans ce milieu.” Quelques semaines plus tard, le rêve se poursuit dans l’enceinte du Grand Palais, avec une victoire qui restera dans les annales.
Évoluant désormais parmi les grooms des meilleurs chevaux du monde, Audrey n’a rien perdu de sa passion contagieuse. Massages, soins, moments câlins, elle ne laisse rien au hasard. “C’est une fille qui aime les chevaux, qui est passionnée. Je pense sincèrement qu’elle est pleinement heureuse ainsi”, salue Laurent Guillet. Malgré les journées à rallonge, le rythme de vie infernal et la pression d’être responsable de quelques grands cracks, elle garde toute la positivité que ses proches lui connaissent. “Je vis pour moi et pour personne d’autre. Je veux mener mes expériences, comme celle que je vis actuellement, qui est incroyable”, confirme-t-elle.
Audrey sait malgré tout qu’elle ne vivra pas du grooming éternellement. Consciente de l’énergie dépensée, elle souhaite arrêter à trente ans, un anniversaire qu’elle fêtera le 9 novembre 2023. À moins que l’appel des Jeux olympiques de Paris en 2024 ne soit trop fort? “Ce serait mon rêve! Les Jeux olympiques restent le graal pour énormément de cavaliers et de grooms”, s’enthousiasme-t-elle. Mais, une chose est sûre, les chevaux resteront dans la vie d’Audrey Morandat. La passion qui l’anime n’est pas près de disparaître et elle entend bien poursuivre son élevage de poneys New Forest, débuté il y a plus d’une décennie, grâce à sa Noha. L’objectif est de produire quelques poneys afin de les valoriser et de les voir évoluer. Jupiter de l’Éperon, son dernier produit, prendra la relève, le moment venu.