Berlin attend encore son crack

Après une excellente carrière sportive, ponctuée notamment par deux médailles d’or par équipes aux Jeux équestres mondiaux de 2006 à Aix-la-Chapelle et aux championnats d’Europe de 2007 à Mannheim, Berlin a également prouvé qu’il était un excellent reproducteur. Depuis trois ans, il s’est même installé dans le top dix du classement des meilleurs pères de gagnants internationaux en saut d’obstacles.



Gerco Schröder et Eurocommerce Berlin ont surtout remporté deux médailles d’or par équipes en grands championnats.

Gerco Schröder et Eurocommerce Berlin ont surtout remporté deux médailles d’or par équipes en grands championnats.

© Scoopdyga

Au terme d’une belle carrière sportive, il y a déjà douze ans, Berlin, grand serviteur de l’équipe néerlandaise de saut d’obstacles, s’est retiré des terrains de concours pour se consacrer uniquement à la reproduction. Formé et monté en épreuves Jeunes Chevaux par la cavalière allemande Stefanie Fleer, alors qu’il portait encore son nom de baptême, Caspar 48, sous lequel il avait été enregistré à sa naissance au studbook Holsteiner, il est repéré à six ans par le marchand néerlandais Jan Tops, qui le vend aussitôt aux écuries Eurocommerce, qui lui donnent le nom d’une ville comme ses propriétaires le faisaient pour tous leurs chevaux. Il passe alors sous la selle de Wim Schröder, cavalier de tête d’Eurocommerce. Celui-ci le valorise jusqu’au plus haut niveau, gagnant à huit ans le Grand Prix CSI 2* de Valkenswaard, puis le Grand Prix CSI 4*-W de Vérone, avant de participer aux championnats d’Europe de Donaueschingen en 2003 que le couple termine à la douzième place individuelle. Victime d’une fracture de la jambe qui l’éloignera un bon moment du haut niveau, Wim cède ses chevaux de pointe à son frère Gerco, qui devient le cavalier numéro un d’Eurocommerce. Entre Gerco et Berlin, l’entente intervient rapidement et le nouveau couple devient un pilier de l’équipe batave. Multipliant les bonnes performances en Coupes des nations, en 2006, il obtient sa sélection pour les Jeux équestres mondiaux d’Aix-la-Chapelle.

Troisièmes de la Chasse, Gerco et Berlin se montrent impériaux lors des deux manches de l’épreuve par équipes. Placé en quatrième par Rob Ehrens, le sélectionneur national néerlandais, Gerco Schröder, alors âgé de vingt-huit ans, ne cède pas sous la pression. Il demande le maximum à Berlin qui se montre parfait et boucle un double sans-faute qui donne la victoire aux Pays-Bas. Dans la difficile demi-finale individuelle, le gris flanche un peu et renverse trois barres lors des deux manches, ce qui prive le couple de la finale tournante pour à peine plus de deux points, avec une néanmoins très honorable sixième place finale. Cette même année, l’étalon remporte le Grand Prix CSI 4* de La Corogne, l’une de ses rares victoires à ce niveau. En 2007, le duo est à nouveau sélectionné pour les championnats d’Europe de Mannheim. Les Pays-Bas s’y imposent encore une fois collectivement, même si Berlin se montre un peu moins brillant qu’aux JEM, avec huit points sur l’ensemble des deux manches de l’épreuve par équipes. Ce sera son dernier grand rendez-vous et sa carrière s’arrêtera l’année suivante. Pour toujours, Berlin restera l’un des chevaux les plus marquants de la carrière de Gerco Schröder. “Vu qu’il n’était pas le cheval le plus rapide du monde, il était difficile de gagner un barrage avec lui, mais il répondait toujours présent. Mon meilleur souvenir avec lui reste la deuxième manche de l’épreuve par équipes des JEM d’Aix, où il a sauté de manière fantastique, ce qui nous a permis de remporter la médaille d’or. Berlin avait bien sûr une force incroyable, une bonne technique et un bon galop, mais aussi un excellent mental. Il cherchait toujours à bien faire. Ces qualités, je les ai d’ailleurs retrouvées chez beaucoup de ses produits.“

LA FAMILLE MATERNELLE DE CASALL 

Caspar 48 est né chez Josef Unkelbach, qui travaillait en collaboration avec Aloysius Pollmann-Schweckhorst, le père d’Alois, à qui il avait acheté Ostia (Holst, Freeman, Ps x Cromwell), une jument issue de la Stamm 890 du Holstein. Cette famille a donné de très nombreux gagnants au plus haut niveau, dont le plus célèbre est sans conteste Casall (Holst, Caretino x Lavall I), très grand performeur avec le Suédois Rolf-Göran Bengtsson et étalon de renom qui figure depuis cinq ans dans le top dix du classement des meilleurs pères de gagnants internationaux établi par la Fédération mondiale de l’élevage de chevaux de sport (WBFSH). Parmi les autres grands gagnants de cette lignée, citons les Holsteiner Chaplin (Contender x Lord) avec l’Allemand Holger Wulschner, Clayden (Carolus I x Liatos) avec le Suisse Pius Schwizer, Carl der Grosse (Carolus I x Rocadero) avec le Mexicain Pedro Yrigoyen, Licapo (Libertino I x Caletto I) avec la Portugaise Luciana Diniz, Cando 2 (Candillo x Corrado I) avec le Néo-Zélandais Bruce Goodin, Sassicaia Ares (Éphèbe For Ever x Rebel I) avec l’Italien Emilio Bicocchi, ainsi que Lorina II (CH, Lombard x Freeman, Ps) avec le Suisse Daniel Etter ou encore deux chevaux ayant évolué sous selles françaises : Corinessa (Calato x Lagos) avec Hubert Bourdy et Loutano (Limbus x Renomee) en dressage avec Anne-Sophie Serre. Avant de concourir à un très bon niveau international avec Alois Pollmann, puis avec les Suisses Willi Melliger et Bruno Candrian sous le nom de Frimella, Ostia a engendré deux pouliches : Tafina (Caletto I), qui a donné plusieurs bons produits dont Licapo, puis Vardana (Holst, Fernando I), grand-mère de Berlin. Après sa carrière sportive, Ostia a également offert Lorina II à l’élevage suisse. Pour sa part, Vardana s’est exclusivement consacrée à l’élevage. Mère de plusieurs bons gagnants à 1,40m et 1,45m, elle a surtout donné naissance à Estia (Caretino), qui a elle-même engendré Berlin avant de concourir à 1,50m et 1,55m avec l’Allemand Marc Wirths sous le nom de Cathleen W.



UN INBREEDING CHOISI SUR CALETTO II

ici au Stephex Masters de Bruxelles, Caspar 232 a notamment accompagné l’Italien Emanuele Gaudiano aux JO de Rio en 2016.

ici au Stephex Masters de Bruxelles, Caspar 232 a notamment accompagné l’Italien Emanuele Gaudiano aux JO de Rio en 2016.

© Scoopdyga

Sur les conseils d’Aloysius Pollmann-Schweckhorst, Josef Unkelbach utilise Caretino pour produire Estia, puis Elmar, le fils d’Aloysius, lui recommande Cassini I. Ce jeune étalon est issu du métissage entre le chef de race Capitol I et une mère par Caletto II, fils du Selle Français Cor de la Bryère. Ce croisement fait fureur dans le Holstein. On le retrouve d’ailleurs dans le pedigree de très nombreux champions et/ou étalons, dont Cento, le crack d’Otto Becker, ou encore C-Indoctro. Très bon gagnant international sous la selle de l’Allemand Franke Sloothaak, avec lequel il a brillé au plus haut niveau en Grands Prix et Coupes des nations, Cassini a également été un remarquable reproducteur, avec plus de deux cents produits ayant évolué entre 1,50m et 1,60m et plus de cent cinquante fils étalons. Sans pouvoir être exhaustifs, signalons Carlsson vom Dach (Holst, mère par Grundyman, Ps) avec l’Américain Will Simpson, Vienna Olympic (Holst, mère par Contender) avec le Qatarien Ali ben Khaled al-Thani, Rosalia La Silla (Holst, mère par Contender), cinquième des Jeux olympiques de Londres en 2012 avec le Mexicain Alberto Michán-Halbinger, alors sous les couleurs du Mexique, puis avec le Qatarien Bassem Mohammed, AD Chatwin (Holst, Le Grand I) avec le Brésilien Alvaro de Miranda, Cassionato (Holst, mère par Quidam de Revel) avec le Britannique Michael Whitaker, Olympic (Holst, mère par Calvados II) avec Rolf-Göran Bengtsson, Equita van’t Zorgvliet (BWP, mère par Darco) avec l’Allemand Daniel Deusser, Cabrio van de Heffinck (BWP, mère par Calato) avec le Belge Olivier Philippaerts, Carambole (KWPN, mère par Concerto II) avec le Néerlandais Willem Greve et surtout Cumano (Holst, mère par Landgraf I), sacré champion du monde avec le Belge Jos Lansink en 2006, la même année que Berlin l’a été par équipes. 

Elmar Pollmann-Schweckhorst, qui a repris il y a deux ans l’élevage de Josef Unkelbach, désormais âgé de quatre-vingtquatre ans, se souvient de ce choix. “Cassini m’avait impressionné par son énorme puissance et sa technique parfaite. Je pensais qu’il était idéal pour Estia, une jument avec du sang mais qui manquait un peu de moyens. De plus, j’aimais beaucoup cette consanguinité sur Caletto II, étalon que j’aimais beaucoup et qui était mort trop jeune.“ Poulain, Caspar n’a pas immédiatement tapé dans l’œil d’Elmar. “Quand il était jeune, je ne le trouvais pas très beau et un peu lourd. En revanche, lorsque nous avons commencé à le faire sauter, nous avons vu qu’il n’avait rien d’ordinaire. Même sur de petits obstacles, il se montrait toujours très démonstratif, sautant un mètre au-dessus avec une classe innée. Pour autant, nous ne pouvions pas lui prédire une telle carrière. J’étais avec Josef à Aix-la-Chapelle quand il a remporté la médaille d’or avec Gerco Schröder. Le voir gagner en sautant de cette façon était incroyable. Même dans nos rêves les plus fous, nous n’aurions jamais imaginé vivre cela !“

REFUSÉ AU HOLSTEIN, MAIS APPROUVÉ AU KWPN 

Présenté à la Körung du Holstein à trois ans, Berlin n’y avait pas obtenu son approbation. Il n’a obtenu le droit de saillir que six ans plus tard, sur la foi de ses performances, de la part du stud-book KWPN. D’emblée, il a rencontré un grand succès auprès des éleveurs. Parmi ses premiers produits, ayant vu le jour en 2004, plusieurs ont évolué à haut niveau comme Zycalin W (KWPN, mère par Carthago) avec l’Italien Emanuele Massimiliano Bianchi, Zippit (KWPN, mère par Zeus) avec le Belge Grégory Wathelet, Casparo (OS, mère par Drosselklang II) avec l’Argentin Luis Pedro Biraben, H5 Caruschka 2 (OS, mère par Continue) avec le Brésilien Eduardo Menezes, H&M Zilverstar T (voir encadré) avec le Belge Nicola Philippaerts, ou encore Zerlin M avec Jos Lansink, Marlon Módolo Zanotelli, Michael Hugues et Maelle Martin. 

L’année suivante naissent Ace (KPWN, mère par Irco Polo), performant sous les selles de la Néerlandaise Stefanie van den Brink puis de l’Américaine Alison Robitaille, Butterfly Tibri (Z, mère par Silvio II) avec l’Américaine Lindsay Douglas, Capilot (OS, mère par Pilot) avec le Japonais Koki Saito, Calvara (OS, mère par Calvaro) avec la Danoise Tina Lund, Falco van het Roosakker (BWP, mère par Darco) avec le Belge Jérôme Guery, ou Bull Run’s Faustino de Tili, gagnant de Grands Prix CSI 5* avec l’Américaine Kristen Vanderveen. Parmi les générations suivantes, mentionnons les grands gagnants Chambery (KWPN, mère par Lux) avec l’Autrichien Roland Englbrecht, Dino W (KWPN, mère par L’Amour) avec l’Irlandais Bertram Allen et le Marocain Abdelkebir Ouaddar, Sea Coast Coco Berlini (Westph, mère par Quidam de Revel) avec la Belge Gudrun Patteet, Dolores BH (KWPN, mère par Voltaire) avec l’Irlandais Richard Howley, Dienellie (KWPN, mère par Lupicor) avec la Néerlandaise Lisa Nooren, Bellefleur PS (Z, mère par Quidam de Revel) avec l’Américain McLain Ward et la Luxembourgeoise Charlotte Bettendorf, Belano van de Wijnhoeve (Z, mère par Darco) avec le Belge Jean-Christophe de Grande, Caspar’s Lasino (Holst, mère par Lasino) avec l’Américain Devin Ryan, Excellent B (KWPN, mère par Heartbreaker) avec la Canadienne Nicole Walker, Casco 11 (Holst, mère par Colman) avec l’Américaine Lauren Tisbo, Eclatant avec la Suédoise Petronella Anderson, Sweet Tricia (KWPN, mère par Tampa) avec l’Américain Nicholas Dello Joio, l’Irlandais Darragh Kenny et Marlon Zanotelli, et plus encore H&M Extra avec Olivier Philippaerts et Caspar 232 avec Emanuele Gaudiano. Chez les plus jeunes, signalons Berlux (Z, mère par Major de la Cour), âgé de neuf ans et classé à 1,60m avec Simon Delestre.



UNE PRODUCTION FRANÇAISE TRÈS INTÉRESSANTE

Ici avec l’Américaine Jessica Springsteen, RMF Swinny du Parc s’affirme comme l’un des meilleurs produits de Berlin.

Ici avec l’Américaine Jessica Springsteen, RMF Swinny du Parc s’affirme comme l’un des meilleurs produits de Berlin.

© Scoopdyga

Le premier produit Selle Français de Berlin est né en 2005. Il s’agit de Rime de Gravelotte (mère par Quorum de Laubry), la seule de cette génération, créditée d’un bon indice de 136. En 2006, douze produits SF de Caspar sont nés, dont Sibyl de Keriboulo (ISO 134, mère par Quatoubet du Rouet), Story de Preuilly (voir tableau), très bon avec Philippe Rozier, et surtout RMF Swinny du Parc, classée à 1,60 m avec Jessica Springsteen. Les générations des “U“ et “V“ ont été les plus conséquentes avec quatre-vingt-huit naissances au total pour soixante-cinq chevaux ayant évolué en compétition, dont seize ont obtenu un indice supérieur à 140. Parmi eux, citons VIP du Forézan, champion des sept ans avec Julien Gonin avant d’être exporté, renommé V.I.P. et de se classer à 1,60 m avec la Mexicaine Paola Amilibia Puig, l’Anglo-Arabe de croisement Uppsala du Figuier, classée à 1,50 m avec le Suisse Martin Fuchs, Ultime du Paradis, classé à 1,50 m avec l’Italien Matteo Zamana, Udson de Jauzif, très performant en GP 145 avec Thomas Rousseau, Very Good de la Bonn, classé à 1,50 m avec Quentin Marion avant de passer sous la selle de Pius Schwizer, tandis qu’Ursule du Mazet s’est illustrée en Grands Prix CSI 5* sous le nom de Wicked avec la Canadienne Jenn Serek. 

Les générations suivantes sont moins conséquentes avec douze compétiteurs nés en 2010, dont Angelina du Ter, Élite à quatre ans, six en 2011 dont Bellissima Gravelotte (ISO 136, mère par Lawrence), Élite à cinq ans, six en 2012 dont Chelsea Gravelotte (ISO 140, propre sœur de Bellissima) et six en 2013, dont Daome de Lure (ISO 141, mère par Tinka’s Boy), vice-championne des cinq ans et Élite à six ans. Au total, cent dix produits de Berlin nés en France ont concouru, dont plus de la moitié ont obtenu un indice supérieur ou égal à 120, ce qui constitue une proportion remarquable. Vingt ont été indicés au-dessus de 140, dont une dizaine ont concouru au moins à 1,50m. Même si Berlin a engendré beaucoup de très bons chevaux, à l’étranger ou en France, il lui manque encore un authentique crack capable de marquer les esprits et de gagner les plus beaux Grands Prix ou des médailles en championnats. Se trouve-t-il dans les générations à venir ? L’avenir le dira.

Cet article est paru dans le magazine GRANDPRIX du mois d'avril.