"Il ne faut pas être trop optimiste au sujet de la réouverture des clubs", Florence Willaume, présidente du Comité départementale d’équitation de l’Aisne

Même si les centres équestres, poney-clubs et écuries de propriétaires devront certainement respecter la jauge maximale de dix personnes au moins jusqu’au 2 juin, ces structures devraient pouvoir rouvrir la 11 mai, si les indicateurs de santé sont au rendez-vous comme l’a précisé dans son discours du 28 avril, le premier Ministre Édouard Philippe. “Il sera possible, les beaux jours aidant, de pratiquer une activité sportive individuelle en plein air, en dépassant évidemment la barrière actuelle du kilomètre et en respectant les règles de distanciation physique. Il ne sera possible ni de pratiquer dans des lieux couverts, ni des sports collectifs, ni des sports de contact.” En amont, le Ministère de l’agriculture avait permis, le 23 avril, aux propriétaires d’équidés de rendre visite à leurs montures dans le cas où les établissements les accueillants ne pouvaient pas leur accorder les soins nécessaires. Une annonce qui depuis près d’une semaine créée doutes et débats. Présidente du Comité départementale d’équitation de l’Aisne, Florence Willaume doit faire face à ces interrogations portées par les propriétaires et la soixantaine d’établissements équestres que compte son secteur. 



Comment avez-vous réagi à l’annonce du Ministère de l’agriculture permettant au propriétaire d’équidés de rendre visite à leurs montures dans le cas où les établissements les accueillants ne pouvaient pas leur accorder les soins nécessaires ? 

Il faut être très prudent pour le moment. Ce qui me fait peur, c’est qu’il ne faudrait pas que le Premier Ministre fasse marche arrière si de nombreux clubs ouvrent aux propriétaires en se servant du communiqué de presse du ministre de l’agriculture. Il n’y aurait rien de pire que d’être obligé de faire machine arrière. Je viens d’avoir la préfecture au téléphone qui nous dit qu’effectivement la décision revient aux centres équestres. S’ils n’arrivent plus à assumer les soins et les sorties des chevaux ils peuvent faire appel aux propriétaires. Mais s’il y a trop de publicité, trop de publications Facebook dans lesquels on voit des retrouvailles entre des propriétaires et leurs chevaux, j’ai peur que le Premier Ministre fasse tout refermer.

 

Avez-vous pu échanger avec les structures équestres de votre département sur les modalités de leur réouverture ? 

Je commence seulement. Et je ne veux rien annoncer pour le moment parce qu’il y a clairement une question d’interprétation et d’appréciation du communiqué du Ministre de l’agriculture. Dans tous les cas, ceux qui veulent faire venir les propriétaires, devront mettre en place des plannings stricts et des mesures sanitaires tout aussi strictes :  imposer le port de masque et différencier le matériel manipulé par les propriétaires de celui utilisé par leur personnel par exemple. C’est extrêmement important d’être exemplaire. J’oriente mes clubs dans ce sens-là. Jusqu’à présent, j’ai réussi à tenir tous mes clubs fermés aux propriétaires, ils me suivent. Il y a de la cohésion pour éviter qu’un établissement ouvre et que cela pose problèmes aux autres. Mais cela va être de plus en plus en compliqué. En effet, le préfet des Ardennes, un département limitrophe, a répondu favorablement à la demande du comité départemental d’équitation de rouvrir aux propriétaires pour les soins et les sorties. Pour mes clubs qui sont juste à côté ce sera très difficile de tenir les propriétaires. Tout ce que je peux dire aux structures pour l’instant c’est que si elles décident d’ouvrir aux propriétaires, normalement elles ne pourront pas être verbalisées si les choses sont faites dans les règles. Depuis ce week-end, la pression a vraiment augmenté.

 

Vous-même à la tête des écuries de l’Étoile, vous êtes soumise à cette pression ? 

Nous avons une vingtaine de chevaux dont une dizaine appartenant à des clients. J’ai de la chance. Pour l’instant je n’ai pas de pression. Nous proposons des prestations autres dans mon écurie que dans un club. Les chevaux sont entièrement pris en charge. Les soins, les sorties au paddock et au marcheur sont des choses que nous faisions déjà avant et j’ai pas mal de personnel aux écuries. Les chevaux ont des soins tous les jours, les box impeccables… C’est une écurie grand luxe je dirais. Mes clients sont confiants. Nous envoyons des vidéos et les propriétaires sont impressionnés de l’évolution de leurs chevaux. Je n’ai que des bons retours. Mais je ne suis pas un centre équestre, je n’ai pas quarante chevaux de propriétaires à m’occuper en plus d’une cavalerie de club. Ce n’est pas comparable. Je comprends bien que ce soit compliqué pour les clubs. J’ai des appels de structures qui n’en peuvent plus avec certains propriétaires qui leur mettent une pression monstre. C’est très compliqué à gérer.



"Il y avait déjà des structures dans des situations financières très précaires"

Pensez-vous qu’il y ait une chance avec la réouverture des écoles que les centres équestres accueillent à nouveau des scolaires ?

Je n’y crois pas du tout. Ce ne sera pas possible à mettre en place. De toute façon le Grand Est, les Hauts de France, l’Ile de France sont des zones rouges. J’ai déjà des doutes sur la simple réouverture des écoles dans nos départements. Déjà si les clubs peuvent rouvrir avec des cours à moins de dix ce serait super mais c’est loin d’être gagné. Il ne faut pas être trop optimiste, de toute façon il n’y a encore rien d’acté.

 

Les élans de solidarités envers les structures équestres, à l’image des Stage solidarités initiés par Philippe Rozier, se multiplient ces derniers jours. Qu’en est-il dans l’Aisne ? 

Je n’ai encore rien mis en place à ce niveau-là. J’ai demandé au Comité régional d’équitation des Hauts de France des précisions quant à l’aide à la relance d’activité ou encore la distribution de masques dans les structures mais je n’ai pas vraiment d’informations pour le moment.  Nous sommes beaucoup plus limités en budget que le CRE, donc nous avons besoin de savoir ce qu’ils vont faire pour ensuite lancer des actions complémentaires. Nous naviguons à vue. J’attend de voir ce qu’il va être possible de faire et ensuite nous en parlerons avec les clubs. Néanmoins, il y a des choses qui commencent à apparaitre dans certains établissment comme des dons de forfaits de cours ou de pensions par exemple. Il y a vraiment des structures qui sont dans une grande détresse. Heureusement il y a eu quelques propositions de la part de propriétaires pour prendre des poneys dans des prés chez eux ce qui a pu soulager quelques clubs. Mais ce n’est pas facile.

 

Craigniez-vous que certaines structures ne parviennent pas à survivre à cette crise ? 

Il y avait déjà des structures dans des situations financières très précaires. Si elles ne sont pas aidées rapidement, elles ne pourront pas survivre. De plus, il faut différencier les types de structures : celles avec ou sans propriétaire, celles avec ou sans herbage, etc. Il y a aussi des structures relativement saisonnières qui fonctionnent presque exclusivement sur des sorties en extérieurs, des ballades avec une clientèle de passage. Ces dernières font leur chiffre d’affaire d’avril à septembre, ce sera vraiment compliqué de survivre. Même pour les établissements plus importants avec des propriétaires qui font de la compétition, si les propriétaires ne peuvent pas venir et qu’il n’y a pas de concours, il y en a beaucoup qui vont retirer les chevaux pour les mettre au pré. Il faut que ça aille vite maintenant pour la survie des clubs. Le manque de visibilité est vraiment compliqué.