“Depuis que je suis gamin, je rêve d’atteindre le sommet de mon sport”, Benoît Cernin

Sacré champion de France Pro Élite l’an dernier sur le Grand Parquet de Fontainebleau aux rênes d’Uitlanders du Ter, Benoît Cernin ne fait pas de bruit. Travailleur de l’ombre, le Bourguignon, installé à Génelard en Saône-et-Loire, rêve de poursuivre sa route à haut niveau. Privé de compétition depuis la série de concours de Royan, en mars, en raison du confinement lié à la pandémie de Covid-19, Benoît Cernin se prépare à la reprise.



La France vit confinée depuis le 17 mars. Comment cela se passe-t-il pour vous?

Je vis plutôt bien ce confinement. Nous, cavaliers professionnels, avons la chance d’être dans nos écuries et de travailler dans la nature. Le temps commence à être long sans concours, mais nous nous occupons malgré tout. Comme nous sommes tout le temps aux écuries, nous faisons pas mal de bricolage et d’entretien, tout ce que nous n’avons pas souvent le temps de faire. Cette situation me permet aussi de profiter de ma fille, qui est née samedi dernier (le 25 avril, ndlr).

Comment se portent vos chevaux? Avez-vous modifié leur programme de travail?

J’ai de grands paddocks donc tous mes chevaux vont dehors chaque jour, y compris les mâles. Le confinement leur va très, très bien! En ce qui concerne le travail, on m’a conseillé de continuer à sauter, ce que je fais finalement très peu. En revanche, ils bénéficient d’un bon travail sur le plat. J’ai également un grand terrain en herbe, bien vallonné, qui leur est très bénéfique. Cela permet de les garder bien en condition physique et musculaire. Je planifie quelques séances de saut avec les chevaux que je ne connais pas beaucoup mais j’essaie de ne pas sauter pour sauter avec les plus expérimentés. Je fais le minimum. Si demain on nous annonce une date de reprise des concours, là je remettrais tout le monde en route. L’hiver, nos chevaux connaissent des pauses, mais celles-ci restent relativement courtes. Comme ils sont pas mal sollicités le reste de l’année, avec de nombreux concours, j’essaie de profiter de cette période exceptionnelle pour leur octroyer un break.

Quid d’Uitlanders du Ter (SF, Clinton x Hurlevent), avec lequel vous avez décroché votre premier grand titre l’an dernier à Fontainebleau? 

Il est en pleine forme. Il s’était donné un petit coup en début de saison et profite du confinement pour revenir en pleine possession de ses moyens.

Sur quels autres chevaux comptez-vous pour prétendre aux plus beaux concours?

J’ai Unesco du Rouet (SF, Allegreto x Galoubet A), qui a déjà sauté de très gros parcours. Il a d’ailleurs participé aux Jeux équestres mondiaux de Tryon (ainsi qu’aux Championnats d’Europe Longines de Rotterdam avec le Portugais Luis Sabino Gonçalves, ndlr). J’ai aussi Vackanda de Lojou (SF, Apache d’Adriers x Diamant de Semilly), qui arrive vraiment en top forme. Je compte aussi sur Belatrix du Puy (SF, Dollar de la Pierre x Fidji du Fleury) pour l’avenir. Elle a peu d’expérience mais démontre un énorme potentiel.

Enfin, j’ai d’autres chevaux plus jeunes, dont quelques-uns qui ont six ans. Je pense notamment à Illy Cœur DS (sBs, Cœur de Cachas DS x Kashmir van’t Schuttershof), une jument que j’ai achetée cet hiver. Elle a débuté en CSI Jeunes Chevaux cette année à Royan, où elle n’a renversé qu’un obstacle en quinze jours de concours. Je pense vraiment que c’est une petite perle. 

Sans concours, comment se poursuit l’apprentissage de vos jeunes montures?

Habituellement, ce sont surtout mes cavaliers qui les montent. Là, j’ai le temps de m’en occuper. Finalement, nous faisons tout ce que nous n’avons pas le temps de faire habituellement. De plus, nous pouvons respecter le rythme de chaque cheval. Quand nous sommes en concours, nous avons un timing à respecter. Là, le temps semble s’être arrêté alors nous pouvons vraiment bien faire notre boulot sans regarder notre montre.



“Le Grand Parquet est un terrain mythique”

Vous êtes un habitué du Master Pro. En début d’année, la Fédération française d’équitation (FFE) a annoncé qu’il quittait le stade équestre de Fontainebleau et son Terrain d’Honneur, au moins temporairement, pour la grande carrière de sable du haras de Jardy, à Marnes-la-Coquette. Quel regard portez-vous sur ces changements?

Organiser les championnats de France à Jardy enlève du charme à cet événement. Le Grand Parquet est un terrain mythique, qui accueille aussi les finales nationales Jeunes chevaux. Certes, il y a du dénivelé, mais cela reste l’une des plus belles pistes de France. Je trouve vraiment cela dommage. Si le Terrain d’Honneur était moins sollicité, le sol serait très bien. J’ai eu l’occasion d’aller à Dinard pour la première fois l’an passé. Le terrain en herbe y est extraordinaire et je pense qu’il y a autant de dénivelé qu’à Fontainebleau. Cependant, la piste de Dinard est consacrée à un unique événement…

Comment percevez-vous l’idée de rendre obligatoire le championnat Pro Élite pour les meilleurs Tricolores?

Il est sûr qu’être champion quand il y a vingt partants ou en présence de la plupart des meilleurs cavaliers Français, ce n’est plus du tout la même épreuve. Il faut parvenir à relancer ce championnat. Le problème est qu’il n’est pas assez bien doté (10.000 euros pour la Chasse, 18.000 euros, 40.000 euros pour la finale en deux manches et 7.500 euros pour le podium final, soit 65.500 euros, ndlr). Il faudrait que la dotation atteigne le double ou le triple de celle que peut gagner un couple dans un CSI 3* ou 4*! À ce moment-là, il y aurait du monde. Les cavaliers ne seraient pas obligés d’y aller, mais ils viendraient vraiment pour gagner le championnat. Là, les cavaliers vont engager un cheval qui vient d’arriver mais l’épreuve ne sera toujours pas courue comme un championnat. C’est toujours pareil: une bonne épreuve avec une bonne prime en jeu, il y a du monde. De plus, avoir un seul cheval à monter pendant le week-end, sans autres épreuves à côté, représente une perte de temps par rapport à d’autres concours. À Fontainebleau, on peut venir avec un plein camion de chevaux. J’en avais amené sept l’an dernier.

Vous êtes très régulier à haut niveau tout en restant assez discret. Comment vous expliquez-vous cela?

Pour l’instant, je n’ai pas encore le cheval pour passer rapidement le cap du très haut niveau. Je comptais vraiment sur Unesco, qui a beaucoup d’expérience dans ces épreuves-là, et Vackanda, qui est sur la pente ascendante et devait sauter de beaux Grands Prix cette saison. Avec le confinement, nous avons pris du retard mais tout le monde est logé à la même enseigne. J’ai aussi Uitlanders, bien sûr, qui est un tout petit peu irrégulier en tant qu’étalon bien qu’il soit de moins en moins sensible. Maintenant, il me manque le crack comme on dit!

Pensez-vous à l’équipe de France?

Bien sûr, c’est mon objectif. Depuis que je suis gamin, je rêve d’atteindre le sommet de mon sport. Cela mettra du temps mais j’y travaille. C’est pour cela que j’achète beaucoup de jeunes chevaux, en totalité ou en copropriété. Je veux être sûr de pouvoir faire du super boulot et tout gérer comme je le souhaite.

Revivez le premier Grand Prix CSI 2* de Benoît Cernin avec Unesco du Rouet, en février dernier à Royan