L’orage gronde dans le ciel des Global Champions Tour et League…

Les promoteurs du Longines Global Champions Tour/Global Champions League doivent composer non seulement avec les mesures de confinement prises pour lutter contre la pandémie de Covid-19, mais aussi avec le retrait de leur prétendu nouvel actionnaire, l’Allemand Lars Windhorst, qui devait racheter les parts de l’Américain Frank McCourt. Désormais, les deux hommes s’affrontent devant la justice…



Jan Tops pose ici avec Frank McCourt, son ex-associé… qui devrait le rester encore quelque temps.

Jan Tops pose ici avec Frank McCourt, son ex-associé… qui devrait le rester encore quelque temps.

© Stefano Grasso/LGCT

Le 13 janvier, dans un communiqué de presse aux accents triomphateurs, le double circuit Longines Global Champions Tour/Global Champions League (LGCT/GCL) avait fièrement annoncé que Tennor, le nébuleux groupe financier présidé par l’Allemand Lars Windhorst, avait racheté les parts, représentant 50%, détenues depuis six ans par l’Américain Frank McCourt. “J’ai hâte de travailler en partenariat avec Tennor pour poursuivre notre développement et étendre davantage la GCL sur de nouveaux marchés et à de nouveaux publics à l’ère du numérique”, avait alors déclaré le Néerlandais Jan Tops, fondateur, copropriétaire et président de Global Champions. “J’ai hâte de travailler avec Jan Tops pour l’aider à bâtir le succès de ce fantastique projet sportif de classe mondiale. Jan a été la figure pionnière au plus haut niveau du saut d’obstacles pendant de nombreuses années et je suis ravi que Tennor fasse partie de ce voyage ainsi que des opportunités passionnantes à venir”, lui avait répondu Lars Windhorst. Bref, les noces s’annonçaient heureuses et fructueuses.

À la fin du portrait que GRANDPRIX avait consacré à Lars Windhorst, le 30 mars, se posaient déjà quelques questions. Entre-temps, le monde avait plongé dans la crise du Covid-19 et les quatre premières étapes du LGCT/GCL, programmées à Miami, Mexico, Shanghai et Madrid, n’avaient déjà pas pu avoir lieu à leur date initiale. L’équilibre économique de ces circuits reposait alors sur une reprogrammation, toujours dans les mains d’une commission ad hoc de la Fédération équestre internationale, et sur les possibilités des organisateurs. Comme tant d’autres entrepreneurs, Lars Windhorst, businessman aux mille visages habitué aux montagnes russes, se retrouvait contraint de se retrousser les manches, et peut-être déjà de réinviter un modèle qui n’est pas assuré de supporter cette crise sans précédent.

Visiblement, il a jugé le défi de trop grande ampleur, puisqu’il a tout bonnement décidé renoncer à la transaction, dont on connaît aujourd’hui le montant, astronomique: 169 millions d’euros! Selon les informations parues chez nos confrères néerlandais de RTL Z, le financier allemand avait signé une lettre d’intention et accompli toutes les formalités, sauf la plus importante: la signature de l’acte de vente valant transfert de propriété. La société de Franck McCourt a logiquement saisi la justice néerlandaise afin de contraindre l’Allemand à honorer sa parole. En première instance, le tribunal de commerce d’Amsterdam, spécialisé dans le contentieux commercial international, a jugé que Windhorst avait le droit de faire marche arrière, mais l’a condamné à payer une amende de 30 millions d’euros. Une décision qui ne suffit pas à éponger la colère de McCourt, également propriétaire du club de football de l’Olympique de Marseille. “Nous voulons toujours conclure la transaction. Tennor a failli à son obligation contractuelle d’acheter la participation de McCourt dans Global Champions. […] McCourt utilisera toutes les options disponibles pour obliger Tennor à honorer ses engagements et à achever la transaction dans les conditions convenues.”



À quand la reprise?

Estimant à raison que cela ne le concerne pas au premier chef, Jan Tops se refuse à tout commentaire. Pour autant, compte tenu des effets multiples et violents de la crise sanitaire actuelle, l’ancien cavalier olympique préférerait sûrement être au gouvernail d’un navire plus stable. Dans les meilleures conditions, le double circuit, qui a débuté en mars à Doha, perdra six de ses dix-huit étapes. Pourra-t-il reprendre fin juin à Monte-Carlo? Ce serait extrêmement surprenant. L’étape de Berlin, concours appartenant à Lars Windhorst, ne pourra pas se tenir en juillet comme prévu. Il en sera probablement de même pour celles de Valkenswaard, Londres et Paris, programmées en août. En France, par exemple, les rassemblements de plus 5.000 personnes sont interdits jusqu’à fin août. En septembre, devraient alors s’enchaîner les CSI 5* de Rome, Saint-Tropez, Miami et Mexico, à condition pour ces deux derniers que les vols transatlantiques aient rouverts… Enfin, le CSI 5* de Shanghai est prévu fin octobre, et l’épilogue fin novembre à Prague, comme en 2018 et 2019.

En coulisses, il se murmure que certains propriétaires d’écuries de la GCL demanderaient un remboursement – au moins partiel – de l’immense droit d’entrée de 2,5 millions d’euros par saison qu’ils ont réglés. “Je suis dans l’expectative. Les organisateurs nous doivent un certain nombre d’informations, au-delà même de la pandémie de Covid-19 d’ailleurs, puisque nous n’en avions déjà pas eues l’an passé concernant l’annulation de l’étape de Montréal, qui représentait pourtant une perte potentielle de gains. Cette année, le nombre de concours annulés sera sûrement plus nombreux encore. Ce n’est pas en plein milieu d’un crise qu’il faut faire pression pour obtenir des réponses à nos interrogations, mais celles-ci devront arriver, aussi bien sur le plan sportif que financier”, a déclaré à GRANDPRIX Olivier Sadran, copropriétaire des Monaco Aces. “J’ai toutefois confiance dans le sérieux et le professionnalisme des organisateurs. En tout cas, je ne transigerai pas sur le respect de l’intégrité physique de mes chevaux, donc il serait hors de question, par exemple, qu’ils concourent trois ou quatre semaines d’affilée ou qu’ils enchaînent en deux mois ce qui était prévu en dix, surtout avec tous les déplacements que cela implique. Je ne jouerai clairement pas ce jeu-là.”

Il se dit aussi que le système bâti par Jan Tops et les différents organisateurs qui collaborent avec lui pourrait être fragilisé, comme d’autres circuits et concours, par des désengagements de sponsors. Bref, l’orage gronde sérieusement dans le ciel de Global Champions, et voir vaciller un tel édifice ne doit satisfaire personne. Pour autant, il ne faut pas oublier que la GCL a conduit le saut d’obstacles sur un chemin dangereux ayant pour destination finale un championnat d’élite où l’on se coopte, comme en Formule 1, à mille lieues des valeurs de l’olympisme. Et redire que les fameux doits d’entrée contreviennent de fait aux règles de la Fédération équestre internationale bien que celle-ci ait toujours argué le contraire… Alors, si la crise permettait de remettre à plat le modèle, surtout en ce qui concerne la GCL, ce serait peut-être un mal pour un bien.