Paulank Brockagh, la crack de Sam Griffiths, tire sa révérence et retrouve les prés de sa jeunesse

Il y a tout juste une semaine, Paulank Brockagh, la fabuleuse crack de l’Australien Sam Griffiths, a regagné l’écurie où elle avait le jour, à Wicklow en Irlande. La fin d’un fabuleux chapitre de la vie de cette jument, lauréate du CCI 5*-L de Badminton en 2014, puis médaillée de bronze par équipes et quatrième en individuel des Jeux olympiques de Rio 2016. Et peut-être, qui sait, le début d’un autre… Retour sur la carrière d’une championne à la personnalité bien trempée.



La jument pose ici avec celui qui l’a montée pendant dix ans.

La jument pose ici avec celui qui l’a montée pendant dix ans.

© Collection privée

Mardi dernier, juste avant la tombée de la nuit, un camion est entré dans une écurie du comté de Wicklow, en Irlande, et lorsque la rampe a été abaissée, une jolie jument bai a vécu le début d’un retour aux sources. Cela faisait dix ans que Paulank Brockagh (ISH, Touchdown), plus connue sous le nom de Brocks, avait été chargée dans un van par sa naisseuse, Paula Cullen, pour un voyage vers les écuries de Sam Griffiths, cavalier australien de concours complet installé dans le Dorset, en Grande-Bretagne, d’où une glorieuse histoire a commencé à s’écrire.

Brocks, “l'assurance tous risques” comme la décrit Sam Griffiths, est devenue un pilier sur lequel l’équipe australienne de concours complet a pu s’appuyer durant une petite décennie. Ses performances aux Jeux équestres mondiaux de Normandie 2014, où l’équipe avait terminé quatrième, puis aux Jeux olympiques de Rio 2016, où elle a aidé l’Australie à décrocher le bronze par équipes, tout en terminant quatrième en individuel, font d’elle une légende. En 2014, elle a conquis Badminton, l’Everest du complet, grâce à un cross-country épique. Au total, sur trente-cinq concours internationaux, Brocks a couru douze fois au niveau CCI 5*-L, se classant parmi les dix premiers à Badminton donc, mais aussi à Burghley, Pau et Luhmühlen.

Il y a quelques semaines à peine, sa propriétaire, Dinah Posford, et son cavalier ont décidé qu’il était temps pour la jument de prendre sa retraite et de repartir vivre en Irlande. Mardi dernier, après lui avoir laissé quelques minutes pour se détendre et paître après sa traversée de la mer d’Irlande, Paula a raccompagné Paulank Brockagh à l’écurie où elle est née il y a dix-sept ans. Emplies d’émotions, ces retrouvailles ont fait ressurgir beaucoup de souvenirs, et Paula Cullen a effectué cette promenade avec fierté. “Quand nous la lui avions vendue en 2010, j’avais dit à Dinah que si jamais la jument se reproduisait, j’aurais aimé avoir un droit de préemption sur le poulain. Alors, quand j’ai reçu son appel pour me demander si je voulais bien l’accueillir ici pour sa retraite, je n’ai pas pu retenir les larmes!”, sourit Paula.

Ce moment fut d’autant plus émouvant parce que la mère de Brocks, Calendar Girl (ISH, x Triggerero, Ps x French Wood, Ps), est morte il y a seulement trois mois à l’âge de vingt-neuf ans. Brocks a toutefois retrouvée beaucoup de ses frères et sœurs maintenant qu’elle est rentrée à la maison, dans les collines de Wicklow, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Dublin. Paula a fait naître toutes sortes de champions. Initialement connue comme la meilleure éleveuse de poneys Welsh, elle a vécu de nombreux grands moments dans le mythique stade de la Royal Dublin Society, hôte du CSIO 5* de Dublin, immense fête nationale du cheval. Aujourd’hui, elle se retrouve plus souvent en ce même lieu pour voir à l’œuvre sa rugby star de fils, Leo, devenu entraîneur principal du club de Leinster après avoir honoré trente-deux sélections en équipe d’Irlande.

Quand elle a créé Paulank (affixe combinant son prénom et celui de son mari, Frank) Sport Horses, Brocks l’a véritablement lancée dans le grand bain. La jument inscrite au stud-book de l’Irish Sport Horse a obtenu d’excellents résultats avec Joseph Murphy et Daryll Walker avant de terminer troisième du CIC 1* à Ballinacoola, en 2009 en Irlande, sous la selle d’Heidi Hamilton. Au printemps suivant, Paula l’a fait conduire chez Sam Griffiths, qui l’a propulsée au huitième rang du championnat des chevaux de sept ans au Mondial du Lion-d’Angers en octobre.


En 2010, le couple avait fini huitième du Mondial des chevaux de sept ans au Lion-d’Angers. © Scoopdyga



Incroyable crack de cross

On retrouve le couple sur l’obstacle de cross le plus difficile des Jeux équestres mondiaux de Normandie, en 2014 au Haras national du Pin.

On retrouve le couple sur l’obstacle de cross le plus difficile des Jeux équestres mondiaux de Normandie, en 2014 au Haras national du Pin.

© Scoopdyga

À cette date, elle avait donc changé de propriétaire. Dinah Posford était à la recherche d’un cheval à partager avec sa fille Jules, et l’époux de celle-ci, Steve Carter, lorsqu’elle a entendu parler de Brocks par son amie Juliet Donald, avec laquelle elle était déjà copropriétaire de Happy Times, autre champion de Sam, troisième à Badminton et Burghley en 2009. “Happy était au sommet de sa forme à l’époque. Quand Juliette m’a parlé de Brocks, je suis allée la voir. J’ai pensé qu’il y avait quelque chose en elle et qu’il serait bien d’avoir une jument, alors nous l’avons achetée.” Une excellente décision of course. “Le plaisir que nous avons eu avec elle et la joie qu’elle nous a apporté sont inestimables”, dit encore Dinah, qui garde notamment en mémoire la victoire de Brocks à Badminton. “Ce fut une édition exceptionnelle, avec seulement trente-deux couples à l’arrivée sur soixante-dix-huit partants. Brocks n’était que vingt-cinquième après le test de dressage, mais elle est remontée jusqu’à la cinquième après le cross. Et quand elle a gagné, j’étais dans un état second! C’était tout simplement merveilleux!”

Selon Sam Griffiths, ce qui rend Brocks si spécial à monter est qu’elle lui a toujours tout donné. “Je n’ai jamais monté un cheval si courageux. Elle était naturellement douée pour le saut d’obstacles, avait juste besoin d’un peu d'entraînement sur le plat mais elle était un incroyable cheval de cross. J’avais vraiment le sentiment qu’elle essaierait de sauter une maison si je lui avais demandé. Elle me procurait une telle confiance! Elle n’était pas la plus rapide mais quand elle est arrivée au niveau 5*, elle avait une telle endurance qu’elle pouvait simplement continuer et continuer d’essayer. C’est encore plus vrai le dernier jour, pour le saut d’obstacles, où elle donnait toujours tout ce qu’elle pouvait.”

“À Rio (aux Jeux olympiques de 2016, ndlr), le cross était vraiment difficile, et j’ai été le premier équipier australien à en prendre le départ”, se souvient le cavalier. “Alors que beaucoup de premiers couples des autres équipes se débattaient, j’étais rempli d’inquiétude. Autant dire que réussir un cross aussi brillant puis deux sans-faute à l’hippique nous a procuré un vrai frisson. À Rio, les vrais sauteurs se sont vraiment distingués”, explique Sam. Au Brésil, le couple a manqué le bronze individuel pour moins de deux points de pénalité, devançant Christopher Burton, un autre Australien, cinquième à seulement 0,5 avec Santano II. Plus tôt dans la carrière de Brock, Chris, cavalier et formateur de jeunes chevaux mondialement renommé mais aussi un grand ami de Sam, n’avait pas été impressionné par elle. “Quand il est venu à la maison, une fois, je lui ai dit qu’il devrait essayer cette jument et que je pense qu’elle pourrait un jour courir à Badminton, mais elle ne lui a pas vraiment tapé dans l’œil ce jour-là. Il n’est tombé amoureux d’elle que quelques années plus tard!”, se souvient Sam avec humour.

Aussi adorée soit-elle, Brocks peut s’avérer capricieuse, surtout avec des gens à pied. “Elle est assez têtue et quand elle ne veut pas aller quelque part, elle s’arrête tout net. Elle me faisait rire. Lorsqu’on l’emmenait quelque part comme à Badminton, où les chevaux sont autorisés à brouter sur la pelouse devant le château, elle se précipitait sur l’endroit où elle avait posé son œil et voulait aller. Son groom pouvait se retrouver en position de skieur nautique à l’autre bout de la longe, mais Brocks s’en foutait pas mal! Même un géant ne l’arrêterait pas quand elle veut aller quelque part. Et plus elle a progressé, plus elle est devenue diva!”, Reconnaît Dinah. “Oui, elle a une personnalité bien à elle”, avoue Paula. “Une fois, quand je l’ai emmenée à Boswell (centre équestre de Wicklow, ndlr), elle m’a envoyé valser alors que j’essayais de la retenir. Elle a toujours été un peu impétueuse, et je ne pense pas que cela ait changé!”

Aux Jeux olympiques de Rio, la paire avait signé une performance impeccable, terminant à un cheveu du podium. © Scoopdyga



La sagesse a primé

Paula Cullen pose ici avec Calendar Girl, la mère de Brocks, disparue il y a seulement trois mois à l’âge de vingt-neuf ans.

Paula Cullen pose ici avec Calendar Girl, la mère de Brocks, disparue il y a seulement trois mois à l’âge de vingt-neuf ans.

© Collection privée

La décision de la retirer du sport n’a pas été facile à prendre. Son avant-dernière sortie a eu lieu au printemps 2019 à Luhmühlen, avec une septième place à la clé, et elle était de nouveau en lice pour disputer le CCI 5*-L de Badminton cette année. “Cela aurait été sa septième participation à ce concours, et il aurait été formidable d’obtenir un dernier bon résultat et d’annoncer sa retraite le dernier jour”, dit Sam, mais le plan n’a hélas pas pu se dérouler comme prévu. Face à la pandémie de Covid-19, qui rend tout incertain, Sam et Dinah ont considéré que même un dernier tour de piste à Burghley était hors de question et ont décidé que le moment était venu.

“Dinah est propriétaire de quelques-uns de mes meilleurs chevaux depuis vingt ans maintenant et elle est une véritable propriétaire. Elle fait tout par amour du cheval et ne veut jamais les pousser. La chose la plus importante pour elle est qu’ils rentrent à la maison en toute sécurité. Brocks commençait à sentir son âge, elle avait beaucoup de kilomètres au compteur et elle n’avait plus rien à prouver. Elle se porte toujours comme un charme, alors même si j’ai été bouleversé de la voir partir, je suis vraiment ravi qu’un cheval de son calibre termine sa carrière heureux et en bonne santé”, explique Sam. “Au bout du compte, elle entame sa retraite en forme et en bonne santé, et elle le mérite. Je pense que continuer n’aurait pas été sans risque, et je ne pouvais pas supporter l’idée qu’il puisse lui arriver quelque chose”, souligne Dinah. “Elle est 100% saine et il n’y a absolument rien à signaler, ce qui est merveilleux à voir”, convient Paula qui prévoit pour Brocks une période de transition avant de lui laisser passer un été en totale liberté afin qu’elle se déconnecter du mode compétition.

Alors qu’un chapitre de sa vie touche à sa fin, un autre, celui de la maternité, est peut-être sur le point de commencer. Ce ne sera pas de sitôt, mais il est possible qu’une autre star puisse voir le jour là où Brocks est née. Tous n’en parlent plus qu’à voix basse pour le moment, mais pour Dinah et Paula en particulier, ce serait le ferment d’un nouveau rêve…



Retrouvez SAM GRIFFITHS en vidéos sur
Retrouvez PAULANK BROCKAGH en vidéos sur