En complet, l’annulation des championnats d’Europe interpelle

Initialement prévus du 11 au 15 août 2021 au Haras du Pin, dans l’Orne, les prochains championnats d’Europe de concours complet n’auront finalement pas lieu, pas plus que ceux de jumping, dressage, para-dressage en Hongrie. Ainsi en a décidé la FEI, soucieuse de préserver l’équité entre des nations, dont certaines ne disposeraient pas d’assez de couples pour défendre équitablement leurs chances sur cet événement et aux Jeux olympiques de Tokyo, reportés à l’été prochain. GRANDPRIX a sollicité l’avis de cinq figures majeures de la discipline en France.



Thierry Touzaint, sélectionneur de l’équipe de France

Je suis déçu, car je pense qu’il y avait la place pour faire les Jeux et les championnats d’Europe. Nous ne sommes pas riches à outrance en chevaux, mais nous en avions assez pour faire les deux. Et nous aurions pu lancer dans le bain de nouveaux couples. 

En plus, les championnats d’Europe auraient eu lieu chez nous, ce qui est toujours très porteur pour la nation organisatrice. Àmes yeux, le plus important ne touche pas à la préparation de Paris 2024, qui est encore loin. En revanche, ils auraient été favorables en termes de médiatisation pour notre sport, trois ans avant la grande échéance.

Nous ne sommes de toute façon pas décisionnaires et ne pouvons que subir. J’espère juste que le Pin pourra récupérer l’édition 2023, mais cela me semble difficile, car cela ferait deux événements majeurs de notre discipline en France sur deux années consécutives. 

Àcourt terme, ce qui m’inquiète le plus, c’est qu’il n’est même pas sûr que les Jeux aient lieu l’an prochain, donc que nous risquons d’avoir deux ans de suite sans championnat. J’aimerais bien que le tournoi européen soit finalement réinstallé. Pas mal de nations sont contrariées et vont le demander, mais je ne sais à quoi cela va aboutir”. 

 

Astier Nicolas, médaillé d’or par équipes et d’argent en individuel aux JO de Rio en 2016

“C’est très triste de perdre une édition des championnats d’Europe. Cela dit, l’équitation est un sport de couple, et les cavaliers français et même mondiaux ne sont pas tous équipés de deux chevaux de pointe. Dès lors, un tournoi européen la même année que les JO serait un peu le championnat des chevaux ‘bis’.

Quant au risque qu’il n’y ait finalement aucun championnat l’an prochain, donc deux ans consécutifs, je me dis : n’aurait-on pas pu attendre pour prendre une décision ? Je n’ai pas la réponse à cette question, il s’agit de la première qui m’est venue quand j’ai appris la nouvelle”.

 

Gwendolen Fer, membre de l’équipe de France aux championnats d’Europe 2017

“Ma réaction est mitigée. D’un côté, c’est dommage car cela aurait pu permettre d’ouvrir l’équipe de France à de nouveaux couples, et à des couples non sélectionnés pour les JO de participer à un championnat. La France aurait eu un assez gros réservoir pour pouvoir présenter deux équipes performantes. De l’autre, tous les pays n’ont pas cette chance. Et puis, les championnats d’Europe doivent voir s’affronter les meilleurs couples européens… qui auraient été aux JO. 

En tous cas, j’espère vraiment que le Pin pourra avoir les championnats en 2023. En plus, à un an de Paris 2024, cela pourrait permettre d’avoir une sorte de répétition générale, et d’attirer des sponsors plus nombreux pour le Pin. 

Pour l’instant, je n’envisage pas qu’il n’y ait pas les JO l’an prochain, certainement parce que c’est un objectif de long terme et aussi parce que Romantic Love ne pourrait pas aller jusqu’à 2024. Cette année, il était inenvisageable qu’ils aient lieu, pour des raisons sanitaires mais aussi à cause du manque de concours préparatoires. Mais je n’imagine pas qu’ils soient annulés en 2021”.



“On pourrait peut-être envisager un championnat d’Europe open”, Thomas Carlile

Alexis Goury, espoir français du concours complet

“Je pense que cette décision a été prise un peu hâtivement. C’est sûr, cela aurait fait deux championnats la même année : toutes les nations auraient-elles pu y envoyer suffisamment de couples performants ? Difficile à dire. Mais les championnats d’Europe sont une porte d’entrée pour grand nombre de nations – dont certaines ne sont pas concernées par les JO – sur un championnat majeur. Et un bel objectif pour des cavaliers comme moi qui ne peuvent pas encore prétendre aller aux Jeux. L’annulation du Pin 2021 coupe donc l’herbe sous le pied à pas mal de monde. 

En plus, il n’est pas sûr que les JO aient lieu, auquel cas cela ferait deux ans sans championnat : pour les investisseurs et les propriétaires, cela deviendrait compliqué… Et notre filière a besoin d’événements comme ceux-là pour se démarquer. En plus, ils auraient dû se tenir en France et auraient donc eu une saveur particulière.

Je pense que les instances décisionnaires devraient réfléchir à un plan B pour ces championnats”. 

 

Thomas Carlile, membre de l’équipe de France aux championnats d’Europe 2015 et 2017

“Je ne suis pas en position de participer à de telles prises de décision, donc je subis la situation, comme les autres. Personnellement, j’aurais trouvé sympa que ces championnats aient lieu. Cela dit, il reste les Jeux olympiques l’été prochain… s’ils ont lieu. Certains disent qu’il est prématuré d’annuler les championnats d’Europe alors qu’on n’en est pas sûrs. J’imagine que les instances décisionnaires ne peuvent pas, dans la configuration actuelle, rester inactives, et qu’elles doivent faire des choix. 

Je trouve donc très dommage de perdre un tel événement, qui plus est en un moment où nous sommes tous agacés des annulations de concours en cascade. Une annulation, c’est négatif, et aujourd'hui, on a besoin de positif. Àtitre personnel, je suis d’autant plus navré que je pense avoir la chance d’avoir une écurie qui me permettrait de jouer JO et championnats d’Europe. Mais ce ne sont que des espoirs. Et ce n’est pas dans ma nature que de me morfondre. Je vais donc me concentrer sur les Jeux, en espérant que nous nous retrouvions au Pin en 2023 pour courir les championnats d’Europe. 

Pour l’an prochain, en admettant que ni Jeux ni les championnats européens n’aient lieu, mais que nous puissions aller en concours, je pense qu’il y a de fortes chances que les meilleurs se retrouvent sur une épreuve majeure, quitte à ce qu’elle ne soit pas intitulée « championnat ». Un peu comme font les cavaliers de l’hémisphère sud une année sur deux quand il n’y a ni JEM, ni JO. Burghley, par exemple, est souvent privé des meilleurs cavaliers, sélectionnés pour les championnats qui ont lieu en même temps. On pourrait peut-être envisager un championnat d’Europe open (ouvert à des cavaliers d’autres continents, mais avec un classement européen dans le classement global, ndlr), tel que celui qui s’y est tenu en 1997 ? Il pourrait s’organiser en dernier recours”.