“Tout dépendra de la reprise des concours”, Sébastien Cavaillon

Installé au haras de Montmal, au Bec-Hellouin en Normandie, Sébastien Cavaillon se distingue régulièrement sur la scène internationale en concours complet, notamment avec Sarah d’Argouges (SF, Quiet Easy I x Count Ivor, Ps), sa jument de tête. Pour GRANDPRIX, il évoque la manière dont il a traversé les dernières semaines et ses perspectives pour la suite.



Comment avez-vous vécu le confinement ? 

Pas si mal. J’ai été confiné au haras (dont il partage la propriété avec sa compagne Julie Bordenave, ndlr) avec les chevaux et nos employés, qui vivent sur place. Les conditions n’étaient donc pas désagréables. Ceci dit, le confinement a été lourd moralement: difficile de rester motivé quand tout est à l’arrêt! La grosse déception est venue de l’annulation de nos cibles de cette année: le CCIN5*-L de Badminton, et éventuellement les Jeux olympiques de Tokyo. Et encore, j’ai de la chance, car Sarah n’a “que” quatorze ans. Une année blanche fait mal dans sa carrière, mais je pense aux cavaliers qui ont des chevaux plus âgés : Thibaut Vallette avec Qing du Briot, Karim Laghouag avec Punch de L’Esques… Pour eux, rester à la maison est encore plus rageant. 

Comment avez-vous organisé le travail de vos chevaux ? 

Nous avons mis quelques jeunes au repos, mais tous ceux âgés de plus de six ans sont restés au travail, qui ajuste été allégé pour les plus vieux. Les chevaux de six et sept ans ont profité d’une sorte de deuxième hiver. Pour autant, une partie de leur apprentissage passe obligatoirement par les concours et n’est donc pas acquise. Le travail de fond des chevaux d’âge a été arrêté même si nous n’avons pas chômé et que nos installations nous ont permis de varier les activités. La sortie du confinement nous a permis d’aller galoper sur la plage, ce qui a été agréable pour eux comme pour nous. Et avec Sarah, début mai, j’ai participé au NAF 5* Virtual Eventing (un CCI5* virtuel et caritatif, ndlr), un concours virtuel caritatif.

Qu’est-ce qui vous a encouragé à y participer et quel bilan en tirez-vous?

Nous avons voulu agir en faveur du personnel soignant et participer à quelque chose de plus grand que nous, d’autant que nous ne servons pas directement la société en tant que cavaliers. Nous avions là l’occasion de le faire, et de mobiliser des gens du monde du cheval autour de cette cause. C’était l’objectif premier. Par ailleurs, cela a permis d’avoir un petit objectif dans le travail. Nous avons déroulé la reprise de dressage de niveau 5* en conditions de concours, et j’ai senti Sarah exactement comme elle est à l’extérieur. C’était assez sympa. Quant au saut d’obstacles, tous les cavaliers ont été invités à sauter un vrai parcours chez eux. Les images avaient été filmées et auraient dû être diffusées, avant que l’organisation ne recule et ne remplace le test par un tour à vélo. Elle a eu peur qu’on lui reproche de nous avoir fait prendre des risques compte tenu des circonstances, et a cédé à la pression de certains sponsors. Face à cette décision, les cavaliers ont été partagés. Moi, j’étais favorable à ce que ces parcours soient diffusés. Nous sommes cavaliers professionnels, le confinement ne nous a pas empêchés de faire sauter nos chevaux, et on ne nous pas fait prendre plus de risques sur un enchaînement dessiné par un chef de piste que nous n’en prenons en faisant des exercices de gymnastique et autres à la maison. En plus, comme les tours étaient filmés en amont, il aurait été possible de ne montrer que de belles images, positives pour notre sport. C’est dommage, et nous avons eu des retours déçus des spectateurs, qui s’attendaient vraiment à voir les chevaux sauter.

Votre écurie abrite aussi des chevaux de propriétaires. La gestion n’en a-t-elle pas été compliquée?

Non, car presque tous sont en pension-travail. Cela a surtout changé pour mes propriétaires, qui ne pouvaient plus venir les voir. La grande majorité d’entre eux a accepté tout de suite, d’autres ont été plus réticents, comme dans beaucoup d’écuries. De toute façon, il y avait des directives ministérielles à respecter.



La semaine dernière, vous avez participé au concours de reprise du Cycle classique de saut d’obstacles au Pôle International de Deauville. Quel a été votre ressenti?

Très bon! Il y a eu des contraintes notamment administratives, et beaucoup de papiers à présenter pour accéder au site. Cela nous a fait un peu sourire dans la mesure où avec ce qui se passe, tout le monde semble essayer de faire un pas vers l’écologie: sans doute tout cela pourrait-il être dématérialisé. Mais l’organisation était remarquable. J’ai trouvé l’ambiance très calme et sereine, sans stress ni panique. J’ai même trouvé le comportement des gens beaucoup plus agréable qu’avant le confinement, sans quête de passe-droit ni de râleries. 

Comment envisagez-vous la suite ? 

J’espère que la saison ne va pas être complètement blanche! Et que des concours de fin de saison annulés auront lieu quand même. J’imagine que les organisateurs ont voulu limiter le risque financier, alors que tous les budgets devraient aujourd'hui être bouclés. Des concours à huis-clos devraient pouvoir avoir lieu, mais je ne vois pas comment Boekelo ou Burghley, par exemple, pourraient se tenir alors qu’ils dépendent des entrées vendues au public.

De manière générale, le sujet de la reprise des concours est en train de s’emballer sur la toile. J’ai le sentiment de revivre ce qui avait suivi la décision de permettre aux propriétaires de venir voir leurs chevaux avant le déconfinement: cela avait mis de l’eau au moulin de certains, alors que les visites étaient strictement limitées à quelques cas particuliers. Je reste donc très méfiant même si, comme tout le monde, je serais plus ravi que les concours reprennent pour tous. J’attends les autorisations ministérielles. 

Le CCI 5*-L de Pau, sous réserve qu’il soit maintenu, pourrait-il être un objectif pour Sarah et vous?

Tout dépendra de la reprise des concours. On pourra l’envisager si elle est effective en juillet: trois mois de préparation seraient corrects. Cela dépendra aussi du programme qui nous sera proposé. S’il a les autorisations, le haras de Jardy pourra organiser un CCI 4*-S en juillet. Mais cela serait un drôle d’international entre Français si les frontières étaient toujours fermées… Idem pour le Grand Complet en août. On verra ce qu’on nous propose et nous autorise à faire. Mais on aimerait bien avoir une belle fin de saison!



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