La suspension exemplaire du cavalier émirati fait réagir

La sanction prise par la Fédération équestre internationale (FEI) à l’encontre du cavalier émirati cheikh Abdul Aziz Bin Faisal Al Qasimi réjouit les principaux acteurs engagés dans la lutte contre le dopage dans l’endurance équestre. Mais certaines voix dénoncent l’absence de poursuites à l’encontre de l’entourage du cheval, alors même qu’elle le désigne comme donneur d’ordre dans la médicalisation abusive. 



Deux ans pour violation des règles de la médication équine contrôlée (ECM) et dix-huit ans pour maltraitance. La suspension de vingt ans de cheikh Abdul Aziz Bin Faisal Al Qasimi se veut exemplaire. Alors qu’il galopait en tête sur la dernière étape du CEI 1* de Fontainebleau en octobre 2016, son cheval s’était fracturé un antérieur. Castlebar Contraband avait alors dû être euthanasié. Les résultats de l’autopsie ont révélé peu après la présence de Xylazine, une substance médicamenteuse contrôlée et utilisée comme sédatif, analgésique et relaxant musculaire, strictement interdite en compétition. “Pour la première fois, une décision stipule clairement la présence d’insensibilisation patente, ce qui était déjà soupçonné sur place”, commente un officiel à la lecture de la décision dûment documentée (52 pages) du tribunal de la Fédération équestre internationale(FEI). “Impressionnés”, “soulagés”, la sanction exemplaire de la FEI est particulièrement saluée par les vétérinaires. “Quatre ans de bataille acharnée et un résultat historique”, analyse un praticien habitué des courses d’endurance qui évoque le travail de l’Académie vétérinaire de France (AVEF), du collectif Clean Endurance. Et chacun de souligner la réactivité des officiels de la course dans cette affaire : “Le sport équestre peut garder espoir, et l’endurance le sourire”, se plait-on à résumer. 

Déléguée étrangère lors du CEI de Fontainebleau où a eu lieu l’accident, le Dr Monica Mira était restée avec le cheval jusqu’à ce qu’un steward puisse être dépêché pour escorter la dépouille de Castlebar Contraband à la clinique de Maisons-Alfort : “On ne voulait pas d’un Ajayeb et d’un Samorin 2”, livre, encore marquée, la vétérinaire portugaise. On se souvient en effet de la fracture ouverte puis de la disparition énigmatique du corps de la jument arabe courant sous selle émiratie qui avait dû être euthanasiée pour blessure entrainant la mort (“catastrophic injury”) lors des championnats du monde d'endurance en Slovaquie, en septembre 2016. La jument n’était jamais arrivée sur le lieu de son autopsie, qui devait normalement se tenir en Autriche. Aucune analyse post-mortem n’avait donc pu être pratiquée alors que beaucoup d’observateurs soupçonnaient la monture d’avoir eu les membres“bloqués”.

Le risque de revoir ce genre d’accident où est mis en évidence le “nerve blocking” devrait théoriquement se réduire, du moins sur les épreuves régies par la FEI, avec l’arrivée du tout récent système de contrôle d’hyposensitivité.

Ce protocole – mis en pause dans le contexte Covid-19 pendant lequel les courses FEI sont suspendues – initié par une vétérinaire française, le docteur Morgane Schambourg a été utilisé à titre expérimental lors de plusieurs épreuves internationales en France, avant d’être officiellement validé et présenté par la FEI en février dernier. L’échec à ce test mécanique – qui ne porte pas atteinte à l’intégrité physique du cheval – entraine automatiquement l’élimination du couple par le jury. La preuve avait été faite au préalable que les chevaux d’endurance soumis à cette forme de dopage qu’est le “nerve blocking”de leurs membres avant et pendant les épreuves ont une altération de leur sensibilité et par conséquence la perte du signal d’alarme supposé intervenir en cas de douleur, de blessure.



“Catastrophic injury” ?

Néanmoins, pour d’autres acteurs de la discipline, il y a bien un “mais”dans cette décision… En effet, la FEI n’a pas entamé de poursuites à l’encontre de l’entraineur du cheval et de son entourage au sens plus large, la personne responsable dans ce genre de cas de dopage étant d’office le cavalier. Pourtant, dans son rapport, la FEI mentionne un donneur d’ordre ayant sollicité les infiltrations à la clinique britannique où était suivi Castlebar Contraband les semaines précédant la course. “Pourquoi ne pas avoir condamné ou ne serait-ce que suspendus les commanditaires des traitements médicamenteux également responsables du surentrainement, ceux-là mêmes qui ont conduit à la fracture dite de fatigue dont a été victime le cheval”, dénonce l’éleveur Jérôme Bianconi. “Le jugement de la FEI fera date, oui, mais au rang des « catastrophic injuries » du monde de l’endurance que nous aimons tous”, regrette ce passionné, également cavalier et courtier, qui demande davantage de sanctions encore. Jérôme Bianconi approuve néanmoins cet avertissement donné aux “cavaliers de dernière minute”, cheikh Abdul Aziz Bin Faisal Al Qasimi n’étant pas forcément le cavalier d’entrainement de ses propres chevaux.

Pour cette même affaire de maltraitance, ledit cavalier émirati de trente-deux ans est également au cœur d’une procédure judiciaire en France dans l’attente de la saisine du TGI de Fontainebleau, à la suite d’une commission rogatoire en date du 19 avril 2018.