Les nouvelles épreuves à dotations variables font débat!

Ce week-end ainsi que le prochain, des concours professionnels à huis clos sont organisés un peu partout en France afin de permettre aux cavaliers de préparer la reprise des CSI. À Barbaste et au Mans, un format d’épreuve inédit à dotations variables a été mis au point par une cellule de discussion interne à la FFE composée de Xavier Trouilhet, Philippe Rossi et Frédéric Morand. Une initiative dont le but est de partager entre organisateurs et cavaliers les frais d’organisation d’épreuves de qualité servant de tremplin vers le haut niveau. Pour l’instant, elles font débat. GRANDPRIX a recueilli les opinions de Philippe Rossi, fondateur et dirigeant du Pôle européen du cheval et aux cavaliers Olivier Robert, Claire Marquebielle et Sébastien Duplant.



“Au moins nous aurons essayé quelque chose!”, Philippe Rossi

Le principe est simple: la dotation et le montant de l’engagement sont proportionnels au nombre d’engagés. Plus il y a de partants, plus la dotation est élevée. Les frais d’engagement évoluent proportionnellement par tranche de dix engagés. Cette nouvelle formule concerne les épreuves Pro 1. Pour l’heure, cette initiative fait encore de vagues et nombreux sont les cavaliers qui crient au scandale. GRANDPRIX a choisi de donner la parole aux deux parties. Tandis que Philippe Rossi rappelle le contexte qui a conduit les organisateurs à imaginer ce concept, des cavaliers professionnels justifient leurs doutes ou leur réprobation.

Philippe Rossi, fondateur et dirigeant du Pôle européen du Cheval: “Tout projet nouveau bouscule toujours un peu notre communauté. Il s’agit là d’un test. Si les cavaliers le valident, cela permettra d’avoir un bras de levier important sur les dotations et de leur proposer quelque chose de plus intéressant. Les épreuves à dotation variable ont pour objectif de proposer de plus grandes dotations aux cavaliers tout en restant raisonnable pour l’organisateur. Lorsqu’on organise une épreuve Grand Prix, on est de toute façon déficitaire, mais le but est de maîtriser ce déficit et non de le subir. En fonctionnant par tranches, on sait qu’on ne va pas gagner d’argent, mais on sait aussi qu’on ne va pas trop en perdre. Ce système permet de constituer une vraie cagnotte au bénéfice des cavaliers. Ainsi, le week-end prochain au Mans, il y a des épreuves à 1,40m le vendredi et le samedi, avec un plafond à 14.000 euros, et une à 1,45m le dimanche, avec un plafond de 18.000 euros. S’il n’y a que quarante partants, la dotation baissera à 8 000 pour les épreuves à 1,40m et 10.000 pour celle à 1,45m. Dans ce cas, on se rapprochera des dotations habituelles de ce genre d’épreuve. Pour ceux qui veulent juste se remettre en route, il y aura également des épreuves préparatoires jusqu’à 1,35m tous les jours. Marc Dilasser, avec qui j’ai discuté il y a quelques semaines, me demandait pourquoi nous ne proposerions pas des engagements à quelques dizaines d’euros dans ces mêmes épreuves Pro 1 à dotations variables, pour que les cavaliers puissent sauter le parcours hors classement, mais nous avons finalement décidé qu’il valait mieux pour l’instant proposer des Prépas en parallèle dans nos programmes. Nous testons ce format d’épreuve sur deux semaines, en espérant que la seconde sera plus prolifique, car peu de cavaliers ont joué le jeu à Barbaste (du 11 au 14 juin, ndlr)… Si cela ne fonctionne toujours pas, nous nous serons trompés, mais au moins nous aurons essayé quelque chose!”



“Si l’on nous avait demandé notre avis...” Olivier Robert

Olivier Robert, cavalier professionnel de haut niveau: “Je tiens d’abord à remercier les organisateurs qui, en cette période délicate, tentent de trouver des solutions pour que les cavaliers professionnels puissent reprendre la compétition le plus tôt possible et ainsi faire leur travail, à savoir faire sauter leur chevaux afin de les amener au haut niveau et/ou de les vendre. Le fait que des compétitions puissent avoir lieu dès ce week-end est exceptionnel, et je le salue. Toutefois, demander 250 euros d’engagement pour courir une épreuve à 1,40m ne doit pas exister. Ce n’est pas possible. J’ai conscience que les organisateurs se donnent du mal pour nous offrir de belles épreuves et qu’ils ne peuvent pour l’instant compter ni sur les engagements des amateurs, qui n’ont pas encore le droit de reprendre, ni sur les recettes des buvettes… Cependant, si nous allons dans cette direction, cela va créer un fossé terrible entre ceux qui ont les moyens, et les autres, qui ne pourront se permettre de tels frais et se contenteront alors de sauter des épreuves à 1,30m et 1,35m. Je sais que c’est un test qui a besoin d’être affiné et que l’intention est louable. À mon sens, il y a du bon dans l’idée mais pas assez de réflexions menées main dans la main avec les cavaliers. Mon principal regret est que nous n’ayons pas été consultés en amont, de même que nos propriétaires. Des discussions menées ensemble auraient sûrement permis de mettre plus facilement tout le monde d’accord… Si l’on nous avait demandé notre avis, je pense que nous aurions été nombreux à répondre qu’il n’y avait pas besoin de mettre autant d’argent en dotation (14 000 euros, ndlr) et qu’il aurait été plus judicieux de se contenter de proportions plus normales, tant en termes de dotations que d’engagement, afin de permettre aux cavaliers de se remettre en route raisonnablement. À ce prix-là, les cavaliers ne préféreront-ils pas s’engager en CSI? Donnons-nous deux ou trois semaines de recul pour le savoir…”



“L’effet obtenu est l’inverse de celui recherché”, Sébastien Duplant

Claire Marquebielle, cavalière titulaire d’une licence Pro depuis cette année: “Je ne suis pas à proprement parler professionnelle. Cependant, comme j’ai un excellent cheval, j’ai décidé cette année de me faire un petit plaisir en prenant une licence Pro (360 euros, ndlr) pour retenter ma chance à 1,40m. Ce format d’épreuve me fait bondir et j’espère vraiment que cela va rester expérimental et conjoncturel. Il est vrai que les organisateurs ne peuvent pas proposer des épreuves de proximité à 1,40m sans sponsors, mais ce n’est pas cette grille à dotations variables telle qu’elle est proposée qui va leur permettre d’attirer des professionnels. Si l’on analyse un peu la grille publiée, cela revient à ce que les cavaliers autofinancent leurs épreuves! Je comprends bien sûr les organisateurs, mais je pense qu’ils essaient de combler un problème qui vient d’ailleurs. La Fédération pourrait commencer par prendre en charge les frais de ses officiels de compétition (chefs de piste, commissaires au paddock et juges, ndlr). Au moins, nous saurions où passe la part fédérale prélevée sur les engagements! Si les choses ne changent pas de direction, comme me l’a récemment dit un ami, nous allons finir comme en dressage avec des Pro 2 à 500 euros et cinq partants par épreuve…”

Sébastien Duplant, cavalier professionnel: “Il ne s’agit pas de critiquer cette initiative. L’intention bonne et l’idée n’est pas mauvaise, mais cela ne peut fonctionner que dans les régions où il est facile d’avoir soixante partants par épreuve. Dans les régions où il y a moins de pros, ce système ne permet pas de payer l’effort des cavaliers qui viennent. Car s’il n’y a que vingt ou trente partants, la dotation baisse au point de rendre l’épreuve moins attractive que celle du niveau inférieur. Par exemple, ce week-end à Barbaste, où nous ne serons que quinze dans l’épreuve Pro 1 à 1,40m, censée être l’épreuve phare du dimanche, l’épreuve à 1,35m du samedi sera mieux dotée : 3.500 euros contre 2.000! Les bons cavaliers ne préféreront-ils pas courir une plus petite épreuve? L’autre risque est que les cavaliers de ces régions déjà peu achalandées s’engagent ailleurs en France ou à l’étranger, ce qui pénalisera les concours locaux… Bref, en l’état, il me semble que l’effet obtenu est l’inverse de celui recherché. Et je trouve dommage que nous, cavaliers, n’ayons pas été davantage consultés en amont de ce test.