Mais pourquoi Isabell Werth est-elle si forte ?

Où s’arrêtera Isabell Werth, la cavalière la plus titrée de l’histoire des sports équestres avec pas moins de dix médailles olympiques, dont six en or? Si son hégémonie a longtemps été contrariée par sa rivale historique Anky van Grunsven, depuis la retraite sportive de la Néerlandaise, l’Allemande règne plus que jamais en impératrice sur la petite planète du dressage. Pour un peu, sa longévité ferait presque passer le Néerlandais Edward Gal et la Britannique Charlotte Dujardin pour des effets de mode!



“Mais pourquoi est-elle si forte?“, se répète- t-on chaque week-end en voyant Isabell Werth dominer presque systématiquement les CDI 4, 5* et W avec tous ses chevaux. Il faut dire qu’elle est la seule à disposer en permanence d’au moins trois montures capables de briller au niveau Grand Prix. Si le classement mondial de dressage édité par la Fédération équestre internationale se fondait sur les performances des cavaliers, et non des couples, l’Allemande en serait l’indéboulonnable numéro un depuis des lustres. Pour preuve, en juillet, elle y figurait encore aux première, troisième et septième places avec ses trois cracks : Weihegold (Old, Don Schufro x Sandro Hit), Emilio 107 (Westph, Ehrenpreis x Cacir, AA) et Don Johnson FRH (Han, Don Frederico x Warkant). Et comme si cela ne suffisait pas, elle vient enfin de relancer en concours la géniale Bella Rose 2 (Westph, Belissimo x Cacir, AA), qu’on croyait définitivement perdue pour le sport après trois ans et demi d’absence!

Isabell Werth a été formée par le légendaire docteur Uwe Schulten-Baumer, qui fut aussi le mentor de l’iconique Nicole Uphoff, quadruple championne olympique en 1988 à Séoul et 1992 à Barcelone. Également propriétaire de Gigolo (Graditz x Busoni, Ps), son premier crack, l’illustre entraîneur allemand lui a incontestablement transmis les bases techniques et la rigueur qui nourrissent sa longévité et sa capacité à dresser et sublimer ses montures sur les rectangles de compétition. Le trio a notamment décroché les deux médailles d’or aux Jeux olympiques d’Atlanta en 1996, ainsi que l’or par équipes en 1992 à Barcelone et 2000 à Sydney.

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S’entourer, une qualité primordiale

Depuis 2001, Isabell Werth peut compter sur le soutien sans faille de Madeleine Winter-Schulze, indispensable mécène des sports équestres allemands (lire également pages 60 à 62), chez qui elle s’est installée à cette époque. Anthony (Han, Argument x Wenzel I), Apache (Old, Alabaster x Grundstein I), Warum Nicht (Han, Weltmeyer x Wenzel I), Satchmo 78 (Han, Sao Paulo x Legat), El Santo (Rhein, Ehrentusch x Rhythmus), Der Stern (Old, Dormello 2 x Sion), Laurenti (Old, Laurentio 3 x Walldorf), Don Johnson, Emilio 107 et Bella Rose : hormis Weihegold, tous appartiennent ou ont appartenu à la grande Madeleine. Jusqu’à présent, ce fructueux partenariat a été à l’origine de vingt médailles en championnats internationaux. Et ce n’est pas près de changer, la quadragénaire préparant déjà la relève de ses actuels cracks avec quatre chevaux acquis par sa fidèle partenaire : Bella Riva (Han, Belissimo x Rubinstein), Quintus (Westph, Quaterback x Florestan I), Sorento (Westph, Sandro Bedo x Florestan I) et Superb (Han, Surprice x Donautanz). 

La championne se caractérise aussi par un talent inégalé pour exploiter et sublimer des montures au physique ou au tempérament parfois délicats. On pense notamment à la puissance d’El Santo, qui peinait à ployer son rein, à l’atypique sortie d’encolure de Warum Nicht ou encore aux facéties de Don Johnson. Enfin, Isabell Werth sait s’entourer. D’abord de cavaliers professionnels de talent pour préparer ses chevaux, comme Matthias Bouten, qui s’illustre aujourd’hui régulièrement à plus de 70 % en Grands Prix internationaux après s’être mis à son compte, ou encore son élève Beatrice Buchwald, première cavalière de Weihegold, qui l’avait dressée jusqu’au Grand Prix. Autre exemple parlant : lorsque l’impératrice s’était retrouvée en difficulté au piaffer avec El Santo, elle n’avait pas non plus hésité à faire appel aux lumières de l’Espagnol José Antonio García Mena - fait assez rare pour une Allemande - afin de trouver des solutions. Un temps suivie par Wolfram Wittig, elle travaille désormais régulièrement sous l’oeil de Monica Theodorescu et Jonny Hilberath. Alors si l’on ne peut nier un alignement favorable des planètes, notamment depuis les retraites de la Néerlandaise Anky van Grunsven, qui a contesté sa domination jusqu’en 2012, et du génial Valegro (ex-vainqueur Fleur, KWPN, Negro x Gershwin), qui s’est imposé dans tous les grands rendez-vous auxquels il a participé avec la Britannique Charlotte Dujardin entre 2012 et 2016, son secret n’en est sans doute pas un… Du travail, encore et toujours du travail.

Cet article est paru dans le hors série du magazine GRANDPRIX n°18 pendant l'été 2018.